Madeleine de Proust au pouvoir de persuasion insensé, Recherche Susan, désespérément parfois intitulé en France Recherche Susan désespérément, donc sans la virgule, est la comédie new-yorkaise qui créa la surprise au box-office mondial et révéla Madonna punkette au cinéma. Ce parangon de l’esprit fougueux et insolent des années 80 est l’hymne d’une époque bien au-delà de son tube en boîte, Into the Groove, c’est celui d’une génération, d’une ville qui s’épanouissait dans la décrépitude. Un bijou.
Synopsis : Pour se divertir, une jeune femme bon chic, bon genre, lasse de sa vie trop facile, emprunte l’identité d’une marginale traquée par des tueurs.
Mariée à un homme d’affaires, Roberta Glass s’échappe de sa vie aisée et morne, en lisant des petites annonces aux sous-entendus mystérieux, telle que celle-ci : « Recherche Susan, désespérément ». Intriguée, Roberta se rend au rendez-vous, afin d’épier les retrouvailles entre ces inconnus. Fascinée par Susan, elle suit la jeune femme délurée, possédant de coûteuses boucles d’oreilles volées à un amant de passage, assassiné peu après. En achetant à un fripier la veste de Susan, elle entre en possession d’une clef de consigne que de patibulaires truands entendent bien récupérer. Dez, un projectionniste de cinéma, se porte heureusement à son secours…
Critique : Tout début des années 80. Léora Barish, future scénariste de Basic Instinct 2 qui allait également collaborer avec Chantal Akerman sur la comédie musicale avec Lio Golden Eighties (1986), essaie désespérément de vendre un script à Hollywood. Le script est bon ; il interpelle. Il provoque surtout des réticences que l’on qualifierait de masculines. Une histoire de femmes où les hommes ne seraient que périphériques ? Cela n’existait pas à Hollywood. Pourtant, Recherche Susan, désespérément se fera grâce à deux productrices, Midge Sanford et Sarah Pillsbury qui y trouvent une alternative facétieuse aux sempiternelles péripéties masculines et aux buddy movies qui inondaient les écrans.
Elles convainquent la réalisatrice Susan Seidelman de s’approprier le projet en 1983. La jeune cinéaste, à l’instar de son homologue Penelope Spheeris qui surgit à la même époque d’un milieu punk (Suburbia pour Spheeris, en 1984), sort d’une formidable sélection au festival de Cannes, en 1982, où elle était la seule femme en compétition dans la Sélection Officielle. Pour un premier film, Smithereens avait réussi un coup de maître.
Madonna dans Recherche Susan, désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Susan Seidelman ne ressent aucune réticence à accepter Recherche Susan, désespérément qui entre dans son champ de bataille féministe : elle se bat pour exercer dans un domaine où être femme est une exception. Elle trouve dans le script des accointances avec le film culte de Jacques Rivette Céline et Julie vont en bateau (1974), qui, effectivement, influença beaucoup Léora Barish jusque dans des emprunts narratifs.
Un fleuron du cinéma new-yorkais indépendant des années 80
Quand Orion Pictures (les Woody Allen des années 80, RoboCop, Le silence des agneaux) valide la production en 1984, c’est l’effervescence dans l’East Village de Manhattan qui est au sommet de sa créativité artistique. Après la faillite new-yorkaise des années 70, le « borough » se reconstruit dans des champs de ruines où les bâtiments délabrés sont légion. C’est dans ces bouges qu’habite tout l’esprit bohème de l’époque. Peintres, photographes, musiciens, DJs, réalisateurs… tout ce beau monde profite de la déliquescence ambiante pour s’affirmer dans une indépendance absolue.
Si Recherche Susan, désespérément n’est pas un film indépendant, c’est en tout cas un film qui en a l’image, la texture, y compris sonore (le film ne bénéficie pas de la Dolby Stéréo et doit se contenter d’une copie Mono). La tonalité musicale est évidemment ce qui alimente bien cette proximité foisonnante avec le cinéma indie des années 80, grâce au talent d’un jeune compositeur, Thomas Newman, qui avait deux ou trois B.O. minuscules à son actif, et qui allait devenir l’une des légendes du milieu, notamment en collaborant régulièrement avec Sam Mendes (Skyfall, 007 Spectre, 1917…). Il inoculait toute la magie voulue par la scénariste et Seidelman, déjà présente dans le film de Rivette, pour faire de New York une terre des possibilités, dans les interstices d’une société souterraine qui allait permettre à une bourgeoise qui s’ennuie de s’émanciper. Thomas Newman annonçait les bandes originales d’Hal Hartley (Trust Me) et se nourrissait du terreau local, celui de Jim Jarmusch et de son épouse Sara Driver dont l’ombre plane indirectement sur le plateau.
