Les crimes du futur (Cannes 2022) : la critique du film (2022)

Science-fiction | 1h47min
Note de la rédaction :
7/10
7
Affiche de Les crimes du futur de David Cronenberg (2022)

  • Réalisateur : David Cronenberg
  • Acteurs : Léa Seydoux, Viggo Mortensen, Kristen Stewart, Don McKellar, Scott Speedman
  • Date de sortie: 25 Mai 2022
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Canadien, Français, Grec, Britannique
  • Titre original : Crimes of the Future
  • Titre alternatifs :
  • Scénariste : David Cronenberg
  • Directeur de la photographie : Douglas Koch
  • Compositeur : Howard Shore
  • Monteur : Christopher Donaldson
  • Producteurs : Robert Lantos, Panos Papahadzis, Steve Solomos
  • Sociétés de production Serendipity Point Films, Argonauts, Bell Media, Canadian Broadcasting Corporation (CBC), Coficiné, Ekome, Ingenious Media, The Harold Greenberg Fund, Téléfilm Canada, Wiffle Films
  • Distributeur : Metropolitan FilmExport
  • Editeur vidéo : Metropolitan FilmExport
  • Date de sortie vidéo : 2022
  • Format : 1.85 : 1 / Couleur (D-Cinema, DCP) / Dolby Digital
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Box-office nord américain / monde :
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Cannes 2022 : Sélection officielle en compétition
  • Autres festivals et récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : Benjamin Seznec / Troïka Tous droits réservés
  • Crédits : © 2022 SPF Productions Inc, Argonauts Productions. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Sorte de film testamentaire, Les crimes du futur est assurément une œuvre clivante qui bénéficie d’une ambiance sombre et froide, sublimée par la magnifique musique d’Howard Shore. Étrange et dérangeant.

Synopsis : Dans un futur proche, l’humanité a appris à vivre sans son enveloppe corporelle. Cette évolution amène les humains à dépasser leur état naturel et à se métamorphoser, en modifiant leur composition biologique. Saul Tenser est un “performeur” qui a adopté le syndrome de l’évolution accélérée, faisant apparaître des organes nouveaux et inattendus dans son corps. Avec sa partenaire Caprice, Tenser a transformé l’ablation de ces organes en un spectacle que ses fidèles adeptes peuvent admirer en temps réel…

David Cronenberg en mode best of

Critique : Cela faisait maintenant huit ans que le réalisateur David Cronenberg n’avait pas tourné un nouveau long-métrage, ressemblant de plus en plus à une retraite bien méritée puisque l’artiste approche quand même de ses 80 ans. Avec Les crimes du futur (2022), Cronenberg ressort du placard un script écrit au début des années 2000 intitulé initialement Painkillers. Toutefois, comme s’il souhaitait véritablement boucler son œuvre, il a choisi de donner au film le titre Crimes of the Future qui est déjà celui d’un de ses premiers travaux datant de 1970. Pourtant, les deux films n’entretiennent aucun rapport si ce n’est qu’ils sont signés de la même personne à cinquante ans d’intervalle.

Il n’est pas interdit de considérer Les crimes du futur comme une œuvre testamentaire puisque le réalisateur ne cesse de faire référence à ses propres créations. Ainsi, le métrage ressemble à s’y méprendre à une compilation mélangeant allègrement Videodrome (1983) pour son ambiance musicale sombre créée comme toujours par Howard Shore, Crash (1996) pour sa description d’une communauté de marginaux aux pratiques sexuelles étranges et enfin eXistenZ (1999) pour sa volonté d’explorer l’avenir de l’espèce humaine.

Les crimes du futur, affiche personnage Viggo Mortensen

Affiche : Benjamin Seznec / Troïka © 2022 SPF Productions Inc, Argonauts Productions. Tous droits réservés

Un nouveau film-univers hallucinant pour Cronenberg

Dès le début du film, Cronenberg impose un univers complètement barré qu’il ne cherche jamais vraiment à expliquer. Le spectateur comprendra que face aux bouleversements climatiques et environnementaux, le corps humain a fini par évoluer au point de ne plus ressentir la douleur physique. L’occasion pour des adeptes du body art de se livrer à des performances artistiques audacieuses, allant jusqu’à la scarification en direct, mais aussi des dissections en public, avec une personne consentante et même volontaire pour éprouver des sensations extrêmes. A partir de là, Cronenberg rejoint son obsession de la proximité entre la souffrance et le sexe, donnant lieu à des séquences toujours plus hallucinantes, et parfois à la lisière du ridicule – mais sans y succomber toutefois.

Pour éviter tout élément de datation, le réalisateur a pris soin de ne montrer aucun objet vraiment identifiable et propose des décors épurés qui donnent le sentiment de pénétrer dans un film-corps. Développant sa propre logique interne, et plutôt démentielle, Les crimes du futur ne part jamais totalement en vrille comme l’incompréhensible Festin nu (1991) et, même si l’on doit parfois s’accrocher, l’ensemble possède une structure narrative bien charpentée qui permet de comprendre les grandes lignes de l’intrigue.

