Tori et Lokita (Cannes 2022) : la critique du film (2022)

Drame | 1h28min
Note de la rédaction :
6/10
6
Affiche de Tori et Lokita des frères Dardenne

  • Réalisateur : Jean-Pierre et Luc Dardenne
  • Date de sortie: 05 Oct 2022
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Belge, Français
  • Titres alternatifs : Tori and Lokia (International)
  • Acteurs : Pablo Schils, Joely Mbundu, Alban Ukaj, Tijmen Govaerts, Charlotte De Bruyne, Nadège Ouedraogo, Marc Zinga
  • Scénaristes : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
  • Directeur de la photographie : Benoît Dervaux
  • Ingénieur du son : Jean-PIerre Duret
  • Monteur : Marie-Hélène Dozo
  • Producteurs : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Delphine Tomson, Denys Freyd, avec Bart Van Langendonck (co-producteur), Peter Bouckaert (co-producteur)
  • Sociétés de production Archipel 35, Les Films du Fleuve, Savage Films
  • Distributeur : Diaphana Distribution
  • Date de sortie vidéo :
  • Editeur vidéo :
  • Format : Couleur / 5.1
  • Budget : Inconnu
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Box-office nord américain / monde :
  • Classification : Tous publics
  • Cannes 2022 : Sélection Officielle en compétition, Prix du 75e Festival
  • Autres festivals et récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : © Le Cercle Noir pour Fidelio ©Photo : Christine Plenus Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Les Films du Fleuve, Archipel 35, Savage Film. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Recommandé Art et Essai par l'Afcae
Note des spectateurs :

Tori et Lokita, belle histoire d’amitié et de solidarité pour dénoncer les injustices faites aux migrants mineurs, est amoindri par un discours sombre et partisan.

Synopsis : Aujourd’hui en Belgique, un jeune garçon et une adolescente venus seuls d’Afrique opposent leur invincible amitié aux difficiles conditions de leur exil.

La sensibilité sociale des Dardenne à fleur de peau

Critique : Rosetta, L’enfant, Le silence de Lorna, Le gamin au vélo, Deux jours, un nuit et tant d’autres titres qui témoignent de l’insatiable combat cinématographique des frères Dardenne, toujours prompts à défendre le faible et l’opprimé face à la cruauté du monde. Il n’est donc pas étonnant que le sort réservé par l’Europe (ici l’action se passe en Belgique mais elle ne serait pas différente en France) aux Mena (Mineurs étrangers non accompagnés) ait à nouveau touché leur corde sensible.

Tori et Lokita, de quoi ça parle?

 Lokita, une adolescente d’une quinzaine d’années et Tori, un gamin de dix ans, sont venus d’Afrique, l’une du Cameroun, l’autre du Bénin. Ils se sont rencontrés lors de leur périple et, pour avoir moins peur, se sont mutuellement accordés le statut de frère et sœur. Une solidarité absolument nécessaire pour résister aux tourments que leur pays d’accueil leur impose. Tori a obtenu ses papiers mais, pour espérer avoir les siens, Lokita doit se soumettre à des interrogatoires judiciaires qui, à chaque fois, la déstabilisent. Condamnée à une vie clandestine elle est la proie facile d’un restaurateur peu scrupuleux, puis de dealers avides qui la séquestrent dans un entrepôt où elle doit cultiver du cannabis contre la promesse de faux papiers qui tardent à arriver. Parallèlement, la jeune fille doit trouver de l’argent pour l’envoyer à sa mère qui compte sur elle pour élever ses frères et sœurs restés au pays, et surtout pour rembourser le passeur qui les a amenés jusqu’ici et qui se fait de plus en plus menaçant. Pendant ce temps, l’administration belge reste sourde à sa détresse.

Une œuvre par trop manichéenne

Désireux de susciter chez le spectateur un sentiment de révolte contre l’injustice qui règne dans nos sociétés, les deux réalisateurs justiciers de Tori et Lokita, en surchargeant souvent maladroitement le tableau des tourments, ratent l’effet escompté. Dans un élan manichéen qui ne leur est guère coutumier, ils exacerbent la réalité au point de confisquer une bonne part de l’empathie qu’une telle situation aurait dû susciter et emmènent leur histoire à la frontière du conte, avec d’un côté les gentils et de l’autre les méchants.

