Avec son scénario absurde de bout en bout et ses personnages creux, Moonfall est un sommet de crétinerie dont on ne sauvera que les scènes de destruction, toujours très impressionnantes. Attention, nanar !
Synopsis : Une mystérieuse force a propulsé la Lune hors de son orbite et la précipite vers la Terre. L’impact aura lieu dans quelques semaines, impliquant l’anéantissement de toute vie sur notre planète. Jo Fowler, ancienne astronaute qui travaille pour la NASA, est convaincue de détenir la solution pour tous nous sauver, mais seules deux personnes la croient : un astronaute qu’elle a connu autrefois, Brian Harper, et un théoricien du complot, K.C. Houseman. Ces trois improbables héros vont tenter une mission impossible dans l’espace… et découvrir que notre Lune n’est pas ce que nous croyons.
Roland Emmerich persiste et signe dans la destruction massive
Critique : Les années passent et le cinéaste Roland Emmerich semble inoxydable, toujours aussi passionné par la science-fiction et les films catastrophe qu’il y a maintenant plus de trente ans lorsqu’il dégoupillait son Moon 44 (1990) tourné dans sa patrie d’origine, l’Allemagne. Si l’on sent toujours l’amour du cinéaste pour des sujets improbables, celui-ci n’a jamais évolué d’un iota dans sa conception du cinéma. Malgré les critiques qui ont toujours porté sur son incapacité à créer des intrigues plausibles et des personnages qui ne soient pas de simples caricatures, Emmerich persiste dans ses erreurs avec une constance qui laisse pantois. Autant le dire tout de suite, ce n’est pas avec Moonfall que le cinéaste va se racheter une réputation auprès des cinéphiles les plus exigeants.
La première séquence dans l’espace est symptomatique du système Emmerich : des astronautes travaillent dans le grande vide spatial sur un satellite en faisant des blagues pourries et en écoutant une chanson de Toto. Le ton est posé dès cette entame totalement improbable, suivie par une impressionnante séquence qui reprend le style développé dans Gravity (Cuaron, 2013). Ainsi, dès les premières minutes, Moonfall souffle le chaud et le froid en mêlant redoutable efficacité de l’action et absurdité totale des personnages et des situations. Bienvenu dans cet univers parallèle qui n’existe que dans le cinéma de Roland Emmerich!
Des personnages creux pour un discours populiste
La suite est à l’avenant, avec une première heure d’exposition où le postulat délirant est encore vaguement soutenu par une tentative d’explication scientifique. Il va toutefois falloir supporter des personnages qui ne sont que des enveloppes vides, débitant des fadaises ou des phrases sentencieuses qui font inévitablement sourire. Bien entendu, le cinéaste n’a pas pu s’empêcher d’intégrer à son intrigue un geek complotiste (incarné avec une certaine stature par John Bradley) qui est en réalité un petit génie (ben voyons !). Ce protagoniste s’avère profondément problématique puisqu’il vient valider l’idée que les scientifiques académiques nous mentent et que seuls des dilettantes géniaux peuvent être le salut de l’humanité. Où comment conforter le public dans des idées populistes éminemment dangereuses.
Toutefois, cela serait faire trop d’honneur au film que d’y déceler un propos vraiment construit, tant le scénario aligne les énormités à la vitesse d’un pachyderme au galop. Dans sa deuxième heure notamment, le long-métrage devient un incroyable fatras de séquences toutes plus absurdes les unes que les autres. Peu importe que le geek ne soit pas astronaute, il peut supporter un voyage spatial sans aucun entrainement. Peu importe que la technologie utilisée par la mission de sauvetage n’ait pas été utilisée depuis des années, puisque tout fonctionne parfaitement. Et si les héros sont en très mauvaise posture, Emmerich trouve la parade en coupant la scène en plein milieu à l’aide d’une ellipse qui nous permet de retrouver les personnages sains et saufs par la grâce du saint scénariste.
Des ambitions contredites par un script invraisemblable
A ce niveau, ce n’est plus de la suspension d’incrédulité dont il faut faire preuve. Rédigé par un grand gamin qui aurait 12 ans d’âge mental, le script est à ce point invraisemblable que les héros ne cessent de clamer que ce qu’ils font est tout bonnement impossible. A se demander si c’est un clin d’œil de la part du cinéaste, ou du cynisme pur et dur. Certes, on voit bien ce qui motive Emmerich dans ce Moonfall, à savoir retrouver un certain esprit d’innocence comme on pouvait en déceler dans les œuvres littéraires d’un Jules Vernes. Et de fait, certaines idées, bien que saugrenues, pouvaient être intéressantes sur le papier, d’autant que le réalisateur a tout de même l’ambition de nous raconter les origines de l’espèce humaine.
Malheureusement, son traitement sans nuance, sans application et consternant de crétinerie ne peut jamais aboutir à un spectacle pour adultes. Il reste alors à admirer les impressionnantes séquences de destruction, dont un raz-de-marée, une pluie de météores et des destructions de cités entières. On peut également sauver de l’ensemble l’exploration des entrailles de la Lune qui donne lieu à des plans de toute beauté. Assurément sincère dans sa démarche et désireux d’en mettre plein la vue, Roland Emmerich en donne pour son argent au public venu assister à des catastrophes en série. Mais comme d’habitude, il oublie l’essentiel : rien ne peut vraiment nous faire frissonner si les personnages impliqués nous indiffèrent. D’autant que ces destructions massives sont toujours dépourvues du moindre cadavre. Ainsi, on a la désagréable impression que le monde entier est déjà désert lorsque les calamités s’abattent sur la planète.
Voyage au centre de la Lune… et du néant scénaristique
Pire, il n’y a quasiment aucune victime parmi la pléthore de personnages principaux qui se tirent de situations impossibles de manière surréaliste – et sans égratignure. Gros nanar ayant coûté plus de 150 millions de dollars, Moonfall n’est pas nécessairement pire que les autres longs-métrages du réalisateur, mais il ne le réconciliera pas non plus avec ses détracteurs habituels qui ne verront dans cette série B boursouflée qu’une énième manifestation de son incapacité à s’intéresser à la narration d’une histoire bien charpentée. Finalement, le spectacle s’avère plutôt drôle, mais au quinzième degré. Gageons que ce n’était pas le but initial du réalisateur !
Critique de Virgile Dumez