Box-office 2012 : le cinéma français est-il mort ? On a souvent lu et entendu qu’il y avait trop de films français en salle, que ces films ne parlaient que des Bourgeois, qu’ils étaient mauvais, déconnectés du monde, élitistes, sans rythme, que les jeunes détestent notre cinématographie et que de toute façon les Français ne vont pas en salle car celles-ci sont trop chères. Qu’est-ce qui est vrai dans tout cela ? La réponse en seize pages Word, une seule page CinéDweller, avec un maximum de chiffres et des points de vues qui n’iront ni dans le sens de Twitter ni dans le sens de la profession. Bref, un dossier unique, un dossier CinéDweller.
Symboliquement, l’absence de productions françaises dans le top 10 annuel est lourde de sens. De façon historique, on n’avait jamais vu cela, à l’exception de 1989 où, de justesse, la coproduction franco-italienne, Cinema Paradiso nous permettait de sauver la face. Pourtant, contrairement à ce que tout le monde pense, notre situation en 2022 est bien meilleure que celle misérable de 1989 où l’on disait à jamais adieu à des décennies de cinéma noir, de polars français, de comédies franchouillardes à destination des villages, aux films érotiques voire pornographiques. Le paysage changeait, avec l’avènement du divertissement américain qui était fait pour triompher dans des multiplexes, ceux qui allaient naître dans les années 90 quand les salles de villages et des petites villes rendaient l’âme au détour de la fin des années 80. En 1989, la France disait aussi adieu au star-système, Alain Delon et Belmondo étaient en fin de carrière, et notre production allait se tourner vers un type de comédie plus consensuelle ou vers un nouveau cinéma d’auteur pour trouver ses marques. Deux réponses qui ont trouvé en 2022 leurs limites, puisque l’un et l’autre sont tenus en échec quand on analyse le box-office français de très près.
Le cinéma français ou l’art de ne plus froisser
En 2022, le cinéma doit affronter des difficultés nouvelles avec la multiplication des plateformes aux contenus médiocres mais addictifs. Les cinémas, espace clos par excellence doivent affronter les conséquences de deux confinements qui tendent à inciter chacun à revoir sa manière de consommer. Le cinéma ne doit plus froisser, car la polarisation de la pensée culturelle, politique et philosophique, ne laisse pas de place à la complexité, à l’humain et ses zones d’ombre. On parle de “bienveillance”, de “génance”, de sujets “inspirants”, et les gens sont “choqués”, tout comme l’Extrême Gauche et l’Extrême Droite, sauf par leurs propres haines sur les défouloirs d’opinion que sont devenus Twitter, Facebook et autres espaces de liberté d’opinion…
Aussi, dans cette situation, le cinéma français se retrouve dans une réduction des thèmes à envisager. Il ne rit plus de rien et ressasse les thématiques. On va parler essentiellement de femmes oppressés, de communités oppressées, de migrants, de police. Bref, ce qui constitue les plateaux de CNews, des chaînes de télévision d’information en général, des émissions de débats, quitte à omettre tous les sujets qui constituent la réalité humaine : les abysses de la misère de tous ces Français dans l’incapacité de payer leurs fins de mois, la difficulté d’être, de cohabiter avec l’autre qu’il soit homme ou femme, ado ou adulte… Tout est gommé pour des portes ouvertes aux bons sentiments et à une volonté éducative du cinéma. Un auteur en 2022 doit éduquer, il ne doit plus aider à penser ou faire rêver. Les films prêchent, mais ne permettent plus d’ouvrir son esprit face à la binarité. On se souvient par exemple, en 2005 du film remarquable de Nicole kassell (une cinéaste), The Woodsman, qui avait un regard fort sur la pédophilie. Il ne s’agissait pas de décrire le personnage joué par Kevin Bacon comme un monstre ou comme le Mal, mais effectivement, plutôt de comprendre l’être malade, peut-être lui-même victime de pulsions incontrôlables, la pédophilie. Oui, il était victime de sa propre condition. Comprendre pour mieux prévenir, soigner, plutôt que de crier au diable sans chercher à traiter le problème. C’est bien là toute la complexité du cinéma que l’on pourrait attendre d’une production qui se mord la queue.
Dans ce contexte, où on diabolise les gros budgets, les fils de…, on juge, on boycotte. Et tout le monde se lamente ou se réjouit de la fragilité du cinéma français qui se prend cette déferlante sur le dos. Désormais, la production nationale doit être bienveillante et explorer le casier judiciaire et les réseaux sociaux de chacun de ses acteurs pour ne pas offenser. Mais, en faisant cela, il perd une grande partie de son audience qui ne se retrouve pas dedans, tout en satisfaisant une bien-pensance généralisée qui, de toute façon, ne va pas au cinéma.
Box-office français 2022 : les jeunes et le grand capital
La curiosité asphyxiée d’une jeunesse prise dans l’étau des Marvel et de la sérialisation des films, formule hollywoodienne pour mieux fidéliser le public et ainsi permettre de rassurer les actionnaires quant aux revenus à venir, est paradoxale. Le nouveau monde déteste le capitalisme mais se goinfre des ses icones pour nourrir Wall Street. OK Boomer, à l’arrivée, c’est toujours toi qui garde le pouvoir. C’est beau l’illusion de vouloir changer le monde.
Le mouvement s’est accentué avec la globalisation de la fin des années 90, et s’est accentué avec les réseaux sociaux qui ont validé l’idée que l’on ne prête plus attention à ce que l’on regarde, on le commente en direct, de façon non plus individuelle mais collective, car désormais, on pense en communauté. On n’essaie plus de trouver sa propre sensibilité ; on l’accommode à celles des autres pour mieux faire partie d’un groupe. On tweetera la même phrase que des milliers en changeant un petit mot, on répète les poses sur Instagram, et, même si on est écolo, on streamera en HD tout en faisant la leçon de morale à son prochain sur ses habitudes de consommation. Et oui, le streaming est un désastre écologique. Un de plus.
Les générations ont divorcé, comme elles le font depuis toujours, mais avec l’affirmation des réseaux sociaux pour mieux se battre. Ou chasser les sorcières, ceux qui pensent différemment. Une forme de pouvoir supplémentaire qui aide à faire le bien, mais permet surtout à l’humain de briller dans ce qu’il sait faire le mieux, abuser de ses pouvoirs.
Box-office français 2022 : les Français ne rigolent plus
Aussi, la production hexagonale a arrêté d’être un spectacle consensuel capable d’attirer à la fois un public mature, les adultes, et une cible jeune pour le même film, au sein d’une même séance. Le ciment cinématographique a gravement lâché en 2022. Mais de toute façon peu de nouveautés avaient cette capacité en 2022. On évoquait Les Tuche 4 en décembre 2021 et ses 2 431 000 entrées et Qu’est-ce qu’on a tous fait au bon Dieu ? en 2022 (2 450 000 entrées). Ces deux productions auraient dû largement dépasser les 3 500 000 / 4 000 000 d’entrées. Ils se sont fait une « Visiteuze », syndrome de la comédie monstre qui finit sa carrière au score ringard des Visiteurs la révolution en 2016. Gaumont en avait tiré 2 200 000 entrées. La major en espérait plus de 5. La différence entre Les Visiteurs 3 et les deux suites qui se sont abîmés en fin d’année 2021 et en 2022, c’est que le blockbuster du rire de Jean-Marie Poiré était raté quand Les Tuche 4 était loin d’être honteux, tout comme la 3e comédie familiale avec Christian Clavier.
Que s’est-il passé alors ? Un effet Gilet jaune et Antivax, avec la volonté d’un peuple de ne plus aller rire des gags des élites ? Une désaffection des jeunes qui ne carburent plus du tout à ce type de programme ? Un public de retraités qui ne va guère plus en salle depuis les confinements, y compris pour des films qui leurs sont destinés ? Trop de films réalisés par des femmes qui ne parlent pas à un public masculin pourtant majoritaire au cinéma ? Un public qui en a marre qu’on lui fasse la morale ? Je vous rassure, un peu de tout cela, en fait.
380 films français en un an !
Alors, il est vrai que notre cinéma n’a pas attiré les foules, mais remettons les choses à leur place. La production nationale a littéralement écrasé par son poids toute la concurrence : 380 films sur un an, coproductions y comprises, ou 310 films franco-français. Seulement 78 films américains, 26 films britanniques, 22 japonais, 18 italiens et allemands… Le cinéma de nos territoires et de nos centres urbains déversait chaque semaine des flots et des flots de films. De nombreuses productions ont même profité de ce phénomène pour réaliser des scores convenables, mais beaucoup n’avaient pas les moyens d’exister longtemps. Un programme en chassait un autre, sans laisser de temps au bouche-à-oreille. Oui, en 2022, on consomme sur l’instant et on n’envisage par le moyen terme.
