Nos frangins (Cannes 2022) : la critique du film (2023)

Drame historique | 1h32min
Note de la rédaction :
6/10
6
Nos frangins, l'affiche

  • Réalisateur : Rachid Bouchareb
  • Acteurs : Reda Kateb, Raphaël Personnaz, Samir Guesmi, Lyna Khoudri, Bernard Blancan, Laïs Salameh, Wabinlé Nabié, Adam Amara
  • Date de sortie: 01 Mai 2023
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Français
  • Scénaristes : Kaouther Adimi, Rachid Bouchareb
  • Directeur de la photographie : Guillaume Deffontaines
  • Compositeur : Amin Bouhafa
  • Monteur : Guerric Catala
  • Producteur : Rachid Bouchareb
  • Sociétés de production 3B Productions, France 2 Cinéma, Le Pacte, Wild Bunch
  • Distributeur : Le Pacte
  • Date de sortie vidéo :
  • Editeur vidéo :
  • Format :
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Box-office nord américain / monde :
  • Classification : Tous publics
  • Cannes 2022 : Label Cannes Première
  • Autres festivals et récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : Le Cercle Noir pour Fidelio. Tous droits réservés.
  • Crédits : © 3B Productions, France 2 Cinéma, Le Pacte, Wild Bunch. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

A trop vouloir coller aux images d’archives, Nos frangins oublie de se saisir de la matière romanesque et se cantonne à une vision documentaire de l’affaire Oussekine. Intéressant, mais limité dans sa portée.

Synopsis : La nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine est mort à la suite d’une intervention de la police, alors que Paris était secoué par des manifestations estudiantines contre une nouvelle réforme de l’éducation. Le ministère de l’Intérieur est d’autant plus enclin à étouffer cette affaire, qu’un autre français d’origine algérienne a été tué la même nuit par un officier de police.

Retour sur une affaire qui a secoué la France de 1986

Critique : Après une parenthèse américaine et comique que l’on préférera oublier (le nanar stratosphérique Le flic de Belleville avec Omar Sy en 2018), le cinéaste Rachid Bouchareb revient à ce qu’il sait faire de mieux, à savoir le drame sur fond historique. Il revient avec Nos frangins sur un épisode vécu dans sa jeunesse, alors qu’il militait au sein de SOS Racisme, à savoir l’affaire Malik Oussekine. Pour mémoire, ce drame est intervenu lors des manifestations étudiantes parisiennes contre la loi Devaquet et notamment l’intervention des forces de police pour tenter de rétablir l’ordre dans la capitale.

Nos frangins de Rachid Bouchareb

© 3B Productions, France 2 Cinéma, Le Pacte, Wild Bunch. Tous droits réservés / All rights reserved

Mais lors du triste week-end des 5 et 6 décembre 1986, deux jeunes hommes d’origine maghrébine ont été les victimes de deux bavures policières que le pouvoir a essayées en vain d’étouffer. Il s’agissait d’une part de Malik Oussekine dont le nom est rapidement devenu un symbole pour les manifestants, mais aussi d’Abdel Benyahia dont le meurtre par un policier alcoolisé est davantage passé sous les radars.

Deux cas avérés de violences policières

Dans les deux cas, il s’agit bien de dérapages puisqu’aucun des deux n’était vraiment impliqué dans les mouvements de jeunesse. Malik a été pris dans une rafle par erreur, puis poursuivi et roué de coups par les pelotons de voltigeurs motorisés qui ont été dissous peu après cette affaire. Abdel de son côté a cherché à séparer des jeunes qui se battaient et il a été pris pour cible par un policier qui n’était pas en service et qui était passablement aviné.

Ce sont donc ces deux affaires concomitantes que Rachid Bouchareb a souhaité retracer à travers Nos frangins. Pour faire le lien entre les deux, il a inventé le personnage de l’inspecteur de l’IGS interprété avec sobriété par Raphael Personnaz. Ici, Bouchareb a souhaité s’effacer au maximum pour pouvoir rendre hommage à ces deux jeunes et à leurs familles qui sont restées dans le flou durant plusieurs jours à cause d’une décision politique inhumaine. Il s’agissait d’étouffer ces drames afin de ne pas ajouter d’huile sur le feu d’une situation déjà incontrôlable. Si cela peut se comprendre d’un point de vue purement politique, Rachid Bouchareb démontre ici le caractère inadmissible de ces décisions.

