Jurassic World le monde d’après conclut de la façon la plus mollassonne l’une des plus belles promesses de cinéma. Un accident industriel.
Synopsis : Quatre ans après la destruction de Isla Nublar. Les dinosaures font désormais partie du quotidien de l’humanité entière. Un équilibre fragile qui va remettre en question la domination de l’espèce humaine maintenant qu’elle doit partager son espace avec les créatures les plus féroces que l’histoire ait jamais connues.
Les dinosaures au cinéma
Tournage sous covid, sortie repoussée et réorientation exigée
Critique : En 2018, le cinéaste catalan Juan Antonio Bayona surprenait en parant Jurassic World Fallen Kingdom, deuxième épisode de la franchise Jurassic World, des qualités d’un conte gothique sombre et philosophique en clin d’œil au Frankenstein de Mary Shelley. Les recettes moindres par rapport au prédécesseur, mais tout de même gigantesques (plus d’un milliard de dollars empochés dans les salles) ont réorienté les ambitions d’Universal vers un spectacle moins effrayant (exit l’avertissement aux parents à l’entrée de la salle, Jurassic World 3 est tous publics) avec aux commandes, Colin Trevorrow, le cinéaste qui avait ressuscité la saga à l’occasion d’un Jurassic World canonique, mais efficace.
Jurassic World le monde d’après est le résultat d’une réorientation de ton manifeste, avec, entre les deux films, une crise sanitaire qui a eu quelques conséquences sur le tournage du film. Celui-ci a été interrompu à deux reprises en 2020 en raison de l’épidémie de la covid-19, différant inévitablement d’un an la sortie prévue initialement pour juin 2021. L’annonce du report tombait en octobre 2020, au grand désespoir des fans de la saga, préparés par des annonces similaires en série tout au long de l’année, notamment chez Universal (Fast & Furious 9, Les Minions 2, Mourir peut attendre...).
Un film à la viralité négative
2022. Le retour à la saga est excitant. Attendu. Fallen Kingdom promettait un lâché de dinosaures sur notre monde, voire une apocalypse de rencontres reptiliennes à une échelle encore inédite pour une saga qui a favorisé les huis clos, du parc à thèmes à l’environnement insulaire. La douche est froide, Jurassic World le monde d’après n’étant qu’une énième resucée du film fondateur de Steven Spielberg en pire au point de se compromettre en devenant l’épisode le plus faible de la double trilogie.
On peut toutefois reconnaître à Universal d’avoir osé la confiance, puisque le studio a proposé le film à la presse, y compris en France, puis au public lors d’avant-premières généreuses, quatre jours avant la sortie, avec le risque de générer une viralité négative sur les réseaux sociaux, qui a bien eu lieu. Le distributeur n’a en effet rien caché de la réalité qualitative de ce mauvais rejeton de la saga, qui est l’œuvre la plus approximative que l’on puisse faire en 2h25 de spectacle non-stop.
Une tension zéro
Employant les acteurs Sam Neill et Laura Dern pour incarner à nouveau les personnages historiques du premier Jurassic Park, Colin Trevorrow, réalisateur peu inspiré, piètre scénariste et producteur gourmant, ne capitalise pas sur ce qu’il y avait de vraiment solide aux racines du phénomène dont on retient encore, trente ans après, la précision des premières images numériques qui étaient révolutionnaires, et du féroce appétit du thriller reptilien par le réalisateur des Dents de la mer. Toutes les qualités des films passées sont balayées par un cinéaste empoté qui ne sait plus comment traiter un script bordélique qui mélange bien des genres (l’aventure, l’action, le film familial, la science-fiction génétique), abordés parfois comme on traiterait un James Bond, mais en s’écartant le plus possible du blockbuster catastrophe, de l’horreur ou du moins du thriller d’épouvante que l’on était venu chercher et qui servait de liant à tous les numéros de la franchise.
La chute de tension concerne l’ensemble de Jurassic World le monde d’après qui trahit ses promesses dès son incipit, résumé catastrophiste de l’état de la planète envahie par des dinosaures. Les migrants du jurassique ont investi les villes, les campagnes, et se sont répandus dans le monde entier, pillant les terres humaines où la biodiversité ne parvient déjà plus à subsister. Quelques inserts impressionnants de dinosaures divers et variés, aériens, terrestres ou aquatiques, donnent un aperçu succinct de ce que le film aurait pu être, mais rien de plus que ce que l’on aperçoit dans la bande-annonce et les photos promotionnelles qui se sont empressées d’exploiter ces fantasmes de cinéma qui ne resteront qu’à l’état d’embryon.
Un casting mal exploité, sans aucun charisme
En lieu et place de ce que le spectateur était en droit d’attendre, Jurassic World le monde d’après (titre français bien éloigné de ce que l’original, Dominion, implique) offre un spectacle pataud, habité par des personnages sans charisme, des premiers aux seconds rôles. Il est ainsi impossible d’épargner Chris Pratt, endive devant l’éternel devenu grand médiateur face aux monstres qu’il repousse de sa main inlassablement levée, ou Bryce Dallas Howard dont l’évolution physique de film en film est plus rapide que celle des dinosaures sur toute une ère. De leur jeu approximatif, ces deux-là essaient d’insuffler des sentiments parentaux à une intrigue également axée sur la jeune fille clonée de Fallen Kingdom qui libérait les animaux, devenant des substituts de parents parmi les pires que le cinéma Amblin Entertainment puisse offrir. Jurassic World le monde d’après explore effectivement bien des pistes, mais aucunes qui puissent être satisfaisantes, notamment dans la trame des expériences scientifiques et industrielles qui vont nous replonger dans le huis clos du parc à bestioles, après quelques séquences plus libres, mais tout aussi médiocres, comme à Malte.
Jurassic World le monde d’après, accident industriel ou incident de parcours?
Rien n’est à sauver dans ce 6e opus à hauteur d’enfant de la saga Jurassic Park, ni le ton, ni le rythme, ni le script, ni le jeu des acteurs, ni même la réalisation dépourvue de toute vision et de construction. Vous nous excuserez pour la litanie volontaire. Même les nombreux dinosaures déambulent sans but dans ce cache-misère où les effets spéciaux alternent le bon et les ratés, en particulier dans les incrustations, empêchant le spectateur de pleinement profiter d’un spectacle carnassier qui n’aura tout simplement jamais lieu.
Jadis cinéma de monstre, Jurassic Park est devenu un embarrassant divertissement familial qui relève plus de l’accident industriel que de l’incident de parcours.
Sorties de la semaine du 8 juin 2022
La franchise Jurassic World
Biographies +
Colin Trevorrow, Chris Pratt, Laura Dern, Omar Sy, Jake Johnson, Bryce Dallas Howard, Campbell Scott, Jeff Goldblum, Sam Neill