En 2022, dans le top 100 des films qui ont fait le plus d’entrées, on compte 51 films français. En 2018, ils étaient 40 ; en 2019, nos productions étaient 38 dans le top 100, en 2020, elles étaient 37.
Il est vrai qu’en 2018, pour être 100e, il fallait comptabiliser 410 000 places vendues contre 317 000 en 2022. Et c’est là où le bât blesse.
Les Américains absents, des écrans pour tout le monde
En fait, ce qui a changé pour beaucoup de productions locales, c’est le nombre d’écrans octroyés pour chacune d’entre elle, puisqu’en l’absence de productions étasuniennes, de films commerciaux squattant les écrans des multiplexes, énormément de films d’auteur, ont pu être distribués dans plus de 100 cinémas en première semaine, ce qui était inimaginable pour beaucoup d’entre eux quelques années auparavant. Le résultat a été dramatique pour beaucoup d’exploitants qui ont trouvé leur salles vides. Car, si on a beaucoup pensé aux artistes et aux spectateurs, personne ne se pose vraiment la question des exploitants qui nous accueillent dans ses salles chauffées ou climatisées…
Le cinéma américain si fédérateurs ces dernières décennies n’a quasiment sorti aucun blockbuster. Mais tous les titres massifs comme Top Gun Maverick, Avatar 2, Les minions 2, Jurassic World 3, Doctor Strange 2, The Batman, Thor 4, Les animaux fantastique 3, Uncharted, Black Adam, Bullet Train… ont fait le job, plutôt correctement, et ce même si ces produits n’étaient pas d’un grand niveau. On comptabilise énormément de suites, beaucoup de blockbusters super-héroïques… Après tout, l’on voit un Marvel en 2022 même s’il a mauvaise presse. Il s’agit de le découvrir en groupe et suivre une saga qui jongle entre les diffusions exclusives sur le format plateforme et celui du grand écran. Appartenir au groupe, à une communauté, cela a du sens à l’époque d’une société polarisée qui ne rend plus hommage à l’individualité, mais au collectif. La question de sanctionner un film de super-héros en 2022, ce n’est pas dans le logiciel mouton du public contemporain. On polarise les recettes. Même quand Jurassic World : le monde d’après est décrié et unanimement considéré comme mauvais, ce sont tout de même 3 550 000 spectateurs qui se déplacent. La production Universal n’est pas sanctionnée, ou à peine. La traque aux dinosaures numériques aurait pu s’achever au-dessus des 5 millions d’entrées si le contenu avait bon.
Les spectateurs d’Halloween
Les films d’épouvante américains ont même démontré que les jeunes sont très fidèles au cinéma et qu’il n’y a pas de problèmes de tarifs. Un jeune, cela sait toujours trouver les bons tarifs. Smile a été phénoménal ( 1 221 000), Scream, contrairement aux USA, n’a pas beaucoup marché chez nous, mais a au moins agrégé 538 000 spectateurs, Halloween Ends a tout de même été vu par 481 000 spectateurs, l’original Black Phone est sorti de nulle part mais a comblé 451 000 amateurs de sueurs froides. Plus récemment M3gan a réalisé 57 000 entrées en une journée. La proie du diable, aussi ridicule était-il, s’est forgé un socle de 400 000 spectateurs tout en faisant sa promotion à la dernière minute… Le distributeur de ce dernier, Metropolitan FilmExport, n’arrivant plus du tout à trouver un public pour ses produits américains habituels, est contraint d’improviser des sorties de ce style pour rééquilibrer ses comptes. Après La proie du diable en octobre et Esther 2 en août, le distributeur français proposera en janvier 2023 L’emprise du démon, pour ne pas réitérer les échecs couteux de Blacklight (Liam Neeson à moins de 200 000), Moonfall (Roland Emmerich à 350 000), Freaks Out (36 000), Un talent en or massif avec Nicolas Cage (79 000), les cannois Les crimes du futur de Cronenberg (108 000), Les nuits de Masshad (100 000) et à un moindre niveau Les bonnes étoiles (150 000). Pour L’emprise du démon, attendez-vous à une promo peu couteuse une semaine avant la sortie, pour un prix d’achat peu élevé pour le distributeur.
La légende urbaine des jeunes qui ne vont plus au cinéma est donc partiellement vraie (les séries, les jeux vidéo, les plateformes et le besoin de déconner en groupe chez eux ou dans des lieux non confinés, tout est réel), mais avec quelques exceptions : le cinéma américain générationnel, les films d’horreur, une poignée de mangas (One Piece Film Red, 979 000 entrées ; Jujutsu Kaisen 0, 530 000) et quelques comédies y compris françaises (Les Segpa à 731 000 entrées, Menteur 931 000, Super-héros malgré lui, 1 830 000…) démontrent qu’il faut là aussi être nuancé. La jeunesse n’a pas (encore) abandonné le cinéma.
Box-office 2022 : les gros budgets français attendront 2023
Le prix de la place de cinéma semble être un faux sujet, même en période d’inflation qui relève davantage du cliché que les médias et les réseaux sociaux insinuent dans l’esprit du Français moyen. Le triomphe d’Avatar : la voie de l’eau sur notre territoire, avec 5 750 000 entrées, a démontré que quand le spectacle est au rendez-vous, le public se déplace et y met le prix. Pathé jouera très gros en 2022 avec Asterix et Obélix : l’empire du milieu (nouveau casting, budget de 64M d’euros qui doit passer par l’international pour être rentable ou un succès à 9-10 millions d’entrées en France). C’est sûr, à lui, on ne peut pas lui faire une Visiteuze. Le distributeur pourrait ne pas s’en remettre si, juste après, son autre pari, Les Trois Mousquetaires – D’Artagnan ne fonctionnait pas. Certes, le budget de ce dernier n’est que de 36M€ – ce qui est considérable –, mais il faut aussi compter sur les investissements réalisés dans les suites (Milady sortira en décembre 2023 pour un budget proche de 36M euros). On a vu où la folie des grandeurs avaient conduit Luc Besson avec Valerian et la cité des 1 000 planètes, dont le budget insensé avait été de 197M$. EuropaCorp avait tout perdu. On ne le souhaite pas à Pathé qui offre une alternative de budget à un cinéma nivelé parfois par le bas. L’autre carte de Pathé pour 2023 est évidemment le dernier long réalisé par Dany Boon, La vie pour de vrai, avec également Charlotte Gainsbourg et Kad Merad. Le film a coûté 23M$. Mais au tournant de 2023, Dany Boon fait peur. Ses derniers longs au cinéma en tant qu’acteur ont été de sacrés accidents : Le dindon (256 000), Le Lion (458 000), Une belle course (455 000, en 2022). Entre temps, on reverra l’humoriste dans Mon crime chez François Ozon, aux côtés de Huppert et Luchini. Est-ce pour lui l’occasion de diversifier son public pour mieux vendre ses gags par la suite?
Peu de cinéma d’envergure en 2022
Pas vraiment, mais il a souffert en 2022 de son manque d’envergure. Rares ont été les films – en dehors des comédies qui peuvent souvent être imprévisibles – qui avaient la possibilité de finir dans le top 20 national. Et l’on ne parle pas ici des ambitions thématiques, mais des ambitions pour remplir les cinémas qui ont besoin de spectateurs avant de mettre la clé sous la porte comme par dizaine à la fin des années 80 (1989, vous vous souvenez?).
Novembre avec 2 362 000 entrées a indéniablement fait le job et Simone le voyage du siècle y est parvenus brillamment. Pour notre part, on ne croyait guère dans ce dernier projet de par la présence d’Olivier Dahan à la réalisation, ce dernier ayant très souvent été malchanceux en dehors de La môme. Le choix de l’actrice ne nous avait pas convaincus. On s’est trompé. Le biopic a déjà bouleversé 2 293 000 curieux. C’est un moment où le cinéma français fédère. On admire.