La bande à Jarmusch
Le casting, avec ses seconds rôles et ses multiples figurations, est éminemment bâti autour de figures de l’underground new-yorkais. La fameuse bande à Jarmusch se retrouve dans les caméos de John Lurie, qui vient jusqu’à habiller une scène de son saxo, ou de l’acteur Richard Edson, l’une des vedettes de Stranger than Paradise (1984). On y croise également Tom DiCillo, chef opérateur de Jim qui deviendra lui-même réalisateur culte (Ca tourne à Manhattan, When You’re Strange), mais aussi l’égérie punk du destroy et sous acide Liquid Sky (Anne Carlisle), John Turturro quasi débutant…
Pour le rôle féminin principal, le choix de Rosanna Arquette est une évidence pour le studio. Le téléfilm dramatique The Executioner’s Song a marqué les esprits (1982). La jeune femme, très en vogue dans le milieu, vient de tourner avec Joseph Ruben, Blake Edwards et le (encore) méconnu John Sayles. Surtout, elle porte désormais la caution Martin Scorsese puisqu’elle vient juste d’achever le tournage d’un autre hymne new-yorkais des années 80, After Hours. Canonisée, la Arquette ? Elle est officiellement la vedette du film. Du moins dans le contrat et sur le papier, car la réalité sera tout autre, puisqu’un nom viendra lui faire de l’ombre, la tant recherchée Susan, au sens propre et figurée, Madonna.
Naissance d’une star : un film témoin de l’histoire
Engagée en juillet 1984, la chanteuse pop est alors seulement connue des aficionados, de ces jeunes qui regardent MTV, essentiellement grâce aux titres Holiday ou Lucky Star qui ont été classés dans le top des meilleures ventes de singles en 1983. En juin 1984, peu avant le tournage, elle se retrouve même pour la première fois de sa longue carrière dans le top 10 du Hot 100 avec Borderline.
Recherche Susan désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Pour Susan Seidelman qui voyait en elle l’incarnation même du personnage de son film, cette chanteuse est le choix qui s’impose, mais elle va devoir batailler pour obtenir gain de cause auprès d’Orion qui n’en veut pas. Pourquoi choisir une chanteuse qui n’a jamais joué de sa vie quand les propositions ne manquent pas de toute part. Ellen Barkin, Jennifer Jason Leigh, Kelly McGillis (future star dans Top Gun), Lori Singer (qui sortait du phénomène Footloose) et même la chanteuse Suzanne Vega ont recherché désespérément à devenir Susan, en vain.
Aussi, c’est avec un salaire cinq fois moindre que celui de Rosanna Arquette que Madonna entre en scène. Moins célèbre et incarnant un rôle a priori secondaire, c’est sûrement justifié, mais à l’écran, c’est elle qui fait battre les cœurs et s’approprie avec une force inégalée l’entièreté des louanges.
Un récit féministe porté par une sororité en avance sur son temps
Dans Recherche Susan, désespérément, son personnage insaisissable articule des fantasmes de liberté qui deviennent le carburant du film de Seidelman qui ne semble avoir d’yeux que pour elle. Susan, entre ombre et éclat, est la pierre angulaire du film, l’argument cinématographique pour captiver les désirs et susciter les plaisirs du divertissement. Elle est la femme libre, libérée de toute attache, à la fois fatale et sexy en diable, émancipée de tous les dogmes : elle est indéniablement plus attractive que la timorée femme au foyer, engoncée dans l’ennui que joue Rosanna Arquette, non sans charme au demeurant. D’ailleurs, cette dernière est introduite avec un clin d’œil rétro sur fond du classique de Betty Everett, The Shoop Shoop Sing (It’s in His Kiss) dans le montage américain et One Fine Day par The Chiffons dans le montage européen. Un contraste flagrant des couleurs et de l’environnement s’impose dès les premiers instants entre la domesticité de Roberta et l’affirmation de Susan dans un environnement sans foi ni loi où la femme doit montrer ses griffes pour survivre et traine au début du film dans le lit d’un lascar qui se fait assassiner à son départ, avant de se retrouver elle-même traquée par la pègre en la personne de Will Patton, autre transfuge de ce New York décadent (il était dans Variety, de Bette Gordon, l’un des parangons de cette scène artistique, avec John Lurie à la musique et Tom DiCillo à la photographie).