La quintessence du body horror

Ainsi, l’artiste nous confronte à nos propres démons actuels, à savoir les atteintes envers l’environnement. Il alerte bien entendu sur les conséquences dramatiques que cela génère, mais Cronenberg en déduit que le génie de la nature parviendra à créer des mutations corporelles qui permettront la survie de l’espèce. Le cinéaste réfléchit également à la place de l’artiste au sein d’une société en décrépitude, mais là encore sans jeter d’anathème, tel un entomologiste glacial.

Car Les crimes du futur ne déroge pas à la règle établie depuis maintenant plusieurs décennies par le réalisateur. Aussi agréable à regarder qu’une séance de roulette chez le dentiste, le film risque d’éconduire une grande partie du grand public qui n’y verra qu’une énième divagation d’un grand malade. Parfois dégoûtant, toujours d’une froideur absolue, le long-métrage se présente comme une dépouille artistique, un quasi-cadavre où la vie a parfois du mal à s’infiltrer. Sans action, d’une lenteur parfois hypnotique, Les crimes du futur est sauvé de la torpeur qui plombait un film comme Cosmopolis (2012) par la grâce d’une superbe partition musicale synthétique du grand Howard Shore, visiblement très inspiré.

Une belle conclusion d’une œuvre décidément unique en son genre

C’est sa musique qui sublime les moments les plus glaçants de cette œuvre sans cesse audacieuse, mais qui pouvait s’effondrer sous le poids de ses dialogues théoriques et abscons. On peut également saluer la belle performance de Viggo Mortensen, mais aussi celle de Léa Seydoux, parfaitement glaciale à l’image de Deborah Kara Unger dans Crash. Enfin, Don McKellar est aussi employé avec justesse.

Sans être un chef d’œuvre, Les crimes du futur a le mérite d’offrir une conclusion cohérente à l’œuvre d’un réalisateur qui aura définitivement marqué son époque par sa singularité.

Critique de Virgile Dumez

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Affiche de Les crimes du futur de David Cronenberg (2022)

Affiche : Benjamin Seznec / Troïka © 2022 SPF Productions Inc, Argonauts Productions. Tous droits réservés

Notes sur le film

David Cronenberg a été reconnu par Cannes sur le tard. Si dans les années 80, le cinéaste était à chercher du côté des festivals de films fantastiques, il lui a fallu attendre 1996, pour trouver la reconnaissance des élites culturelles françaises, avec le film érotique Crash qui remporte le Prix Spécial du  Jury. Depuis, Cronenberg a été de nombreuses fois engagé en compétition (Spider, A History of Violence, Cosmopolis, Maps to the Stars), mais n’aura jamais suscité l’émotion du jury.

Le Canadien, qui n’avait pas été retenu pour Existenz, Les promesses de l’ombre et A Dangerous Method, a lui-même présidé Cannes en 1999 ; contre toute attente, il récompensa une œuvre aux antipodes de son cinéma organique et cauchemardesque, Rosetta des Dardenne.

Les crimes du Futur est le retour aux mutations cauchemardesques du réalisateur de La mouche

En 2022, le cinéaste revient, avec Les crimes du futur, à la science-fiction et au cinéma de mutation qui a fait sa renommée (de ses premières séries B à Existenz, en passant par Videodrome ou La mouche). Il retrouve son acteur fétiche Viggo Mortensen (A History of Violence, Les promesses de l’ombre, A Dangerous Method). Aux côtés de l’acteur se distingue un casting féminin tendance, avec l’internationale Léa Seydoux et l’ancienne égérie de Twilight Kristen Stewart. Cronenberg avait déjà dirigé l’ex de l’actrice, Robert Pattinson, dans Cosmopolis et Maps to the Stars. La famille cinématographique du cinéaste est fidèle et cohérente.

Pour ce retour en salle, c’est le distributeur Metropolitan FilmExport (Spider, A History of Violence, Les promesses de l’ombre) qui a décroché le gros lot. Les attentes pour ce dernier sont élevées mais le contexte post-covid suscite des interrogations. Sur le déclin commercial constant depuis les 804 000 entrées des Promesses de l’ombre, le cinéaste devra surtout dépasser le piteux score de Maps to the stars qui s’était arrêté à 254 000 entrées.

Depuis Scanners en 1981, les décevants Le festin nu et (1992) et M Butterfly (1994) sont ses deux longs métrages qui auront réalisé le moins d’entrée (101 000 pour le premier, 95 000 pour le second). La mouche, en revanche, représente l’apogée commerciale de sa carrière avec 2 119 000 entrées et le Grand Prix du Jury à Avoriaz, en 1987.

Notes sur le film : Frédéric Mignard

Affiche teaser de Les crimes du futur de David Cronenberg (2022)

Affiche : Benjamin Seznec / Troïka © 2022 SPF Productions Inc, Argonauts Productions. Tous droits réservés

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Affiche de Les crimes du futur de David Cronenberg (2022)

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