Brillante reconstitution du débarquement du 6 juin 1944, Le jour le plus long donne encore aujourd’hui le frisson grâce à l’ampleur des moyens logistiques et à son vibrant hommage rendu aux combattants de la liberté.
Synopsis : L’évènement militaire qui va mettre fin à la Seconde Guerre mondiale : le débarquement en Normandie par l’armée américaine.
Le pari fou d’un producteur mégalo
Critique : Il est de bon ton lorsqu’on parle du Jour le plus long d’évoquer sa formidable logistique et d’insister sur le côté mégalomaniaque de l’entreprise de Darryl F. Zanuck, producteur et véritable maître d’œuvre de cet impressionnant défi cinématographique. C’est oublier un peu vite le contexte du début des années 60 où la télévision concurrence sérieusement le cinéma.
Dès lors, Zanuck est persuadé que pour attirer les foules en salles, il faut investir dans des grosses productions avec des stars et un format cinémascope. Il pousse sa logique à son paroxysme avec cet hommage appuyé envers tous ceux qui ont participé au débarquement allié le 6 juin 1944. Il mobilise trois metteurs en scène, pas moins de 48 stars internationales, un budget colossal de 10 millions de dollars (soit presque l’équivalent de 100 millions de dollars de nos jours), un tournage de plus de 10 mois pour un triomphe au box-office atteignant à l’époque plus de 50 millions de dollars de recettes mondiales (quasiment 500 millions de billets verts d’aujourd’hui). Le producteur jouait gros puisqu’à la même époque se déroulait aussi le tournage dispendieux de Cléopâtre (Mankiewicz, 1963) qui allait faire mal aux finances du studio.
Le résultat est une fidèle reconstitution historique
Cette entreprise dantesque tend finalement à faire oublier les qualités réelles du produit fini. Effectivement, si l’on met de côté l’aspect démesuré de l’entreprise et le défilé de stars, Le jour le plus long (1962) s’impose comme une magnifique reconstitution historique, plutôt fidèle malgré quelques éléments davantage romancés. L’opération Overlord est retranscrite dans ses moindres détails au sein des différents états-majors, mais aussi sur les différents terrains d’action. Malgré la complexité du dispositif, le spectateur, grâce à la présence de visages familiers, n’est jamais perdu.
De l’action des parachutistes, en passant par le massacre d’Omaha Beach, la prise spectaculaire de Ouistreham ou encore la débandade des armées allemandes, rien n’est oublié dans ce modèle du film de guerre. Malgré une durée imposante, le spectacle intéresse toujours et captive même lors des nombreux assauts. Certaines séquences donnent le frisson, comme ce magnifique plan séquence de la bataille de Ouistreham où l’on se plaît à imaginer le délire logistique mis en place pour nous plonger au cœur des combats.
Des acteurs particulièrement bien choisis
Le casting est intelligemment effectué si bien que chaque acteur incarne un personnage de sa propre nationalité et s’exprimant dans sa langue maternelle : Bourvil est un Français moyen typique, John Wayne est l’incarnation de l’Américain, Curd Jürgens un Allemand digne, Richard Burton un Anglais shakespearien et Sean Connery un Ecossais pur jus. De quoi rendre crédible une œuvre qui insiste aussi sur les difficultés des opérations, ainsi que sur les erreurs stratégiques.
Même si la peur des soldats est moins prégnante que dans Il faut sauver le soldat Ryan, elle est tout de même évoquée au détour de quelques dialogues. Finalement, cette méga production souvent critiquée pour son absence totale de psychologie (ce qui est vrai) est surtout une grandiose reconstitution d’un jour mémorable, doublée d’un hommage nécessaire envers tous ceux qui ont lutté parfois jusqu’à la mort pour la liberté.
Le plus gros succès de l’année 1962 aux Etats-Unis et en France
Sorti en grande pompe sur la plupart des territoires dès 1962, Le jour le plus long a écrasé la concurrence et s’est imposé comme le grand triomphe annuel. Ainsi, le long-métrage a été numéro 1 de l’année aux États-Unis, permettant ensuite au film de gagner deux Oscars techniques (meilleure photographie et meilleurs effets spéciaux). En France aussi, le métrage a terminé numéro 1 annuel avec plus de 11 millions d’entrées.
