Ni comédie drôle, ni film d’horreur, L’année du requin hésite sans cesse et finit par décevoir sur tous les plans. Le spectacle manque furieusement de mordant.
Synopsis : Maja, gendarme maritime dans les landes, voit se réaliser son pire cauchemar : prendre sa retraite anticipée ! Thierry, son mari, a déjà prévu la place de camping et le mobil home. Mais la disparition d’un vacancier met toute la côte en alerte : un requin rôde dans la baie ! Aidée de ses jeunes collègues Eugénie et Blaise, elle saute sur l’occasion pour s’offrir une dernière mission…
Un film de genre qui hésite sans cesse sur le ton à adopter
Critique : Amoureux du cinéma de genre à l’américaine, les frères Boukherma ont fait leurs armes avec le film de loup-garou décalé Teddy (2021) qui était prometteur, mais qui souffrait déjà du syndrome typique des Français, à savoir la volonté de mêler l’horreur à la comédie. Avec leur second effort intitulé L’année du requin (2002), les deux frangins abordent un genre qui a été abîmé depuis plus de deux décennies par une kyrielle de produits vidéo totalement Z du type Sharktopus vs. Whalewolf (O’Neill, 2015), un exemple parmi des dizaines et des dizaines de titres.
Avec L’année du requin, les deux frères voulaient initialement revenir à l’essence de ce type de spectacle, prenant notamment exemple sur l’architecture narrative des Dents de la mer (Spielberg, 1975). Pourtant, ils décident de situer leur histoire dans un Sud-ouest français fantasmé et ajoutent de nombreux éléments décalés qui tirent le film vers la parodie, ou tout du moins le pastiche. Il est effectivement difficile de prendre au sérieux une œuvre mettant en scène des personnages incarnés par Kad Merad ou encore Jean-Pascal Zadi. Même Christine Gautier hérite d’un personnage de gendarmette caricatural. Dès lors, seule Marina Foïs semble prendre son rôle vraiment au sérieux en jouant au premier degré cette gendarme qui refuse de prendre sa retraite afin de traquer le requin tueur.
Un squale qui cale
En fait, le métrage pourrait être découpé en deux parties distinctes, avec une première heure plutôt centrée sur la description d’une petite station balnéaire de province particulièrement plouc. Les différents personnages ne cessent de se faire le relais de la pensée complotiste qui gangrène la France de ces dernières années. On se croirait finalement davantage dans un film de Jean Girault (la saga des Gendarmes) que dans un film de genre qui se voudrait un hommage au travail de Spielberg.
Durant cette première partie, le spectateur sourit de temps à autre, mais point de grand éclat de rire puisque les auteurs ne poussent jamais le curseur assez loin. Là où un Bruno Dumont a su dynamiter la comédie française classique avec Ma Loute (2016) qui osait la surenchère jusqu’à une éventuelle overdose, L’année du requin reste étonnamment sage. Le même problème intervient dans la deuxième partie qui se veut davantage centrée sur le suspense. Il est effectivement trop tard pour susciter l’angoisse chez le spectateur qui a déjà décroché. La traque est bien trop molle et les attaques du squale trop rares pour que l’on s’intéresse vraiment aux quelques rebondissements.
Le requin a les dents émoussées
Certes, on remercie les deux auteurs d’avoir opté pour un animatronique afin de signifier la présence du requin, mais celui-ci n’apparaît quasiment jamais à l’écran et la totalité des attaques et des morsures sont filmées hors champ. Cela ne peut que provoquer la frustration devant ce qui n’est finalement ni une comédie franchement drôle, ni un film d’horreur efficace. En fait, en ne choisissant jamais le ton à adopter, les deux frères sont perdants sur tous les fronts.
En l’état, L’année du requin est avant tout un film inutile qui manque définitivement de mordant. Un comble.
Critique de Virgile Dumez
Box-office :
Avec 140 000 entrées, L’année du requin a sombré dans les profondeurs du box-office français. En dépit d’une féroce promo digitale, l’OFNI, considéré comme raté par la presse, a pourtant bénéficié d’une visibilité que d’aucuns jugeront comme excessive : 495 écrans en première semaine, 536 en deuxième salle.
La première semaine sera effroyable, avec 79 534 spectateurs courageux qui n’avaient peut-être pas vu le premier long des frères Boukherma, Teddy. Rien ne pourra enrayer le plongeon dans les abîmes (-50% en deuxième semaine, – 59% en semaine 3, – 74% en 4e semaine où le requin n’a plus que des miettes de touristes à dévorer, à savoir 4 261 spectateurs dans 265 cinémas).
Les flops de l’année 2022
Sur la capitale, la comédie tiendra 6 semaines grâce à quelques séances au Brady. Il aura pourtant profité d’une fulgurante combinaison en première semaine sur 23 sites. Seul l’UGC Ciné Cité les Halles ne pourra ameuter plus de 1 000 spectateurs par écran cette semaine-là. Trois semaines plus tard, L’année du requin en est réduit à 9 cinémas sur la capitale. En semaine 4, les 6 cinémas le programmant n’ont que quelques séances par semaines à lui consacrer. Aucun ne dépasse les 60 spectateurs par écran sur une capitale restée totalement hermétique à ce pastiche que ses producteurs ont espéré sortir à un moment opportun de plage et de soleil.
Sur ce projet, tout le monde s’est trompé. Des réalisateurs aux producteurs, des exploitants au distributeur, jusqu’aux spectateurs qui ont détesté la séance (voir sa moyenne sur IMDB et Allociné) et ont donc opté pour le mauvais choix de toile, le fiasco aura été total.
Seule éclaircie à ce piteux palmarès, le budget que l‘on dit de 4 500 000 euros. Plutôt bas – ce qui est visible à l’écran -, celui-ci évitera à cette comédie au goût amer de finir au plus bas du tableau annuel des œuvres françaises les plus ou moins rentables.