… à la limite de la complaisance

Cette complaisance à empiler les strates d’une souffrance grandissante dans des décors toujours plus inhospitaliers finit néanmoins par créer un climat d’aventure et de suspense, renforcé par une mise en scène nerveuse qui fait, pour un temps, oublier la chape de misère. La caméra scrute au plus près les détails des visages, des gestes, des regards, des voix pour sublimer une amitié sans faille qui permet de résister aux épreuves d’une difficile condition d’exilés. Fidèles à leur réputation d’observateurs de la tragédie humaine, les cinéastes filment avec une justesse désarmante toute l’humanité de ce duo improbable, animé d’une bravoure et d’une détermination qui forcent le respect tout en laissant sourdre une naïveté et une espérance en une vie meilleure qui touchent droit au cœur.

Quid des acteurs non-professionnels?

Faisant une nouvelle fois le choix d’acteurs non professionnels, les Dardennes confient à Pablo Schils (Tori) et Jeoly Mbundu (Lokita) la lourde tâche de faire vivre ces enfants solitaires et humiliés. Si la vivacité et le naturel du garçon font merveille, la réserve dans laquelle s’enferme la jeune femme ne lui permet pas de trouver sa place exacte au cœur de l’intrigue. Certes, Tori et Lokita fait preuve d’indéniables qualités cinématographiques mais son pessimisme assumé et son manque de lumière risquent bien de le placer au rang des œuvres mineures des célèbres frères Dardenne.

Claudine Levanneur

Sorties de la semaine du 5 octobre 2022

Photo du film Tori et Lokita

Pablo Schils (Tori) et Jeoly Mbundu (Lokita) ©Photo : Christine Plenus. Tous droits réservés.

Notes : Tori et Lokita est le 9e film en compétition des double palmés Luc et Jean-Pierre Dardenne (Rosetta, L’enfant).

Les frères Dardenne n’attendent plus rien de Cannes, si ce n’est un éclairage médiatique qui relève de la routine. Sélectionnés à la Quinzaine avec La promesse en 1996, ils montent en grade en 1999 grâce à l’explosif Rosetta. Le drame naturaliste  remporte la Palme des mains de David Cronenberg. Le film belge révèle au passage la fougue d’Emilie Dequenne et installe un peu plus Olivier Gourmet dans le paysage cinématographique francophone. Avec 705 000 entrées au box-office, cela sera aussi leur second plus gros succès (Le gamin au vélo impressionnera en 2011 754 000 spectateurs).

Le fils connaîtra un succès moindre en 2002 (263 000) mais repart avec un prix d’interprétation masculine lors du palmarès. En 2005, le très dur L’enfant, avec Jérémie Rénier et Déborah François suscite le malaise et la révolte, et remporte une Palme, leur deuxième.

Suivront Le silence de Lorna (Prix du scénario), Le gamin au vélo (Grand Prix), et des films moins célèbres. Le dépressif Deux jours, une nuit avec Marion Cotillard, même s’il dépasse les 500 000 entrées, et La fille inconnue avec Adèle Haenel, repartent bredouilles.

Pour Le jeune Ahmed (2019), les deux auteurs atteignent un niveau d’intérêt très bas du côté du public, avec 152 000 entrées. Le drame sur fond d’islamisme, avait pourtant séduit le jury qui lui avait remis le Prix de la Mise en scène.

En 2022, Tori et Lokita , qui évoque la migration en provenance d’Afrique et les conditions difficiles des enfants exilés, est une nouvelle épopée de l’enfance et de l’adolescence de la part d’un duo qui aime disséquer les tourments de la jeunesse. Y retrouvera-t-on la rage historique des auteurs ou emprunteront-ils  une direction nouvelle? Comme ils ont rarement déçu, Tori et Lokita est forcément très attendu. Les spectateurs pourront le découvrir en toute sérénité dans les salles à partir du 28 septembre 2022 (date initiale repoussée au 5 octobre 2022, ndlr).

Frédéric Mignard

Tous les films de Cannes 2022

Compétition officielle au Festival de Cannes 2022

Affiche 4X3 de Tori et Lokita

© Le Cercle Noir pour Fidelio ©Photo : Christine Plenus Tous droits réservés / All rights reserved 

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