L’autre film ambitieux en provenance de notre contrée, Notre-Dame brûle de Jean-Jacques Annaud, a été une belle déception pour Pathé qui n’a convaincu que 814 000 spectateurs pour un budget de 31M d’euros. Le film a beaucoup de mal à sortir à l’étranger et doit affronter la concurrence d’une série sur Netflix… A l’aube de 2023, Notre-Dame on Fire n’a toujours pas dépassé les 10 millions de recettes. Après les fiascos de Sa majesté Minor en 2007 et Or noir en 2011, puis la déception relative du Dernier loup qui a été un succès seulement grâce à la Chine, mais qui qui s’est plutôt mal comporté en dehors de la France, Jean-Jacques Annaud peut-il encore briguer de si gros budgets ? Une page se tourne pour lui aussi.
Kompromat de Jérôme Salle avec Gilles Lellouche a fini au minimum de ce qui était attendu, à savoir 600 000 spectateurs (544 salles, budget supérieur à 8M€). Lellouche semble avoir davantage convaincu dans Goliath de Frédéric Tellier, avec Pierre Niney et Emmanuelle Bercot (779 000 spectateurs, 507 salles). Le comédien est l’un des seuls à avoir actuellement en France un pouvoir d’attraction au box-office. Entre Pupille en 2018 et Kompromat en 2022, il a aligné 7 films consécutifs à plus de 500 000 tickets. Il impressionne. On n’oubliera pas de mentionner, en janvier 2022, la sortie à succès d’Adieu Monsieur Haffmann, de Fred Cavayé, avec Daniel Auteuil et Sara Giraudeau. 745 000 entrées et un très beau bouche-à-oreille pour parvenir à ce score. Il est vrai que le budget de 11.79M€ laissait entrevoir un peu plus. Mais dans le contexte post-Covid de janvier 2022, cela n’était pas mal du tout. Dans le même genre, Couleurs de l’incendie de Clovis Cornillac, avec Léa Drucker, a attiré 740 000 cinéphiles lecteurs. Malheureusement, l’adaptation du roman de Pierre Lemaître a coûté très cher (16M€) et il lui aurait fallu bien plus pour envisager de rentrer dans ses frais.
Pour une poignée de (rares) polars
Un autre thriller aura bien fonctionné, La nuit du 12 de Dominik Moll, l’un des 10 plus gros titres de toute l’histoire du distributeur Haut et court (vous savez, le distributeur qui a racheté le Diagonal à Montpellier). Avec 490 000 entrées, le film au bouche-à-oreille implacable se situe bien au-dessus des précédents longs de l’auteur, mais très loin de son chef d’œuvre, Harry, un ami qui vous veut du bien qui avait titillé les 2 millions d’entrées dans une combinaison initiale de 268 cinémas. Avec un budget de 4.1M€, La nuit du 12 a réussi un score inattendu au vu de son casting, faute d’être vraiment solide.
Et l’intemporel Maigret dans cette histoire, avec plus de 60 ans d’activités sur nos écrans, cela a donné quoi? Avec 545 000 entrées, la rencontre Patrice Leconte Depardieu, à l’occasion de Maigret, a été un bon coup. Le film n’a coûté que 6M d’euros.
On passera vite sur les trois excellentes coproductions La conspiration du Caire, As Bestas et Les nuits de Mashhad, toutes trois diffusées à Cannes, ainsi que sur Entre la vie et la mort (une autre coproduction en fait, au score dérisoire de 43 000 entrées) pour souligner le manque de forme du genre polar dans l’ensemble, avec les déceptions artistiques du Torrent d’Anne Le Ny (300 000), et le suspense convenu d’Inexorable de Fabrice Du Welz, pas vraiment marquant (26 000 entrées). Enfin le viril Kanun : la loi du sang, a été un vrai flop pour Jeremie Guez avec 14 000 entrées. Les exploitants, peu convaincus par le film, ne l’ont tout simplement pas programmé (13 écrans en première semaine).
L’esprit de Luc Besson essaie de revenir hanter les salles
Certains cinéastes français semblent hors du coup. Luc Besson, farouchement détesté sur les réseaux sociaux et les féministes, en fait partie. Sa résurrection avec Arthur, Malédiction de Barthelemy Grossmann, s’est soldée à un enterrement de premier ordre. 189 000 entrées, mais le budget était dérisoire (moins de 2.5M d’euros). Ce n’est pas sur le plan financier que Besson a perdu, mais bel et bien dans la crédibilité artistique, puisque sa production a ravivé les souvenirs du pire des productions EuropaCorp qui, en leurs temps, exploraient tellement de genres. Nous, cette diversité de divertissements nous manque. En dehors des films d’action qui seront davantage restés à l’esprit, la boîte de Besson produisait ou distribuait des films variés comme Trois enterrement, Dikkenek, Citizen dog, Quand j’étais chanteur, Ne le dis à personne, Les filles du botanistes, Quatre minutes, Sagan, Villa Amalia, Home, Le concert, A l’origine, Un monstre à Paris, The Tree of Life… Soyons complexe, Besson ce n’était pas que Taxi et Yamakazi. Son absence pèse.
En 2022, si le cinéma français n’est pas mort, la comédie, elle, doit se remettre en question. On en a produit trop et elles sont souvent très mauvaises, voire exécrables. On ne reviendra pas sur Qu’est-ce qu’on a tous fait au Bon-dieu ? qui a clairement déçu, mais on démarrera avec du positif.
Box-office français 2022 : rares ont été les comédies à succès
La très bonne surprise de l’année revient à Maison de retraite qui s’est magnifiquement distingué pendant six semaines au-dessus des 200 000 entrées, pour finir sa carrière à 2 038 000 spectateurs. Un score remarquable pour Thomas Gilou qui, en dehors de Black Mic Mac et la trilogie de La vérité si je mens !, a aligné les fausses notes : Rai, Chili con carne, Victor… C’est le 5e film de Kev Adams à dépasser les 2 millions de spectateurs. Après les déceptions de Tout là-haut, Love Addict, Gangsterdam… Ce score est épatant. Cela n’en fait pas pour autant un bon film. C’est plutôt très mal écrit, mais le public a été touché par les acteurs et son sujet. On ne critique pas, mais on ne l’aime pas pour autant.
Outre Maison de retraite, UGC Distribution a proposé un autre succès dans les cinémas en la personne de Ducobu président. 1 129 226 entrées pour cet avatar signé Elie Semoun. C’est un score excellent pour une production qui avait très mal commencé sa carrière à 295 000 spectateurs. Sa belle tenue tout au long de l’été aura remis toutes les mauvaises langues à leur place. Ducobu 3 en 2020 avait, avant le confinement, distrait 1 500 000 spectateurs, tout comme le premier film en 2011. Seul Les vacances de Ducobu, en 2012, avait fait moins, avec 1 058 000 entrées. On notera que cette franchise a été lancée par le (futur) réalisateur de la trilogie de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, Philippe de Chauveron.
Autres bonnes surprises du moment, Super-héros malgré lui (1 835 000) a fait mieux que Nicky Larson du même Philippe Lacheau en 2019 (1 684 000). Ce n’est donc pas mal. Menteur d’Olivier Baroux, en revanche, a déçu. Tarek Boudali finit sous le million, loin des autres titres de la bande à fifi. Mais, là encore, le titre avait très mal entamé sa carrière (242 000), et a trouvé sa place dans plus de 100 cinémas pendant 11 semaines, malgré une concurrence énorme. Le bouche-à-oreille a été bon !
Jérôme Commandeur multiplie les déceptions
Ce problème de bouche-à-oreille, c’est justement ce qui aura posé un problème à Jérôme Commandeur. L’humoriste omniprésent, survendu dans les médias, pensait avoir trouvé son heure de gloire avec Irréductible. SND voyait dans ce grand prix de l’Alpe d’Huez 2022 un gagnant à plus d’un million de spectateurs. Il n’en sera rien. 616 salles, une sortie fin juin avec la perspective de la Fête du Cinéma… Ce remake d’une comédie italienne réalise 390 000 entrées en première semaine. Un score honnête. Il finit pourtant sa carrière 9 semaines plus tard avec un total de 754 000 entrées. Une déception, une vraie, puisque le score initial n’a pas été doublé. L’acteur connaîtra un sort similaire cette fois-ci en second rôle dans Jack Mimoun et les secrets de Val Verde (257 000 entrées en première semaine, final un peu moins rude à 657 000, ce qui est très bas au vu de son énorme budget de 14M d’euros) et surtout Plancha. Le sequel de Barbecue sans Florence Foresti a floppé à 544 000 spectateurs contre 1 600 000 entrées pour Barbecue huit ans plus tôt. Un tel échec est rare, mais le casting de ce sequel n’était guère excitant. Les débats sur les barbecue/plancha devenus politiques à la rentrée 2022, sur les plateaux des chaînes de télévision, le grand public a esquivé cette suite bien trop tardive.
