Le Tigre et le président est une comédie historique plutôt amusante, portée par un bon duo d’acteurs. La grande Histoire y est quelque peu malmenée et caricaturée, mais cela est pleinement assumé par le réalisateur. Sympathique à défaut d’être indispensable.
Synopsis : 1920, les années folles. Georges Clemenceau vient de perdre l’élection présidentielle face à l’inconnu Paul Deschanel, un idéaliste qui veut changer le pays. Mais un soir ce dernier tombe d’un train et se volatilise. Au petit matin, la France cherche son président, une occasion en or pour le Tigre Clemenceau…
Evocation d’un perdant magnifique
Critique : Repéré depuis plusieurs années par de nombreux courts-métrages, l’acteur, scénariste et réalisateur Jean-Marc Peyrefitte a souhaité rendre hommage à un homme oublié de notre histoire nationale, le président Paul Deschanel qui n’a été à la tête de l’Etat que durant quelques mois de l’année 1920. Au lieu de s’attacher aux pas d’une grande gloire, le cinéaste a préféré évoquer l’Histoire par le petit bout de la lorgnette et par la célébration de ce qu’il appelle un perdant magnifique.
Dans Le Tigre et le président, Jean-Marc Peyrefitte décrit par le biais de la comédie et de la fiction assumée le destin plutôt tragique d’un homme aux nobles idéaux, mais qui se fracasse rapidement au réel, à cause notamment d’une maladie mentale chronique, à savoir une forme de neurasthénie. Miné par une anxiété chronique, Paul Deschanel a également pris de nombreux médicaments qui ont eu un effet redoutable sur sa santé, occasionnant notamment le fameux épisode de sa chute du train qui l’a ridiculisé aux yeux du grand public de l’époque et même devant le tribunal de la grande Histoire.
Un homme en avance sur son temps
Pourtant, en fouillant dans les archives et les discours de Paul Deschanel, Jean-Marc Peyrefitte a déterré des propositions qui étaient clairement en avance sur leur temps. Ainsi, dès 1920, Deschanel militait pour le droit de vote des femmes, pour l’abolition de la peine de mort, pour la création d’un revenu universel et bien d’autres idées novatrices. D’ailleurs, les discours prononcés dans le film par Jacques Gamblin sont tout à fait authentiques et prouvent donc la pertinence de vue d’un homme qui méritait mieux que sa triste réputation.
Comme le cinéaste a choisi de faire du film une comédie, il fallait créer un antagoniste de choix face à Deschanel qui n’a guère de charisme. Ainsi, c’est la figure de Georges Clémenceau qui est, lui, décrit comme un vieux loup de la politique, à la fois conservateur et cynique. Malheureusement, à trop vouloir valoriser la figure de Deschanel, on peut penser que Peyrefitte est allé un peu loin dans la caricature de Clémenceau. Même si la prestation d’André Dussollier n’est nullement en cause, on peut regretter la vision très partisane d’un homme qui a quand même beaucoup fait pour la France, notamment durant la dure période de la Première Guerre mondiale.
Le Tigre et le président oppose deux caractères radicalement différents
Il faut donc impérativement voir Le Tigre et le président pour ce qu’elle est, à savoir une comédie historique un brin loufoque qui vise à opposer deux conceptions différentes de la politique. D’un côté la pureté de l’idéalisme, et de l’autre l’aspect beaucoup plus rébarbatif de la gestion des affaires courantes, au risque d’en perdre de vue ses idéaux d’origine. Finalement, le long-métrage se résume surtout en un duel entre deux monstres sacrés. D’un côté Jacques Gamblin cultive une fois de plus son aspect lunaire et donne donc des ailes à son Paul Deschanel, de l’autre André Dussollier fait de Clémenceau un monstre de cynisme et d’arrivisme. Si les deux forcent la note, ils permettent au spectateur de s’amuser de leurs passes d’armes et de ne jamais trouver le temps long.
Correctement écrit, Le Tigre et le président bénéficie aussi de quelques très bonnes idées de mise en scène, comme la matérialisation des angoisses de Deschanel au sein de plans en apparence réalistes. L’intrusion d’éléments incongrus (un flamant rose à l’Elysée, un lustre trop imposant pour être réel et autres trouvailles) vient rappeler au spectateur l’aspect purement fictionnel du long-métrage, ainsi que la confusion mentale dans laquelle pouvait parfois se trouver le président tant raillé par ses opposants.
Sans être exceptionnel ou même indispensable, le spectacle est plutôt agréable à suivre, pour peu que l’on ne cherche pas à y trouver une grande profondeur historique, mais bien plutôt une forme de comédie politique fondée sur une classique opposition de caractères.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 7 septembre 2022
Biographies +
Jacques Gamblin, André Dussollier, Lola Naymark, Patrick d’Assumçao, Anna Mouglalis, Christian Hecq, Jean-Marc Peyrefitte
DVD :
Après un échec en salle (moins de 200 000 entrées France) et plus de 90% de sa fréquentation réalisée sur 4 semaines, Orange Studio a décidé de ne pas proposer Le tigre et le président en blu-ray. Cette sortie copieuse au cinéma (444 écrans) en est réduit au format digital et au traditionnel DVD, quatre mois après sa sortie.
Suppléments :
- Interviews de Jacques Gamblin et André Dussollier
- Making of de la musique
- Scènes coupées