Les jeunes amants démontre avec délicatesse que l’amour est possible à tout âge. Le mélodrame intense est porté par un casting plus que parfait.
Synopsis : Shauna, 70 ans, libre et indépendante, a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer. A ceci près que Pierre est marié et père de famille.
Critique : En trois films (La tête de maman (2007), Du vent dans mes mollets (2012) et Otez-moi d’un doute (2017)), la réalisatrice Carine Tardieu a confirmé sa capacité à retranscrire avec précision l’imbroglio des liens familiaux. Pour ce quatrième long-métrage, elle reprend la trame du scénario inachevé de la regrettée Solveig Anspach, qui souhaitait porter à l’écran l’histoire de sa mère que quelques machistes mal intentionnés n’auraient pas hésité à qualifier de « cougar », et pousse encore un peu plus loin l’exploration de l’attachement en s’emparant du sujet ô combien humain mais cependant toujours tabou des rapports amoureux entre un homme jeune et une femme de 25 ans son aînée.
Dans un hôpital, une femme veille une amie mourante. Elle rencontre un médecin dont on pressent que lui aussi cache une histoire douloureuse. Quelques mots échangés autour d’un distributeur de boissons leur procure quelques doux instants de partage. Puis chacun repart vers son quotidien. Mais le hasard est tenace puisque 15 ans plus tard, leurs routes se croisent à nouveau. A 45 ans, Pierre (Melvil Poupaud) est marié, père de famille et dirige un service de cancérologie. Shauna (Fanny Ardant), à plus de 70 ans, a pris sa retraite. Bien qu’encore très belle, veuve et grand-mère, elle n’imagine pas que sa vie sentimentale puisse connaître un nouvel élan, d’autant qu’elle est atteinte d’une maladie invalidante. Pourtant, elle se sent irrésistiblement attirée vers cet homme qui, même s’il pourrait être son fils, ne semble pas insensible à son charme. Faisant fi des conventions sociales et des obstacles inhérents à cette différence d’âge, « nos jeunes amants » presque aussi maladroits et désarmants que des adolescents, se laissent aller à cette passion que personne n’aurait cru possible, à commencer par l’épouse blessée (Cécile de France) qui, une fois la stupéfaction passée, comprend qu’il ne s’agit pas là d’une passade sans importance.
A l’instar de ses œuvres précédentes, la cinéaste navigue avec dextérité entre un romantisme assumé qui atteint son apogée dans ce décor irlandais de lumière feutrée et de ciel laiteux et un réalisme brut où la maladie et la mort s’invitent en filigrane, non comme éléments de tragédie mais comme incitation à profiter immédiatement des bienfaits de la vie. Un écrin tout trouvé par l’ardente Fanny qui, transmet à cette battante jamais résignée qu’est Shauna la force d’une passion qui l’animait déjà dans La femme d’à côté tandis que sa vulnérabilité, esquissée à petits coups d’hésitation et de gestes inaboutis, la rend fragile et touchante. Touchée par son énergie et son sens de la liberté, Pierre, sous les traits de Melvil Poupaud, se fait tendre et passionné tout autant que déterminé et digne. Même en mari adultère, il ne perd rien de son panache.
Son jeu tout en sincérité contribue largement à créer l’élan de sympathie qui s’installe peu à peu à l’égard de ce couple imparfait mais si attachant que même les personnages secondaires lui tissent un cocon douillet. Cécile de France s’acquitte avec talent de ce rôle difficile d’épouse bafouée, l’habillant de mille nuances d’émotions. Florence Loiret-Caille livre une version bouleversante de l’amour filial et il appartient à Sharif Andoura de saupoudrer de tendresse et d’humour cette généreuse épopée humaine.
En déclinant l’amour sous toutes ses formes, Les jeunes amants rappelle que se tenir loin des normes établies pourrait bien constituer le meilleur élixir de jeunesse.