On réchauffe jusqu’au titre
Dans son incapacité à faire original et à ne penser autrement que par la formule, Plancha mérite qu’on s’arrête à son titre. Il sort cette année même où se succèdent en salle La dégustation d’Ivan Calberac (284 000), Champagne ! de Nicolas Vanier en juin (275 000), Les vieux fourneaux 2 de Christophe Dutheron, Tendre et saignant de Christophe Thompson (146 000)… Sachant qu’en septembre 2021, Eric Besnard proposait de son côté Délicieux (352 000), on peut pointer là un problème dans la répétition. Tous ces titres culinaires sentaient le réchauffé et étaient incapables de se distinguer les unes des autres aux yeux d’un public qui a préféré passer son chemin.
A mi-chemin entre le bide et le bidet, Le nouveau jouet de James Huth, avec Jamel Debbouze et Daniel Auteuil, a coûté 12M d’euros. Et c’est un remake. Donc on peut être déçu par ses 901 000 entrées. Debbouze dans une comédie, c’est plus de 10 films au-dessus du million, 4 films au-dessus des 5 000 000… Le nouveau jouet n’est pas pourtant un flop, puisqu’on soulignera volontiers un vrai bon bouche-à-oreille pendant 4 semaines. C’est le contexte de sortie qui a été difficile et une première semaine (271 000), pas très satisfaisante qui ne lui permettra pas de s’envoler. Mais le public s’est montré solidaire, signe de satisfaction, triplant la mise de départ.
Fin de cycle du cinéma français, les formules éculées ne passent plus…
Les comédies d’héritage sur le territoire Corse ont eu du mal à faire rire. Fratè de Karole Rocher est l’un des plus gros échecs de l’année avec 56 000 entrées malgré une combinaison de 360 salles. Sur un sujet identique, Permis de construire de et avec Eric Fraticelli, et avec également Didier Bourdon, s’en sort un peu mieux avec 562 000 entrées, c’est-à-dire à peu près le même score que Mes très chers beaux enfants (642 000), Beaux-parents (506 000), ou Garde alternée (489 000), avec ce même Didier Bourdon. Le point commun entre ces quatre divertissements avec l’ancien Inconnu, leur fadeur de ton, de jeu… Cela devrait laisser les producteurs pensifs. Bref, Warner s’en est à peu près bien sorti avec Permis de te construire, surtout que trois mois plus tard Didier Bourdon allait connaître sa plus grosse déprime depuis le nullissime Vive la vie en 2005 (48 000) avec L’homme parfait d’un certain Xavier Durringer, avec Pierre-Francois Martin Laval et Valerie Karsenti. La comédie invendable, à l’affiche effroyable, a frôlé les 100 000 entrées pour un budget de près de 4 millions d’euros. Un accident industriel
La comédie sociale, un genre à renouveler d’urgence
La production nationale se croit encore à l’époque des Full Monty, quand une comédie phénoménale britannique touchait tout le monde avec son discours universel pertinent. 25 ans plus tard, la France multiplie encore ce type de spectacle. Le petit Piaf de Jugnot, est un désastre (60 000 entrées en première semaine, en période de vacances !), mais La brigade a fait (un peu) le job avec 383 000 amateurs de clichés cinématographiques. Sur le même sujet (la cuisine était remplacée par la culture horticole, les migrants devenaient des jeunes gens en réinsertion, Audrey Lamy prenait les traits de Catherine Frot) La fine fleur ne trouvait que 213 000 amateurs de feel-good movie en 2021.
Philippe Rebbot, chantre de ce type de feel-good movie, était dans Trois fois rien de Nadège Loiseau, qui s’est pris un vent, avec 72 000 entrées dans… 223 salles. Aie. L’acteur, gentiment maladroit, toujours au grand cœur, était aussi dans Placés (110 000 entrées, 270 salles), le micro budget (500 000 euros) Ça tourne à Saint-Pierre et Miquelon (2 699 entrées), Les goûts et les couleurs (un titre d’une grande fadeur pour 64 000 entrées dans 205 cinémas), Pétaouchnock avec Pio Marmaï et Camille Chamoux (87 000 entrées pour un budget de 5M d’euros)…
Autres comédies sociales, L’école est à nous d’Alexandre Castagnetti, Les femmes du square (241 000) de Julien Rambaldi (241 000), La cour des miracles avec Rachida Brakni (33 517, 193, 3.8M€)… Si on ajoute Placés, rien ne distingue vraiment ces programmes dès l’affiche. Pour des spectateurs qui ne les connaissent pas, toutes ces productions paraissent interchangeables. Dans un registre un peu plus dramatique, Compagnons de François Favrat, avec Agnès Jaoui et Pio Marmai, a été victime de ce syndrome (121 000 entrées pour un budget de plus de 4M€). Idem pour A l’ombre des filles d’Etienne Comar, drame sur un chanteur intervenant dans un centre de détention pour femmes, avec Alex Lutz et Agnès Jaoui. Le manque d’originalité du film l’a condamné à un public restreint de 70 000 spectateurs pour un budget entre 3.5 et 4 millions d’euros. Pour le réalisateur Etienne Comar, qui sortait du succès du biopic Django (500 000 entrées, 2019), la douche a été très froide.
Outre La brigade, on notera la présence de François Cluzet dans le dispensable Canailles en septembre, avec Jose Garcia, Doria Tillier. La comédie était aussi désastreuse que son score au box-office (57 199 entrées dans 375 cinémas). En revanche, Cluzet était indispensable dans le fougueux Mascarade, avec Pierre Niney, Marina Vacth et Isabelle Adjani. Cette drôle de comédie, produite pour 15M d’euros par Pathé, a été un semi-échec pour Nicolas Bedos, avec seulement 850 000 entrées en fin de carrière. Tout le monde tablait sur plus d’un million d’entrées, mais le contexte surchargé en nouveautés françaises, chaque semaine, l’a empêché d’atteindre son potentiel.
Alban Ivanov au cinéma, un choix pertinent?
Parmi les 1001 comédies françaises, personne n’a vu En roue libre avec Marina Fois et Benjamin Voisin (71 000), Les gagnants de et avec Azedine Ben (az). Ce film mettant en scène Joey Starr et Alban Ivanov, est surtout l’un des losers de l’année (49 000). Alban Ivanov était aussi de l’échec du Médecin imaginaire d’Ahmed Hamidi (133 000 entrées), et évidemment des Folies fermières, avec Sabrina Ouazani, un pur bide à 166 000 entrées pour un lancement dans 457 cinémas (énorme, donc) et un budget de près de 6 500 000 euros. Pour Ivanov, l’échec le moins prononcé sera celui de La traversée, avec 390 000 entrées dans 446 cinémas (budget de 6M d’euros), une énième histoire de réinsertion d’ados. Avec sept films consécutifs à moins de 400 000 entrées, on peut légitiment se poser la question de la pertinence d’autant de comédies avec Ivanov au cinéma. Au moins, en 2023, il entrera dans du cinéma XXL avec le nouvel Eric Toledano et Olivier Nakache, Une année difficile.
Poursuivons notre tour des comédies sans avenir qui ont été judicieusement évités par les spectateurs qui n’en pouvaient plus de la comédie nationale.
Stacy Martin et Vincent Dedienne, cela ne fait pas un film. Pyramide se souviendra des 19 000 entrées d’I Love Greece. Murder Party a essayé de se vendre avec les couleurs d’un whodunit à la mode, mais ses 72 000 entrées ont été à la hauteur de son sinistre niveau de téléfilm. On sourit pour la photo avec Jacques Gamblin et Pascale Arbillot est le film de toutes les salles vides. Avec 75 000 entrées dans 378 cinémas, les exploitants l’ont encore mauvaise. Aussi ambitieux et réussi était-il, Zai Zai Zai Zai n’a même pas franchi les 100 000 entrées. Le burlesque et l’absurde à la sauce Jean-Paul Rouve, cela vend surtout des poireaux. Adieu Paris d’Edouard Baer était franchement raté et le public lui a fait payer : 104 000 entrées pour Pierre Arditi, Jackie Berroyer, Francois Damiens, Gerard Depardieu, et Bernard Le Coq. Delépine et Gustave Kervern sont restés en rade avec leur conte politique et féministe En même temps (125 000 entrées, soit l’un de leur pire score quand Effacer l’historique , sorti après le confinement avait séduit 500 000 spectateurs).
