Adieu Monsieur Haffmann est une bonne adaptation d’une pièce intéressante et bien écrite, jouée par des acteurs formidables. Dommage que la réalisation soit si académique.
Synopsis : Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois personnages….
Une pièce de théâtre à succès librement adaptée
Critique : Librement adapté de la pièce éponyme de Jean-Philippe Daguerre qui a obtenu pas moins de quatre Molière en 2018, Adieu Monsieur Haffmann n’est pas totalement fidèle au texte d’origine. Effectivement, le cinéaste Fred Cavayé voulait avant tout raconter l’histoire d’un collaborateur au cours de la période de l’Occupation entre 1941 et 1942. Pour cela, il a donc fait évoluer les rapports entre les personnages différemment de ceux de la pièce, toujours avec l’accord de Jean-Philippe Daguerre, son ami dans la vie.
© 2021 Vendôme Production – Daï Daï Films – Pathé – Orange Studio – France 2 Cinéma – Belga Productions / Photo : Julien Panié. Tous droits réservés.
Pourtant, le point de départ est similaire puisque l’on retrouve ici un bijoutier juif qui offre à son apprenti (français de souche) de reprendre sa boutique tandis que lui s’enfuit avec sa famille dans la zone libre. Malheureusement, le bijoutier ne peut quitter Paris à temps et doit rester planqué dans la cave de sa boutique durant plusieurs mois, avec la complicité de son apprenti et de son épouse. Dès lors s’instaurent des relations tendues et ambiguës entre ces trois personnages qui rien ne disposait à cohabiter.
Un huis-clos tendu entre trois personnages bien écrits
Fondé sur un huis-clos qui trahit l’origine théâtrale du projet, Adieu Monsieur Haffmann parvient à ne jamais ennuyer grâce à un scénario particulièrement bien écrit et qui suit l’évolution psychologique de chaque protagoniste avec beaucoup de soin. Si le bijoutier incarné par Daniel Auteuil est sans aucun doute le moins intéressant du trio puisque cet homme reste un bloc de détermination durant l’intégralité du film, c’est le couple formé par Gilles Lellouche et Sara Giraudeau qui emporte la mise. Effectivement, alors que le personnage de François Mercier apparaît d’abord comme altruiste et héroïque dans sa volonté de planquer son ancien patron, ses failles multiples se dévoilent petit à petit.
© 2021 Vendôme Production – Daï Daï Films – Pathé – Orange Studio – France 2 Cinéma – Belga Productions / Photo : Julien Panié. Tous droits réservés.
Ainsi, à mesure que la situation se corse, les décisions de cet homme qui n’a jamais eu la moindre chance dans la vie (il est handicapé et n’arrive pas à faire un enfant à sa femme, ce qui en fait moins qu’un homme dans sa tête) vont se faire de plus en plus douteuses et néfastes. Alors qu’il se sent rejeté par les autres, il tombe par hasard sur un commandant allemand à l’allure sympathique (excellent et charismatique Nikolai Kinski), ce qui va le pousser dans les bras d’une collaboration qui ne dit pas son nom. Face à lui, sa femme incarnée avec talent par Sara Giraudeau, laisse d’abord apparaître une certaine fragilité, mais celle-ci va justement s’affirmer et prendre position contre son propre mari dont elle condamne les actes.
Une réalisation qui s’efface un peu trop
Porté par ce trio impeccable auquel on peut donc ajouter la contribution de Nikolai Kinski, Adieu Monsieur Haffmann bénéficie donc d’une belle justesse de ton et d’écriture, tout en proposant une reconstitution d’époque convaincante. On notera d’ailleurs que le tournage a été interrompu deux semaines avant la fin par la crise de la Covid-19, laissant en place pendant toute la durée du confinement les décors qui recouvraient les façades des rues de Montmartre. Même s’il s’agit d’un choix volontaire de la part de Fred Cavayé qui assume un certain statisme de la réalisation, on peut toutefois être un peu déçu par cette option qui tend à rendre le film plus académique.
Lui qui a su filmer mieux que quiconque la tension dans ses premiers thrillers comme Pour elle (2008), A bout portant (2010) et Mea Culpa (2014), échoue ici à rendre le suspense palpable. Fred Cavayé fait ici uniquement confiance en la puissance du texte et dans le jeu de ses acteurs. Une position louable, certes, mais qui peut sembler un brin paresseuse. On ne retiendra donc effectivement du long-métrage qu’une histoire intéressante et la prestation particulièrement brillante des acteurs, Gilles Lellouche en tête, une fois de plus remarquable après sa performance inoubliable dans BAC Nord (Jimenez, 2021).
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 12 janvier 2022
© 2021 Vendôme Production – Daï Daï Films – Pathé – Orange Studio – France 2 Cinéma – Belga Productions / Design : Rysk / Photo : Julien Panié. Tous droits réservés.