Une gestion calamiteuse de la part de Pasqua et consorts

Outre l’horreur des deux crimes – que le cinéaste ne montre jamais – Bouchareb accuse ici la gestion calamiteuse de la part d’un Etat français désemparé et qui était déjà déstabilisé par une situation politique inédite, à savoir la cohabitation. Effectivement, si François Mitterrand était bien le président de la République, celui qui a mal géré la situation est avant tout le premier ministre de droite Jacques Chirac et toute sa clique. Il faut dire que le ministre de l’Intérieur de l’époque n’était autre que Charles Pasqua, ancien vice-président du très controversé SAC (Service d’action civique) qui s’occupait des basses œuvres de De Gaulle.

Autant dire que sa nomination au poste de ministre de l’Intérieur résonnait comme un passe-droit pour certains membres de la police les plus radicaux et extrémistes. L’affaire Malik Oussekine n’est donc qu’un tragique épisode, résultat d’une volonté politique de fermeté, avec son lot inévitable de débordements. D’ailleurs, le générique de fin de Nos frangins permet de rappeler que les policiers qui ont donné la mort au nom de l’Etat en ce mois de décembre 1986 ont écopé de peines légères par rapport aux vies mutilées qu’ils ont laissées derrière eux.

Nos frangins opte pour une approche documentaire au détriment des personnages

S’appuyant sur de nombreuses images d’archives, ainsi que des scènes reconstituées à l’aide des caméras vidéo d’époque, Nos frangins s’apparente donc à un documentaire qui met surtout en accusation le pouvoir politique en charge de ces affaires. L’auteur fait attention à ne pas généraliser ces violences à l’ensemble de la police, même s’il prend clairement parti pour cette jeunesse révoltée. Malheureusement, si Rachid Bouchareb a réussi son documentaire sur cette époque, il n’a pas osé prendre la fiction à bras le corps et échoue à composer des personnages qui seraient profonds.

Le pire vient de l’inspecteur de l’IGS, personnage fictif dont on peine à saisir les motivations. On sent Raphael Personnaz embarrassé par son rôle, dont on ne comprend jamais le positionnement. On le sent mal à l’aise vis-à-vis des ordres qu’il reçoit, mais il n’agit pas pour autant et rien ne permettra de décrypter sa psyché. Les autres protagonistes sont également marqués par un réel défaut d’écriture. Les acteurs restent ainsi cantonnés dans le même registre durant la totalité du film.

De bons acteurs dans des rôles taillés d’un seul bloc

Samir Guesmi incarne ces migrants de la première génération qui subissent leur sort sans jamais se plaindre, Reda Kateb et Lyna Khoudri sont les frangins éplorés de Malik Oussekine avec une certaine rage intérieure. Pourtant, aucun d’entre eux n’évolue et le film ne nous apporte donc rien sur leur histoire personnelle. On peut donc considérer Nos frangins comme un bel hommage envers une jeunesse maltraitée, ainsi que comme un bon documentaire historique. Il lui manque toutefois la fièvre qui en ferait une grande œuvre cinématographique.

Présenté en avant-première au Festival de Cannes, Nos frangins n’a pas obtenu un écho formidable, preuve de son aspect quelque peu anecdotique, là où l’on pouvait attendre un film fort et bouleversant.

Critique de Virgile Dumez

Notes cannoises :

Rachid Bouchareb, réalisateur d’Indigènes et Hors-la-loi (deux productions à gros budget en compétition officielle, à Cannes), revient enfin sur la Croisette après les fiascos du film franco-américain La voie de l’ennemi et du Flic de Belleville, comédie alimentaire avec Omar Sy. Nos frangins, œuvre de la rédemption pour son auteur, passe par la case Cannes Première. L’enjeu pour le cinéaste est historique, social et engagé, mais il s’agit aussi de restaurer le statut dont il jouissait dans les années 2000 quand le film de guerre Indigènes, avec Roschdy Zem, Samy Naceri, Jamel Debbouze, et Sami Bouajila, dépassait les trois millions de spectateurs sur l’Hexagone.

Notes cannoises de : Frédéric Mignard

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Nos frangins, l'affiche

© 3B Productions, France 2 Cinéma, Le Pacte, Wild Bunch / Affiche : Le Cercle Noir pour Fidelio. Tous droits réservés.

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Rachid Bouchareb, Reda Kateb, Raphaël Personnaz, Samir Guesmi, Lyna Khoudri, Bernard Blancan, Laïs Salameh, Wabinlé Nabié, Adam Amara

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