Trop gay pour le grand public ? La comédie homo ne fait plus rire. La revanche des crevettes pailletées met un terme rapide à la franchise avec 140 000 entrées (418 salles). Le précédent s’était démarqué avec un score de 577 000 entrées. Mais ça, c’était en 2019.
Box-office français 2022. L’année du requin a été peut-être le titre le plus survendu de l’année sur les réseaux sociaux. Après un malheureux et pas terrible Teddy, les frères Boukherma confirment les limites de leur cinéma avec cette parodie molle des Dents de la mer. 140 000 estivants à l’arrivée et l’un des pires bouche-à-oreille de l’année. Pourtant, les deux auteurs bénéficiaient de 482 salles, d’un sujet de pastiche excellent, et de trois vedettes du rire, Marina Fois, Kad Merad, Jean-Pascal Zadi. Les frangins doivent-ils encore faire du cinéma après ces deux revers ? La question se pose. Aux producteurs de décider, mais beaucoup de talents aimeraient bien qu’on leur laisse une chance.
Autre pastiche de cinéma de genre qui n’a pas volé haut, le cannois Coupez ! s’est arrêté sous la barre des 300 000 entrées après avoir faire l’ouverture de Cannes. Michel Hazanivicius dans l’obligation de revoir son budget et ses ambitions à la baisse après les accidents industriels The Search (73 000 entrées pour un budget de 21M d’euros, et Le prince oublié (900 000 entrées pour 25M d’euros de budget), et, à moindre niveau, Le redoutable (140 000, budget de 11M€), n’est pas très à l’aise dans la comédie underground, mais au moins ne sera pas perdant au niveau des recettes.
En 2022, les semaines se sont suivies avec des comédies sans inspiration qui n’ont pas trouvé leur public, à l’exception de L’innocent et avec Louis Garrel. Avec 700 000 entrées, au box-office français 2022, son film a largement fait mieux que des spectacles ad hoc
- Pour les mômes : La très très grand classe (386 000)
- Pour les retraités : Joyeuse retraite 2 (356 000), soit plus de 900 000 entrées en moins par rapport au segment original en 2019, Rumba la vie de Franck Dubosc (286 913, 612 salles, 11M€), Alors on danse de Michèle Laroque (253 000, 440 écrans, 7.5M€)
- Pour les amateurs de duo contraints à la cohabitation : Jumeaux mais pas trop avec Ahmed Sylla et Bertrand Usclat (432 000), Les vedettes avec Grégoire Ludig et David Marsais (351 000 entrées dans 461 salles !)
- Pour les femmes : Hommes au bord de la crise de nerfs (214 000, 422 salles, 5.6M€), La page blanche avec Sara Giraudeau et Pierre Deladonchamps (113 000, 261 salles, 2.8M€), Mon héroïne (87 000 entrées, 370 salles, Universal comme distributeur, 4 100 000€), Kung Fu Zohra (43 000, 225, 6M€)
- Pour les romantiques : Petite leçon d’amour avec Laetitia Dosch et Pierre Deladonchamps (8 511, 62 salles)
- Pour les amateurs de comédies un peu noires : Petite fleur avec Vimila Pons et Melvil Poupaud (29 497, 130 écrans)
Le bestiaire du cinéma français est-il bête?
Dans les programmes pour enfants avec des animaux, la France propose chaque année 2 à 3 films dits familiaux au moule identique. Le manque d’ambition narrative aura eu raison de Belle et Sébastien – Nouvelle génération, un vrai échec à 594 000 entrées, malgré 612 copies et un budget de 8.49M€. En Italie où la franchise fonctionnait bien, le résultat a été bas et c’est la télévision qui devrait permettre à cet épisode d’éviter la banqueroute. King avec Gérard Darmon et son lionceau n’a pas eu le succès escompté avec 467 000 entrées, lors de sa sortie pour les vacances d’hiver 2022.
Pour Noël, Tempête de Christian Duguay, avec Mélanie Laurent et Pio Marmaï, joue la même carte que Le Loup et le lion en 2021, ou Poly en 2020, voire Donne-moi des ailes en 2019. Ce pur cinéma de formule a séduit 227 000 entrées en première semaine. Difficile de savoir s’il s’arrêtera après les fêtes ou s’il prolongera sa carrière au-delà des vacances d’hiver. A suivre.
Virginie Efira, star française de 2022
Parmi les révolutions cinématographiques, le nombre de femmes réalisatrices a littéralement explosé. Une énorme avancée vers l’égalité des chances et une diversité des points de vue, mais malheureusement, pour les exploitants l’avancée sociale est surtout une régression puisqu’ils constatent que quand une femme est à la caméra, le public masculin ne suit pas. Or, c’est lui qui se rend le plus en salle.
Ainsi, une seule femme réalisatrice se trouve dans le top 30, et en 27e position. Il s’agit de Alice Winocour pour le magnifique Revoir Paris (528 000 entrées) qui évoque les attentats de 2013. Attention, ce bijou est aussi l’un quatre films de Virginie Efira à être sortis en 2022. Celle qui avait été magnifique dans Madeleine Collins, à la fin de l’année 2021, a été de trois très beaux succès. Outre Revoir Paris, on soulignera les 557 000 entrées d’En attendant Bojangles de l’excellent Régis Roinsard, avec Romain Duris et Gregory Gadebois. Elle était aussi dans le raté Don Juan de Serge Bozon (flop à 51 000 entrées) et Les enfants des autres, une autre réussite par Rebecca Zlotowski.
Virginie Efira, la star de l’année, semble être victime d’un plafond de verre qu’elle n’arrive pas à crever. Benedetta, Police, Sibyl, Continuer, Un amour impossible, Elle, Victoria, Pris de court… La comédienne ne franchit que rarement la barre des 700 000 entrées (exceptions d’Adieu les cons et Le grand bain, qui dépassaient tous deux sa simple présence). Il lui faudra travailler absolument cette dimension dans les années à venir.
Les spectateurs boudent les films réalisés par des femmes
Le second film réalisé par une femme se situe en 40e position. Les jeunes amants, romance mature de Carine Tardieu avec Fanny Ardant et Melvil Poupaud, a plutôt séduit avec trois belles semaines au-dessus des 60 000 entrées. Avec 394 000 entrées, son budget de 5.2M€ n’a pas été le pire des investissements.
Troisième long réalisé par une dame et une grande, Le torrent d’Anne Le Ny, a tout de même approché les 300 000 entrées, mais se contente d’une 57e place.
Attention, le 4e film mis en scène par une femme à trouver sa place dans le classement, c’est Alors on danse, de Laroque à la 64e place. L’actrice a fait mieux chez Zidi Jr. dans Tenor (47e, 341 000 entrées). La présence de l’artiste Mb14 en tête d’affiche avait attiré un public alternatif.
Hommes au bord de la crise de nerf d’Audrey Dana, avec ses vieux mâles blancs (Thierry Lhermitte, Ramzy Bedia, Francois-Xavier Demaison, Laurent Stocker) a tourné au vinaigre. C’est le 5e film réalisé par une autrice à ce classer dans le top annuel, seulement en 70e position.
C’est en 73e place que l’on trouve enfin un succès pour une réalisatrice de chez nous (ou presque, puisque Valeria Bruni Tedeschi est surtout italienne). Les 205 000 entrées dans 247 salles des Amandiers ont permis à la réalisatrice de rattraper la bévue des Estivants (123 000 entrées en 2019). Malheureusement, une polémique féministe a entaché la carrière du film autour de l’acteur Sofiane Bennacer. Valeria Bruni Tedeschi qui a pris la défense de son acteur a été traînée dans la boue sur les réseaux sociaux. Le lynchage médiatique orchestré par épisode dans certains journaux, au moment de la sortie du film, a littéralement détruit le potentiel des Amandiers qui aurait pu finir au-dessus des 300 000.
Le septième film réalisé par une femme arrive en 82e place. Il s’agit de la comédie décapante Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux, avec Blanche Gardin et Laurent Lafitte. Ses 162 000 entrées dans 195 salles ne sont pas catastrophiques. La comédie irrévérencieuse n’a coûté que 4 millions d’euros. Attention, on ne parlera pas de succès pour autant.
La révolution féministe n’a pas eu lieu
Le reste de l’actualité féminine n’a pas été couronné de succès. Loin s’en faut. En 83e place, Sandrine Kiberlain réalisatrice n’a pas convaincu avec Une jeune fille qui va bien (161 000 entrées, 196 écrans). En 84e place, l’immense Claire Denis n’a pas réussi à faire d’Avec amour et acharnement un succès (157 000 entrées), malgré les formidables Juliette Binoche et Vincent Lindon.
