Film à thèse à l’orientation idéologique évidente, Goliath a le grand mérite de dénoncer la collusion des industriels et des dirigeants au détriment des citoyens. Malheureusement, le tout manque de nuance et d’arguments proprement cinématographiques.
Synopsis : France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser.
Un document sur les dérives de l’agribusiness et des lobbys
Critique : Alors qu’il était encore dans l’écriture de son premier long-métrage, le thriller L’affaire SK1 (2014) sur le parcours criminel de Guy George, le réalisateur Frédéric Tellier a lu un récit évoquant la situation dramatique de nombreux agriculteurs pris au piège de l’agribusiness. Durant cinq années, le cinéaste a accumulé une impressionnante documentation et a opté pour la création d’une dizaine de personnages qui seraient autant de facettes différentes du problème lié à l’emploi de pesticides chimiques sur les terres arables.
Aidé par son complice, le scénariste Simon Montairou, Frédéric Tellier a fini par trouver une ligne narrative directrice, tout en conservant l’idée de suivre des personnages différents qui gravitent autour de la même problématique. Finalement, Goliath se concentre sur le parcours d’une victime du système, d’un avocat spécialisé dans le droit environnemental et d’un lobbyiste de l’industrie chimique et phytosanitaire.
Un parti pris clairement identifiable
Malgré cette multiplicité des points de vue, le spectateur comprend très rapidement que le cinéaste prend parti de manière évidente pour les victimes d’un système devenu fou et que le lobbyiste incarné avec froideur et duplicité par Pierre Niney sera le grand méchant du film. Ainsi, on peut sans aucun doute reprocher le manque de nuances du propos qui identifie le Bien et le Mal de façon sans doute trop abrupte. Toutefois, si le monde des lobbys est décrit de manière assassine, l’un de ses membres finira par connaître une forme de rédemption qui le sauve en partie. A l’inverse, l’avocat joué avec conviction par Gilles Lellouche n’a pas toujours défendu les causes nobles. Enfin, tous les agriculteurs ne sont pas décrits comme des victimes, puisque certains d’entre eux se sont bien enrichis par la vente des produits nocifs pour leurs confrères.
Quoiqu’il en soit, Frédéric Tellier ne cherche aucunement à dissimuler son point de vue plutôt orienté à gauche, voire ses positions anticapitalistes et même altermondialistes à travers l’idée qu’un autre monde est possible. Il défend sa thèse avec force et conviction, n’hésitant pas à embrasser le genre du mélodrame pour appuyer son propos.
De bons moments de tension malgré une réalisation peu attrayante
Toutefois, dans Goliath, on préfère les nombreux passages qui s’inscrivent dans la tradition américaine du thriller politique. Ainsi, la musique menaçante de Christophe Lapinta et de Frédéric Tellier crée une tension paranoïaque qui rappelle notamment des œuvres comme Les hommes du président (Pakula, 1976) ou encore Les trois jours du Condor (Pollack, 1975). C’est dans ces moments que Frédéric Tellier marque le plus de points, rappelant au passage que le grand public est prêt à croire n’importe quelle théorie complotiste, mais refuse de voir la réalité de ce qui se trouve dans son assiette.
Si le film s’appuie sur des interprètes de grande qualité comme Emmanuelle Bercot et jusque dans les seconds rôles (Marie Gillain et Jacques Perrin en tête), il pâtit toutefois d’une réalisation aléatoire. Ainsi, Frédéric Tellier ne semble guère se soucier des cadrages, parfois franchement ratés, et pense visiblement qu’il suffit de remuer sa caméra de manière hystérique pour donner un aspect documentaire à son film. Comme les éclairages ne sont pas nécessairement très élaborés non plus, Goliath fait donc un peu pitié sur le plan formel et ressemble parfois un peu trop à un téléfilm. Le long-métrage, par ailleurs très efficace et jamais ennuyeux, apparaît donc comme une œuvre surtout destinée à alimenter le débat public sur un problème politique et sanitaire majeur, avant même d’être un objet cinématographique vraiment enthousiasmant. Pourtant, le soin apporté à la forme n’est pas incompatible avec la réflexion.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 9 mars 2022
© 2022 StudioCanal / Affiche : Le Cercle Noir pour Silenzio. Photographies : Christine Tamalet. Tous droits réservés.
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Frédéric Tellier, Gilles Lellouche, Jacques Perrin, Emmanuelle Bercot, Pierre Niney, Marie Gillain, Yannick Renier, Laurent Stocker