La semaine de sa sortie parisienne, Le jour le plus long sort en exclusivité dans deux salles et crée l’événement avec 17 519 entrées à l’Ambassade et 26 611 entrées au Richelieu. Le même dispositif est conservé pour la deuxième semaine avec 25 635 entrées au Richelieu et 17 520 entrées à L’Ambassade, ce qui offre près de 90 000 entrées à Paris en quinze jours dans seulement deux salles.
Où voir Le jour le plus long à Paris en 1962 ?
Du coup, les deux cinémas conservent leur exclusivité et lors de la quatrième semaine, ils font encore 25 670 entrées au Richelieu et 17 460 entrées à l’Ambassade. En un mois, le film approche les 200 000 tickets dans deux salles. Le système fonctionnant parfaitement, les deux cinémas continuent à garder leur exclusivité durant toutes les fêtes de Noël et du jour de l’an. Vers la fin du mois de janvier 1963, Le jour le plus long franchit la barre des 500 000 guerriers, toujours scotché dans ses deux seules salles. Il faut attendre la fin mars 1963 pour que le long-métrage gagne enfin une salle supplémentaire.
Sur l’ensemble de la France, c’est véritablement à partir de la semaine du 6 novembre 1962 que le film débarque massivement dans les salles provinciales, arrachant ainsi une première place impressionnante. Le jour le plus long reste ensuite en tête du box-office durant sept semaines d’affilée, avant d’être détrôné par la reprise d’un Disney (Blanche-Neige et les sept nains) et d’un autre film avec John Wayne : Hatari (Hawks). Toutefois, la fresque guerrière n’a pas dit son dernier mot et retrouve la première place du classement la semaine du 15 janvier 1963 et ceci pour cinq nouvelles semaines consécutives. Un triomphe !
L’exploitation la plus longue
Vers fin février, l’increvable métrage reprend la 1ère place du classement et s’accroche à nouveau à cette position pendant un mois. Fin mai 1963, l’insubmersible dépasse les 5 millions d’entrées sur le territoire français, mais n’a pas dit son dernier mot. Effectivement, durant l’été 1963, le film de guerre récupère sa première place du box-office hexagonal et ceci pendant 8 semaines consécutives. A l’issue de sa première exploitation parisienne, l’événement est numéro 1 annuel avec 826 869 entrées.
Tout juste un an après sa première sortie en salles, Le jour le plus long est toujours présent dans les dix premières places du box-office français, tenant ainsi du pur phénomène. Il est relancé une dernière fois durant les fêtes de fin d’année 1963 et termine ainsi sa carrière avec un score faramineux qui sera encore gonflé par de multiples reprises au cours des décennies suivantes, notamment pour le 25e anniversaire du Débarquement, en 1969, ou à l’occasion de la 40e célébration en 1984. Le chef d’œuvre atteint alors un total définitif de près de 12 millions de spectateurs. On notera que la reprise de 1974, année où le classique est alors âgé de 12 ans, hisse le film de guerre au-dessus des 11 millions de spectateurs et lui permet d’occuper la première place française pendant une semaine.
Une ultime reprise très discrète aura lieu pour les 70 ans du Débarquement, en 2014. Cette fois-ci, le film disponible en blu-ray et DVD ne compte plus que 1 384 spectateurs dans 17 cinémas. Une bagatelle pour un tel monument du 7e Art.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 octobre 1962
Acheter le film en blu-ray
Voir le film en VOD
Biographies +
Bernhard Wicki, Andrew Marton, Darryl F. Zanuck, Ken Annakin, Rod Steiger, Sean Connery, Robert Mitchum, Richard Burton, Ron Randell, Leo Genn, Bourvil, Bernard Fresson, Georges Wilson, Jean Servais, Daniel Gélin, Henry Fonda, Arletty, Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault, John Wayne, Robert Ryan, Roddy McDowall, Georges Rivière, Wolfgang Preiss, Robert Wagner, Edmond O’Brien, Stuart Whitman, Mel Ferrer, Gert Fröbe, Alexander Knox, Donald Houston, Christian Marquand, Jack Hedley, Curd Jürgens, Mark Damon, Eddie Albert, Hans Christian Blech, Fernand Ledoux, Edward Meeks, John Meillon, George Segal, Irina Demick, Steve Forrest, Norman Rossington