Dixième film réalisé par une femme dans le classement, Annie Colère de Blandine Lenoir a été une petite déception. 144 000 entrées pour un film qui a ouvert dans 325 cinémas, c’est un résultat dérisoire. Heureusement que son budget inférieur à 4M€ a limité les dégâts. Laure Calamy a eu davantage de chance avec A plein temps d’Eric Gravel (211 000 entrées, 199 salles). Le budget de 2.7M d’euros en fait un projet davantage viable. Laure Calamy, qui sortait des échecs d’Une femme du monde et de Louloute en 2021, a pu également compter sur L’origine du Mal, la nouvelle étrangeté de Sébastien Marnier pour rester présente tout au long de l’année. Avec 138 000 entrées et une 92e place annuelle, le film distribué dans 185 cinémas a plutôt surpris, et positivement.
Le sosie de Laure Calamy, Karin Viard a connu l’échec avec Maria Rêve de Laurianne Escaffre et Yvonnick Muller (135 000 entrées dans 309 salles, cela fait très mal) et surtout dans Une mère de Sylvie Audcoeur, avec Darren Muselet et Samir Guesmi. 16 302 spectateurs pour une œuvre parue sur 111 écrans. C’est ce qu’on appelle une catastrophe.
Quel avenir pour les réalisatrices en France ?
Les cinq diables de Léa Mysius avec Adèle Exarchopoulos a dû se contenter de 72 000 entrées dans 155 cinémas. C’est bien peu. La place d’une autre d’Aurélia Georges (52 000 entrées dans 101 cinémas), avec Lyna Khoudri, Sabine Azema, et Maud Wyler, a connu aussi une sortie difficile.
L’épitaphe à la carrière de Gaspard Ulliel, Plus que jamais par Emily Atef, est un échec avec 38 000 entrées dans 111 cinémas. L’acteur décédé en janvier 2022, jouait face Vicky Krieps qui, depuis Bergman Island et Serre moi fort d’Amalric, est omniprésente sur nos écrans (De nos frères blessés, Corsage…).
Malgré un renfort publicitaire chez CNews, qui s’est pris de passion contre son sujet, le rodéo urbain, Rodéo de Lola Quivoron, présenté à la Quinzaine, a été un cinglant échec (36 000 entrées dans 135 cinémas). Maigre consolation, le film n’a coûté que 1.2M€ et Rebecca Zlotowski avait commencé à un niveau moindre avec son premier long, le fougueux Belle épine en 2010 (22 000 entrées mais dans… 52 cinémas). Maintenant, elle est à 300 000 entrées et compte parmi nos plus grands talents.
Emilie Frèche en démarrant sa carrière au cinéma avec Les engagés, film sur l’engagement personnel pour aider de jeunes migrants, s’attelait à un sujet rejeté massivement par le public en 2022, avec tous les risques de bons sentiments que cela impliquait. Malgré un beau casting constitué par Benjamin Lavernhe, Julia Piaton, Bruno Todeschini, et Catherine Hiegel, l’échec a été patent (33 000 entrées, malgré une combinaison élevée de 139 cinémas).
Parmi les plus gros bides de 2022, Robuste de Constance Meyer, avec Gérard Depardieu et Déborah Lukumuena (30 000 entrées dans 132 cinémas), et Cœurs vaillants de Mona Achache, avec Camille Cottin ( 26 000 entrées, malgré une sortie dans 162 cinémas), ont laissé les cœurs amers. Les meilleures de Marion Desseigne-Ravel, avec Lina Elk Arabi, est aussi passé inaperçu avec 9 567 entrées dans 78 salles. Le sulfureux La maison d’Anissa Bonnefont, malgré son interdiction aux moins de 16 ans, a laissé le public froid (26 000 entrées dans 94 cinémas). En fait, personne n’a remarqué sa sortie.
Beau score en revanche pour le documentaire engagé sur les colleuses, Riposte immédiate, qui a trouvé 30 000 spectateurs sur la durée. Le film était coréalisé par Marie Pérennes et Simon Depardon et n’a eu de cesse de faire parler de lui positivement depuis sa présentation cannoise en mai.
Saint Omer, divorce entre la profession et le public ?
Au total, en 2022, seulement 9 longs métrages réalisées par des femmes figurent dans le top 100. Même l’événement de Venise, Saint Omer, acclamé par la critique, sélectionné pour représenter la France aux Oscars, aura connu une sortie décevante, avec 87 000 entrées dans 199 cinémas. Le film d’Alice Diop n’a pas eu de bouche-à-oreille positif, à la grande surprise de son distributeur, Les Films du Losange, passant de 39 000 entrées en première semaine, à 21 000 en deuxième semaine, puis 11 000 entrées, 6 000, 2 000… Les nominations aux César et aux Oscars changeront peut-être sa trajectoire, mais à cette heure, le film marque un divorce relatif entre les professionnels et le public. Le film n’ayant coûté que 3.5M€, cela n’est pas un mauvais coup pour son distributeur spécialisé dans l’Art et Essai, bien au contraire. C’est surtout le film de la révélation pour Alice Diop, cinéaste sur laquelle il faudra compter pour faire bouger les lignes.
Quelques auteurs ont survécu à un sentiment de crise
Dans une situation complexe où les générations s’érigent les unes contre les autres, l’on voit une frilosité d’un public de 20-30 ans à aller vers les grands auteurs qui ont fait le patrimoine cinématographique. Tuer le père boomer passe-t-il par la mise à mort des cinémas d’art et essai qui ont ouvert l’esprit des spectateurs étudiants pendant des décennies ? Le cinéma art et essai a été le plus impacté à tous les niveaux, au désespoir du cinéma mondial et de notre cinématographie.
Cédric Klapisch a été l’un seuls auteurs français a sortir vraiment vainqueur avec En corps. Distribué par StudioCanal, le film recommandé art et essai par l’AFCAE a multiplié par 4 ses chiffres de première semaine pour finir l’année à 1 373 126 entrées. Cela lui a permis de se classer en 21e position annuelle. Le deuxième film art et essai, Sans filtre, est un autre succès, mais en 49e place, avec 528 000 entrées. Evidemment, la Palme d’Or est une coproduction. Revoir Paris, La nuit du 12, La conspiration du Caire complètent le Top 60.
Parmi les auteurs qui ont vraiment tiré leur épingle du jeu, citons encore Alice Winocour, mais aussi Stéphane Brizé pour le subtil Un autre monde avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. Ce dernier a conquis 484 000 spectateurs, soit une nette hausse par rapport à En guerre et Une vie du même cinéaste. Le trio d’artistes a quasiment réitéré les 500 000 entrées de Mademoiselle Chambon qui les avait uni une première fois en 2009.
Dans l’animation, l’artisan Michel Ocelot lutte depuis le 19 octobre pour faire découvrir son Pharaon, le sauvage et la princesse. Le joaillier a vu son dernier exploit démarrer à 109 000 entrées. Une entame insuffisante. Mais grâce à une exploitation qui aura pu durer trois mois, Le Pharaon, le sauvage et la princesse a finalement pu grimper jusqu’à 450 000 entrées. Et il dépassera les 500 000 grâce à une exploitation sur la durée en province. C’est malheureusement l’un des pires résultats pour cet auteur valeureux à qui l’on doit quatre films au-dessus du million d’entrées, dont deux doubles millionnaires. Son bijou le plus valeureux, Azur et Asmar, est un chef d’œuvre acclamé par 2 509 000 spectateurs.
Parmi les auteurs salués au box-office, Gad Elmaleh a bénéficié de la recommandation art et essai pour sa deuxième réalisation, Reste un peu. Le film intimiste sur son rapport à la foi a effectué une carrière en profondeur et comptabilise 440 000 entrées.
Le retour à la caméra de l’écrivain Emmanuel Carrère a connu un certain succès, puisque 408 000 lecteurs ont dévoré à l’écran Ouistreham. On y retrouve dans le drame un sujet maintes fois éprouvés, y compris dans le domaine de la comédie, mais qui a vraisemblablement touché le public. Juliette Binoche y était solide, son meilleur rôle sur ses trois films à l’affiche en 2022, trois ouvrages d’auteur exigeants.