Madonna dans Recherche Susan désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Madonna, dans toute sa chair et ses rondeurs de femme en pleine maîtrise de sa vie, au carrefour de ses plus grands choix, en impose. Elle capte toutes les attentions. Sa puissance photographique à l’écran est de chaque instant : chacune de ses apparitions à l’écran sont iconiques et ont imprégné l’imagerie du cinéma des années 80. Au-delà du look inspiré par la styliste française Maripol, c’est son charisme, formidable alliage de nonchalance et d’obstination, qui rend Madonna monumentale à l’écran. Elle respire son propre personnage, l’énergie incontrôlable d’une femme née pour la célébrité à qui rien ne pouvait résister. La fiction semble épouser la réalité d’une jeune femme fraichement débarquée dans ce village métropole, déliquescent mais branché, celui des graffitis de Keith Haring ou des peintures de Basquiat, justement deux potes de la jeune femme. Porte-jarretelles et crucifix exposés, des couleurs flashy plein les bottes, elle irradie l’écran, troublante de vérité, jouant de l’analogie entre sa vie de bohème d’avant la gloire et celle du personnage désinvolte qu’elle incarne.
Actrice, chanteuse, ou juste Madonna ? Quand la fiction rattrape la réalité
Madonna-Susan ou Susan-Madonna, chanteuse-actrice ou diva d’un microcosme culturel bouillonnant, la vérité de l’objet de chair et de glam qui s’épanouit à l’écran est immense. Recherche Susan, désespérément ne façonne pas un mythe mais en tout cas l’accompagne dans sa construction et l’accomplissement est de ce fait aussi historique que culturel tant la star Madonna révolutionnera la société américaine en s’imposant comme la superstar féminine indétrônable des années 80 et increvable des décennies à suivre.
A l’époque des méga stars de la chanson qui s’invitent au cinéma (en 1983 Debbie Harry était dans Vidéodrome, en 1985 Prince flambait dans Purple Rain, Tina Turner était du casting de Mad Max 3, David Bowie, bien installé au cinéma, était chez John Landis), Madonna s’applique à travailler pour le grand écran avec un naturel confondant qui obstinément l’écarte des cases, chanteuse/actrice. Et si après tout, elle était juste Madonna.
Madonna dans Recherche Susan désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Un phénomène de société
En l’espace d’un tournage Madonna va devenir un phénomène de société américain, avec la sortie du single Like a Virgin qui va trôner dès le mois de décembre 1984 en tête des charts américains pendant 6 semaines. La jeune ingénue d’un album est devenue une diva dont la sortie du single bouscule les lignes conservatrices qui vont s’appliquer pendant plus de 40 ans à détruire ce qu’elle représente. Provocatrice dans l’âme, la chanteuse leur donne des raisons de la haïr, lors de sa performance en robe de mariée, aux MTV Awards, en octobre 1984. La future Susan se prélasse sensuellement sur scène avec son micro… Un game-changer pour la pop culture aux USA. Le tournage même de Recherche Susan, désespérément ne s’en remettra pas, avec des besoins de sécurité et des anecdotes par milliers sur un plateau où tout changeait de dimension, jusqu’à la sortie de ce film réalisé par une femme, avec deux comédiennes en tête d’affiche, produite par des femmes… Le cauchemar à promouvoir pour un studio lambda de l’époque allait-il devenir de l’or en barre ?
Devant l’ouragan Madonna, Orion précipite la sortie de Recherche Susan, désespérément en mars 1985 dans l’espoir de capitaliser un maximum sur le phénomène de société qu’est Madonna aux USA. Leur crainte ? Sortir le film trop tard, après la chute de ce qui aurait pu être, dans la logique de la pop, une vedette sans lendemain. Une chanteuse pop dans les années 80, avant Madonna, c’était éphémère et le temps était donc compté.
Deux films en salle, une tournée triomphale et des numéros 1 dans les charts, l’ubiquité d’une déesse de la pop
Warner Bros lance sur les écrans américains, en février 1985, Vision Quest d’Harold Becker dans lequel Madonna fait une petite apparition dans un bar où elle interprète deux chansons, dont le tube anglophone Crazy For You (titre vidéo en France pour le film !). Le film sportif avec Matthew Modine et Linda Fiorentino entre en 5e place, victime de la sortie parallèle de The Breakfast Club de John Hugues. Néanmoins, la romance eighties reste quatre semaines dans le top 10 et profite d’une vraie stabilité grâce au caméo de Madonna. Ca commence.
Dans les cinémas américains, Recherche Susan, désespérément est lancé lors du week-end du 29 mars, quinze jours avant le lancement du Virgin Tour de Madonna, sa tournée nationale qui durera un peu moins de trois mois. Le conte de fées est le bon : le film d’Orion bénéficie de l’omniprésence médiatique que Madonna lui offre.
En couverture de tous les magazines, Madonna est aussi numéro un avec son album Like a Virgin, son deuxième single (Material Girl) atteint la 2e place en mars, le single Crazy For You, propulsé dans les charts la semaine de sortie de Recherche Susan se retrouve numéro 1 en avril, après avoir écourté le phénomène d’USA For Africa, We Are The World. En avril, Warner sort un troisième extrait de l’album Like a Virgin, Angel qui va devenir numéro 1, très certainement grâce à son illustre face B, Into the Groove, qui n’est autre que la chanson inédite de Madonna que l’on entend dans la scène de club de Recherche Susan, désespérément.
