Depardieu incarne un Maigret plus humain dans ce film de Patrice Leconte qui jouit d’une belle photographie, mais pâtit d’une intrigue banale. Correct, mais pas passionnant.
Synopsis : Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime…
Retour à Simenon pour Patrice Leconte, après Monsieur Hire
Critique : Cela faisait maintenant plus de huit ans que Patrice Leconte semblait avoir abandonné le cinéma, depuis la comédie Une heure de tranquillité (2014) avec Christian Clavier. En réalité, le réalisateur a essentiellement travaillé pour la télévision durant cette période, avant que l’idée de revenir à Georges Simenon ne s’impose à lui et son complice Jérôme Tonnerre. Pour mémoire, Simenon a offert à Patrice Leconte son plus beau film avec Monsieur Hire (1989) et donc tous les espoirs étaient permis avec ce retour de Maigret sur le grand écran.
© 2022 Ciné@ – F Comme Film – SND Groupe M6 – Scope Pictures / Photographie : Pascal Chantier. Tous droits réservés.
Effectivement, cela fait plus de cinquante ans que le personnage n’a pas été l’objet d’un film de cinéma car il a été surexploité à la télévision, dans de multiples séries, aussi bien françaises qu’étrangères. Souhaitant revenir au personnage, Patrice Leconte a écouté la suggestion de son coscénariste Jérôme Tonnerre en lisant Maigret et la jeune morte, livre datant de 1954 et marqué par une certaine noirceur de ton. De quoi immédiatement convaincre Leconte qui voulait aborder le personnage sous un angle plus humain. Déjà adapté quatre fois à la télévision, Maigret et la jeune morte n’a d’ailleurs jamais fait l’objet d’une version cinéma.
La première collaboration de Leconte et de Depardieu
Initialement prévu pour Daniel Auteuil, le rôle est finalement confié à Gérard Depardieu, ce qui permet à Patrice Leconte de rencontrer ce monstre sacré pour la première fois. Désireux de créer une œuvre sombre qui serait comme le chant du cygne d’un monde en voie de disparition, Patrice Leconte a particulièrement soigné la photographie, confiée à l’excellent Yves Angelo. Ils livrent ainsi des images brumeuses qui conviennent parfaitement à la retranscription d’une atmosphère de fin du monde, ou du moins du crépuscule d’une vie arrivée en bout de course.
Parfait pour incarner cet homme revenu de tout, Gérard Depardieu trimbale sa carcasse massive en soufflant comme un bœuf. Sa seule allure parvient à signifier le poids des années et des malheurs qui pèsent sur le commissaire dont on suppose qu’il a eu une fille. On ne saura jamais si celle-ci est morte ou seulement partie loin du foyer, mais l’absence de cette progéniture marque l’intégralité du film de son empreinte indélébile.
© 2022 Ciné@ – F Comme Film – SND Groupe M6 – Scope Pictures / Photographie : Pascal Chantier. Tous droits réservés.
Ainsi, lorsque Maigret est chargé de l’enquête à propos d’une jeune fille retrouvée morte, celui-ci tente de comprendre les raisons qui peuvent pousser une oie blanche à quitter le foyer pour se risquer à la capitale. Dans ses pérégrinations, il fait notamment la connaissance d’une jeune fille jouée avec talent et autorité par Jade Labeste. Celle-ci l’aidera à comprendre la psyché de la victime, mais aussi lui servira d’appât pour piéger le(s) meurtrier(s). Tout ceci place donc Maigret dans la catégorie des policiers psychologiques et non fondés sur une intrigue qui proposerait une enquête passionnante et pleine de rebondissements.
Un film d’ambiance soigné, mais sans intrigue forte
Dans Maigret tout est donc question d’ambiance et celle-ci est plutôt soignée grâce à une photographie maîtrisée et une bonne atmosphère musicale tissée par Bruno Coulais. On est également convaincu par la direction d’acteurs – toujours le point fort de Patrice Leconte – qui offre de beaux seconds rôles à Aurore Clément et au regretté André Wilms. Par contre, Patrice Leconte revient à l’un de ses tics de mise en scène devenu récurrent ces dernières années, à savoir une certaine instabilité du cadre – caméra à l’épaule – et surtout la désagréable habitude d’effectuer des petits zooms ou des recadrages au sein du même plan qui abîment les efforts effectués par le directeur de la photo et rendent la mise en scène plus aléatoire et moins maîtrisée.
Maigret donne bien au personnage une dimension plus humaine, mais on peut toutefois regretter que l’intrigue d’origine soit si simpliste. Désormais habitués à des twists tortueux, pas sûr que les spectateurs contemporains se passionnent pour une enquête somme toute très banale et dont on devine le ou les coupables dès le début. Et si finalement Maigret et la jeune morte était un roman qui appelait justement le petit écran et non la magie du grand large ? C’est la question que l’on se pose à la sortie de ce film de bonne tenue, mais qui sent un peu trop la naphtaline.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 23 février 2022
Maigret au cinéma
© 2022 Ciné@ – F Comme Film – SND Groupe M6 – Scope Pictures / Affiche : Rysk. Tous droits réservés.