Rebecca Zlotowski connaît le premier vrai encouragement de toute sa carrière avec Les enfants des autres. Le film budgété à 4.1M€ a touché 379 788 spectatrices dans 330 cinémas. C’est très bien. L’effet Virginie Efira est évident. A l’exception du cannois Grand Central (220 000, 2013), l’auteure n’avait jamais dépassé les 85 000 entrées. Elle demeurait hantée par le bide de son ambitieux Planétarium avec Natalie Portman, en 2016 (81 000 entrées pour un budget de 8M€). Désormais, elle en est libérée.
Parmi les auteurs qui ont marqué l’année 2022, Emmanuel Mouret a enchanté le public urbain avec Chronique d’une liaison passagère. Il y dirigeait le duo émouvant composé par Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne. Cette romance littéraire est devenu son deuxième plus gros succès avec 317 000. Mademoiselle De Joncquières (547 000) est imperturbable, en tête d’une filmographie délicieuse de 12 longs.
Quentin Dupieux pour le meilleur et pour le pire
Autre auteur populaire cette année, Quentin Dupieux a séduit 315 000 spectateurs pour Incroyable mais vrai. Cela ne nourrit peut-être pas l’exploitation française, mais ce film art et essai est devenu son plus gros succès personnel devant Steak (290 000) et Au poste ! (266 000). En un an, Dupieux gagnait 80 000 spectateurs par rapport aux résultats finaux de Mandibules en 2021. On notera que le cinéaste a eu la mauvaise idée de sortir un deuxième film concept en fin d’année (Fumer fait tousser) et que celui-ci est devenu son pire score depuis Réalité en 2015, avec seulement 165 000 entrées. Il s’agit ici d’un véritable échec puisque cette production Gaumont avec Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Anais Demoustier, et Jean-Pascal Zadi a coûté plus de 6.4M€, contre 4.3 pour Incroyable mais vrai.
Arnaud Depleschin, et son cannois Frère et sœur, a fait un score correct, avec 235 000 entrées pour un budget supérieur à 4M d’euros. Le trio d’acteurs, Marion Cotillard, Melvil Poupaud, et Golshifteh Farahani, était superbe. Le précédent film de Desplechin, Tromperie, également présenté à Cannes, mais en 2021, s’était arrêté à 85 000 entrées.
Enquête sur un scandale d’état avec un budget proche des 5M€ ne fait pas l’unanimité avec 223 000 entrées. On préfèrera retenir les 211 000 entrées d’A plein temps d’Eric Gravel avec Laure Calamy, puisque ce film n’a bénéficié que de 2.7M€ pour son budget.
Close de Lukas Dhont n’a pas réitéré les chiffres de Girl en 2018 (370 000), mais cette œuvre bouleversante avec Léa Drucker et Emilie Dequenne, et deux jeunes comédiens épatants, a tout de même dépassé les 206 000 entrées. Son budget de 3.5M€ était bas et le film s’est vendu à l’international. L’affaire est donc dans le sac.
Roschdy Zem est repassé à la réalisation en 2022 avec Les miens. Loin des succès de Mauvaise foi (789 000), Omar m’a tué (572 000) et surtout de Chocolat (1 932 000), l’acteur-réalisateur a surtout conjuré le mauvais sort de Persona non grata (49 000, 2019) et Bodybuilder (57 000, 2014). Sa chronique familiale approche les 200 000 entrées, forte de la présence de Sami Bouajila et de Maiwenn Le Besco. C’est un très beau score pour un budget de moins de 2 millions d’euros.
Mikhael Hers, cinéaste miraculeux qui aligne les œuvres magnifiques (Amanda, en 2018, 260 000), a livré l’un des plus beaux films de 2022 avec Les passagers de la nuit. On reste un peu déçu par ses 193 000 entrées, car on espérait un bouche-à-oreille à la hauteur de notre coup de cœur, mais son budget n’est pas des plus élevés non plus (4 300 000€).
Rien à foutre d’Emmanuel Marre avec 129 000 entrées a su utiliser la verve d’Adèle Exarchopoulos. Certes, les entrées ne sont pas élevées, mais le film n’ayant coût que 2M€, il n’y a pas de drame non plus, juste le plaisir du spectateur.
Les grands auteurs ne font plus recettes : l’art et essai en danger
Parmi les films art et essai, nous avons déjà évoqué les cas des Amandiers, Tout le monde aime Jeanne, Une jeune fille qui va bien, Annie colère, L’année du requin, L’origine du mal… on aimerait maintenant revenir sur les très grandes déceptions de l’année 2022 pour des auteurs qui n’étaient pas forcément habitués à une telle indifférence de la part du public.
Robert Guédiguian a connu en janvier 2022 l’un de ses scores historiques les plus faibles avec Twist à Bamako : 127 000 entrées. L’auteur de l’Estaque comptabilise plus de 11 films à 200 000 entrées, 7 films à plus de 300 000, 5 films à plus de 500 000, et un film à plus de deux millions d’entrées.
Mohamed Hamidi (La vache, Jusqu’ici tout va bien, Né quelque part) a connu l’échec de sa carrière avec Citoyen d’honneur : 120 000 entrées dans 311 salles. Les spectateurs sont restés cette fois-ci hermétiques au duo Kad Merad et Fatsah Bouyahmed.
Flop total pour La petite bande de Pierre Salvadori avec 114 000 entrées. En réalisant un film avec des galopins en vedettes, le réalisateur d’En liberté ! (775 000 entrées), a connu son plus gros échec en 20 ans. Il fallait revenir sur le méconnu et estival Les marchands de sable pour retrouver l’auteur à un niveau aussi bas. Le réalisateur de Hors de prix (2 153 000), Après vous (921 000) et Les apprentis (599 000), avait pris le risque d’un film sans star. Cela lui coûte cher.
Box-office français 2022. François Ozon a dû être déçu cette année après l’échec virulent de Peter Von Kant. Seulement 81 000 entrées pour sa rencontre avec Isabelle Adjani. Après une première semaine terne, le film s’est écroulé. Même Le refuge avec Isabelle Carré en 2010 était parvenu à réunir 100 000 entrées. L’auteur de 8 femmes et de Potiche n’avait pas connu un score aussi faible depuis 2000 et Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (68 000). Avec Mon crime en mars 2023, il abordera un versant plus commercial de son cinéma. Isabelle Huppert, Dany Boon et Fabrice Luchini seront de l’aventure.
Samuel Theis, auteur de la Caméra d’Or Party Girl (190 000 entrées, 2014), a livré l’un des meilleurs films de l’année 2022 avec Petite nature. Malheureusement, seuls 80 000 spectateurs ont vu cette œuvre intense.
Diasteme a livré avec Le monde d’hier un thriller politique implacable avec l’omniprésente Léa Drucker en présidente de la république aux heures les plus sombres de notre histoire. 78 000 entrées pour le cinéaste, c’est certes le meilleur score de l’auteur, mais le film aurait pu faire bien mieux. Diasteme n’arrive pas à sensibiliser les spectateurs qui ignorent tout de son œuvre. Là encore, une réflexion est nécessaire.
Mia-Hansen-Love recherche spectateurs désespérément. Si elle a pu faire illusion avec Un amour de jeunesse (126 000 entrées en 2011) et surtout son chef d’œuvre, L’avenir (279 000, en 2016), la réalisatrice aligne des scores sans emphase. Maya (47 000), Bergman Island (65 000) et cette année Un beau matin (72 000). Ces deux derniers films ont pourtant été aidés par une sélection cannoise.
Christophe Honoré est passé maître des projets art et essai. Certains fonctionnent (Chambre 212, 384 000), d’autres passent totalement inaperçus (Guermantes, 10 000). Le cru 2022, malgré la présence de Binoche et de Lacoste a surtout généré l’indifférence. 71 000 entrées dans 169 cinémas pour Le lycéen, c’est très peu.
La catastrophe des frères Dardenne
Box-office français 2022 : la catastrophe de l’année revient aux grands Dardenne. Les doublement Palmés à Cannes ont sorti Tori et Lokita dans des salles vides. Comment peut-on expliquer 70 000 entrées dans une combinaison de 168 cinémas, après une sélection cannoise ? Le film mineur dans leurs filmographies est le premier depuis 1996 à ne pas dépasser les 100 000 entrées sur 10 longs métrages. Leur rapport à l’enfance, aux injustices sociales, y était pourtant le même que celui qui a forgé leur œuvre exceptionnelle.
