Black Adam est surtout un produit calibré qui ne prend aucun risque et livre un spectacle tonitruant pour un résultat kitsch et peu enthousiasmant.
Synopsis : Dans l’antique Kahndaq, l’esclave Teth Adam avait reçu les super-pouvoirs des dieux. Mais il en a fait usage pour se venger et a fini en prison. Cinq millénaires plus tard, alors qu’il a été libéré, il fait régner sa conception très sombre de la justice dans le monde. Refusant de se rendre, Teth Adam doit affronter une bande de héros d’aujourd’hui qui composent la Justice Society – Hawkman, le Dr Fate, Atom Smasher et Cyclone – qui comptent bien le renvoyer en prison pour l’éternité.
Retour sans passion à l’univers partagé DC
Critique : Si l’on excepte The Batman (Reeves, 2022), la firme DC a du mal à proposer des œuvres de qualité depuis plusieurs années maintenant. Echaudé par les contre-performances de plusieurs films ambitieux de Zack Snyder considérés comme trop sombres, les grands pontes ont décidé de réorienter les différentes franchises vers davantage de légèreté. Cela a donné les désastres de Shazam ! (Sandberg, 2019), Wonder Woman 1984 (Jenkins, 2020), mais aussi de Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn (Yan, 2020).
Conçu en 1945 pour être un antagoniste du héros Shazam, Black Adam a séduit des générations de fans de comics et a gagné progressivement ses galons d’anti-héros. Le personnage devait initialement apparaître dans le premier film consacré à Shazam, avant que le script soit entièrement modifié. Du coup, Dwayne Johnson a été écarté du casting de ce long-métrage, mais a obtenu d’interpréter cette figure charismatique des comics dans un film qui lui serait entièrement dédié. Après quelques temps, le projet Black Adam a fini par voir le jour en étant confié au réalisateur espagnol Jaume Collet-Serra qui venait juste de tourner Jungle Cruise avec Dwayne Johnson. Visiblement satisfaits de leur collaboration sur le film d’aventures, les deux hommes se sont donc retrouvés sur le plateau du premier film de super-héros de The Rock.
De l’action, encore de l’action et… c’est tout!
Tout d’abord, il est important de signaler que Black Adam n’est absolument pas du niveau des films déplorables cités ci-dessus. Certains osent même le comparer à un ratage aussi pathétique de Gods of Egypt (Proyas, 2016) qui tenait davantage de la bouillie numérique que du blockbuster. Il n’en est rien puisque la réalisation de Jaume Collet-Serra se révèle toujours aussi efficace. L’artisan sait gérer l’évolution spatiale de ses personnages et son montage est toujours d’une grande lisibilité. De même, les effets spéciaux, pourtant omniprésents, sont plutôt réussis et parviennent donc à immerger le spectateur au cœur d’une action qui ne cesse jamais. Filmé pied au plancher, Black Adam surprend par sa profusion de scènes d’action spectaculaires et l’on peut qualifier le spectacle de généreux dans sa volonté d’en offrir toujours plus au spectateur. Sur ce plan, le métrage ne vole pas ses clients potentiels.
Malheureusement, l’ensemble pâtit de plusieurs défauts qui peuvent être rédhibitoires. Tout d’abord, le scénario tient sur la largeur d’un ticket de métro et semble parfois avoir été dialogué par un gamin de 12 ans. Présentant un personnage aux pouvoirs illimités et au sens moral peu développé, Black Adam ne cherche jamais à approfondir la notion d’anti-héros du personnage. En fait, si l’on excepte quelques exécutions sommaires de méchants hommes armés, Black Adam n’est jamais montré comme une entité dangereuse ou maléfique. Dwayne Johnson a beau froncer les sourcils, on ne voit en lui qu’un héros potentiel. Dès lors, son opposition à la Justice Society, menée par de vrais héros, donne lieu à un combat joué d’avance et donc sans grand intérêt. En réalité, Black Adam manque d’un antagoniste vraiment mémorable et se perd dans des combats et des destructions qui n’apportent rien au spectateur.
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Des gags frelatés et quelques personnages exaspérants alourdissent Black Adam
A cela, il faut ajouter une esthétique kitsch qui rend la plupart des costumes ridicules dans un genre qui est déjà bien gratiné par nature. Les pauvres Pierce Brosnan et Aldis Hodge ne sont pas épargnés par leur tenue vestimentaire particulièrement colorée. On se croirait ici revenu aux temps du Flash Gordon (1980) de Mike Hodges, un fleuron du cinéma kitsch. Outre ces outrages au bon goût, Black Adam pâtit également de concessions au grand public familial avec un personnage adolescent irritant (le jeune Bodhi Sabongui, vraie tête à claque) et son oncle en surpoids joué par Mohammed Amer. Les deux sont là pour détendre l’atmosphère comme le faisait autrefois systématiquement le cinéaste Stephen Sommers dans ses divertissements de bas étage comme La momie ou Van Helsing.
Ainsi, une scène aussi attirante sur le papier que le déchaînement des hordes de l’enfer sur une grande métropole (avec des spectres squelettiques comme dans L’armée des ténèbres de Sam Raimi) se transforme en moment comique à cause de l’ajout d’une bande-son ironique et du personnage de l’oncle en mode humoristique. Dès lors, tout le potentiel horrifique et jubilatoire se dilue dans un comique enfantin proprement exaspérant.
Déjà passablement amoindri par des enjeux narratifs faibles, Black Adam semble avoir été caviardé de scènes validées par quelque algorithme afin de répondre à une charte commerciale préétablie. Cela lui retire toute forme de spontanéité et donc tout charme véritablement cinématographique. Produit calibré pour plaire au plus grand nombre sans vexer qui que ce soit, Black Adam n’a donc guère d’intérêt si ce n’est de livrer un spectacle tonitruant et finalement abrutissant.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 19 octobre 2022
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Jaume Collet-Serra, Pierce Brosnan, Dwayne Johnson, Marwan Kenzari, Aldis Hodge, Viola Davis, Noah Centineo, Sarah Shahi, Quintessa Swindell