La carrière d’Alain Guiraudie retombe peu à peu dans la confidentialité. Malgré la présence de Jean-Charles Clichet et Noémie Lvovsky, les spectateurs se sont montrés distants à l’égard de Viens, je t’emmène (55 000 entrées, 152 salles) par rapport aux succès de L’inconnu du lac (118 000) et de Rester vertical (73 000). Le plus radical de nos auteurs en activité est tout de même très loin du cinéma de ses débuts, époque où il sabrait le champagne quand il atteignait 30 000 entrées (Le roi de l’évasion, son premier vrai succès).
Si les 51 000 entrées de Don Juan de Serge Bozon ont déçu au vu du casting (le bouche-à-oreille fut désastreux), on ne pourra pas en dire autant des 48 000 entrées de Pacifiction, tourment sur les iles d’Albert Serra. L’expérience cinématographique qui compte parmi les plus fortes en 2022, durait 2h43, a été salué par la presse et le public. Pour rentabiliser les 2 300 000€ de budget, cela sera en revanche difficile. On pourra déplorer en France le peu d’auteurs à suivre ce chemin de l’expérimental et du contemplatif.
Philippe Faucon dans une mauvaise passe avec Les harkis. Ce film nécessaire, du même niveau que son incroyable œuvre, était trop rêche pour le public contemporain. Pour la première fois depuis 1997, le réalisateur de Samia (336 000) et de Fatima (387 000) n’a pas dépassé les 50 000 spectateurs. Sur un sujet semblable (la Guerre d’Algérie), La trahison avait séduit 89 000 spectateurs. Forcément injuste. Très injuste même.
La documentariste Claire Simon est repassée à la fiction en 2022 avec un film inspiré par Marguerite Duras et son compagnon, Yann Andrea. La réalisatrice de Gare du Nord (74 000) et des Bureaux de Dieu (108 000) n’a pas connu beaucoup de soutien de la part du public (44 000 entrées). Pourtant, Swann Arlaud et Emmanuelle Devos y étaient formidables.
Laurent Cantet et Gaspar Noé désavoués
Laurent Cantet a voulu se frotter au sujet difficile de la Cancel Culture, avec Arthur Rambo. Malheureusement pour lui, les trolls sont restés sur Twitter. Son drame avec Rabah Nait Oufella a été un flop, tout simplement : 34 000 entrées dans 161 cinémas. En 3e semaine, le film était à plat, à 2 489 spectateurs. Malheureusement, depuis la Palme d’or d’Entre les murs, Cantet, auteur jadis prometteur (Ressources humaines, L’emploi du temps), ne parvient plus à obtenir l’adhésion du public. Foxfire, en 2013, restera l’échec de sa carrière.
On reste immensément déçu par le score de Vortex de Gaspar Noé. Ce pur chef d’œuvre de cinéma, au plus près de nos préoccupations morbides et de déprimes, n’a interpellé que 31 000 spectateurs dans 56 cinémas. Cette réflexion sur le vieillissement avec Dario Argento, Françoise Lebrun et Alex Lutz durait il est vrai 2h20.
Sophie Marceau, une femme d’un autre temps
Catastrophe industrielle, conçue toutefois de façon artisanale par le respecté Jean-Paul Civeyrac, Une femme de notre temps comptait miser sur la présence de Sophie Marceau et d’un circuit de 118 écrans. Le résultat de 20 000 entrées fut, avec ceux d’I Love Greece et Une mère, le plus bas pour une œuvre sortie sur un circuit supérieur à 100 écrans en 2022.
Dans le biopic, genre académique pour un public de plus de 40 ans, Le tigre et le président regardera de loin les 2 330 000 entrées de Simone. Le duo Gamblin et Dussolier s’est arrêté à 179 000 entrées, malgré une combinaison de départ de 444 écrans. Le film historique Nos frangins s’est arrêté à 66 000 entrées en 3 semaines, loin des 3 millions d’entrées d’Indigènes et des 430 000 entrées de Hors-la-loi. Rachid Bouchareb, issu du cinéma d’auteur (Little Senegal, en 2001), a du mal à se refaire une réputation après 10 ans d’errance.
Les films sur les attentats post 13 Novembre ont été nombreux cette année. Outre Novembre, on compte également Vous n’aurez pas ma haine, de Kilian Riedhof, l’histoire vraie d’un homme qui a perdu son épouse au Bataclan. Ce drame avec Delonchamps et Jordana est totalement passé inaperçu (14 006).
Un cinéma inclusif, sans diversité de genre
En 2022, la cinématographie française aura été constituée d’un océan de comédies médiocres (J’adore ce que vous faites, de Philippe Guillard, avec Artus et Gérard Lanvin, en est peut-être le parangon en terme de médiocrité). L’autre genre dominant est le drame, avec d’innombrables films d’auteur aux thèses féministes et sociales qui ont braqué une partie du public. La portée humaniste et éducative tournait dans à la systématisation et donnait l’impression d’avoir vu tous les films après en avoir vu un ou deux. Ils sont vivants du comédien Jeremie Elkaim, avec Marina Fois, sur le destin d’une veuve de flic raciste et violent qui tombe amoureux d’un migrant à Calais, en est un peu la caricature. Son échec à 46 000 entrées en porte encore les stigmates.
La majorité de spectateurs qui n’est pas intéressée par les débats des plateaux de chaînes d’information ou de talk-show, pouvait éventuellement voir des documentaires français (Le chêne, Lynx, Salam, Seule la terre est éternelle, Allons enfants, Poulet frites, L’ombre de Goya, Jane par Charlotte…), des films d’animation (Vaillante et ses 1 348 000 entrées, Le petit Nicolas – qu’est-ce qu’on attend pour être heureux, Ernest et Célestine – le voyage en Charabie, Opération Père-Noël, Vanille, Les secrets de mon père…), mais au-delà de ces genres, le cinéma français a affiché un mépris pour le cinéma de genre qui est difficile à avaler en 2022.
Box-office français 2022. Le cinéma d’action est absent, les polars sont relativement rares, la comédie musicale morte, la science-fiction s’est réduite au Visiteur du futur de Francois Descraques (332 000 entrées pour un micro budget) et à Vesper Chronicles (coproduction luxembourgeoise, 137 000 entrées). Ces deux films peuvent d’ailleurs être applaudis. Il n’y a eu qu’un seul film fantastique (le médiocre Ogre), dont le flop (21 000) sanctionnait une énième variation féministe sur les maris et les pères violents, au lieu de créer un véritable conte axé sur la terreur. La malédiction d’un cinéma qui veut à tout pris faire de son réalisateur un auteur quand il n’a même pas de filmographie. Dans l’horreur, Mastemah avec Camille Razat (13 000 entrées), souffrait d’un budget ridicule pour ses ambitions. Cela sera le seul film français dans un genre pourtant ultra rentable. Enfin, quand l’affiche de Kung-Fu Zohra vendait un pastiche aux couleurs d’un Bruce Lee, le film de karaté cachait en fait un drame sur les femmes battues dans nos banlieues. Mabrouk El Mechri s’est totalement fourvoyé dans cette mésaventure, lui qui avait été si juste avec Virgil (2005) et dans un autre genre JCVD (2008).
Au total, plus de 180 films français feront moins de 30 000 entrées sur le pays, c’est beaucoup trop et cela relance inévitablement le débat sur la nécessité de produire autant de films identiques en France. Peut-on produire de façon industrielle des films d’auteur minimalistes qui ne laisseront aucune trace dans l’histoire ? La France en 2022 a vu des auteurs ponctuels émerger, mais très rares sont les carrières a vraiment décoller. Les stars françaises disparaissent. Les noms bankables sont inexistants. Mais les grands auteurs doivent aussi naître d’un rien que sont un ou deux échecs avant l’ascension. Le succès ne fait pas un bon film, mais sans succès les exploitants rendent l’âme et les plateformes récupèrent les débris, avec les contraintes d’un cinéma jetable moins exigeant…
Toutes les critiques des films sortis en 2022
2023 et 2024 devront amener la cinématographie française à se remettre en question, à multiplier les genres et les sujets, plutôt que de se focaliser sur des thématiques obsessionnelles qui ont déjà lassé. Dans la comédie où la quantité écrase la qualité, les scénarios devront être mieux écrits.
Les talents sont là. Qu’ils puissent s’exprimer autrement que dans les lieux communs. Le public reviendra alors peut-être célébrer cette fameuse exception culturelle française, sans animosité, rancœur réciproque, à Gauche comme à Droite. On croit encore dans le 7e art français. Mais pour combien de temps?
Box-office français 2022 – Un dossier par Frédéric Mignard