Les radios doivent gérer cinq tubes de Madonna en moins de 6 mois et Into the Groove n’est pas là pour faire de la figuration. Bien que titre de bande originale, il devient l’épitome de la carrière « dance » de Madonna, un tube ultime qui lui permettra de battre ses propres records, et l’un de ses plus emblématiques.
Madonna dans Recherche Susan désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Dans ce contexte, la promotion de Recherche Susan, désespérément devient facile pour Orion qui n’organise pourtant pas de previews. Dans le meilleur des cas, si le film ne plaît pas à la presse et aux adultes, il pourra toujours servir de film backstage pour les Madonna Wannabes qui, effectivement, l’accompagneront tout au long de la tournée américaine de la star, même si, de par ses thématiques adultes, le travail de Susan Seidelman ne leur était pas destiné.
L’un des trente plus gros succès de l’année 1985
Dès son premier week-end, Desperately Seeking Susan trouve sa place, avec une 14e position encourageante de par son petit circuit d’écrans (268) qui va grossir jusqu’à couvrir, en 4e semaine, plus de 1 000 écrans. Il s’accapare logiquement de ses meilleures recettes (3 564 000$). Dans un contexte de films de studios souvent dispendieux, la comédie au féminin achève sa carrière à 27M$, auréolée d’une 28e position annuelle. Pour un petit budget (4 500 000$), c’est inespéré. Rosanna Arquette dans After Hours de Martin Scorsese, ne réitèrera pas cette même année, avec un vrai bide (10 609 000$). C’est officiel, Rosanna Arquette n’a pas fait le succès de Recherche Susan, désespérément et les producteurs le lui font comprendre. Les bides intégraux de 8 millions de façons de mourir d’Hal Ashby et de Nobody’s Fool de Evelyn Purcell l’année suivante, l’écarteront définitivement des premiers rôles des projets qui comptent, même si, ironiquement, aux BAFTA, en 1986, c’est bien elle et non Madonna qui obtient la récompense de la Meilleure actrice dans un second rôle pour le film de Seidelman. Un prix curieux pour celle qui occupait le vrai premier rôle de l’œuvre.
France : le calme avant la tempête ?
La sortie française de Recherche Susan, désespérément intervient relativement rapidement (pour l’époque), c’est-à-dire 6 mois après les Etats-Unis, ce qui laisse à son distributeur hexagonal, Twentieth Century Fox, le temps d’attendre que l’ouragan américain s’installe davantage en France où le phénomène Madonna est en retard. La chanteuse a pas mal marché en club avec Holiday sans que les Français ne sachent trop qui chantait ; Madonna avait même fait de la promo à la télévision locale. Mais Like a Virgin est le seul de ses titres à avoir connu les faveurs du Top 10. Pour la Fox, ces six mois lui laisseront également le temps de réaliser le doublage, et surtout de pouvoir présenter le film à Cannes, puisqu’après les honneurs de la compétition en 1982, Susan Seidelman est de nouveau conviée sur la Croisette, mais cette fois-ci, honneur pour une femme, pour fermer la Quinzaine des Réalisateurs.
Distribué par la Fox en France, Rank au Royaume-Uni, Warner au Japon, Desperately Seeking Susan profite de Cannes pour multiplier les ventes internationales pour les retardataires qui n’ont pas encore acheté le film en mars, lors de l’American Film Market.
Promotion cannoise de Recherche Susan désespérément – Archives Cinédweller © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Une présentation cannoise en clôture
Le film est projeté les 18 et 19 mai (Palais Croisette) avec une conférence de presse le dimanche 19 mai à 18h. Malheureusement, Madonna est aux USA occupée à sa tournée des arènes. Ce n’est pas grave, elle reviendra en méga star, en mai 1991, pour la présentation d’In Bed With Madonna. Ce n’est qu’une question d’années.
Pour Cannes, l’affiche française est déjà prête, identique que l’Américaine, avec le même visuel iconique signé par Herb Ritts (la pochette de True Blue, notamment), que Madonna a rencontré sur le plateau du film. Les deux seraient désormais inséparables. Sur l’affiche française cannoise, la phrase d’accroche est la bonne. Seul le titre figure encore en version originale. Et quel titre. Desperately Seeking Susan. Comme la pause de Madonna et de Rosanna Arquette deviendrait iconique avec le temps (traduire par l’équivalent d’un mème aujourd’hui), le titre sera décliné à l’infini aux USA, comme il le deviendra en France… Recherche (…) désespérément devient un fait de langue qui montrera l’impact majeur du film et de la madone sur la culture et la société mondiale de l’époque.
Après Cannes, les choses s’accélèrent pour Madonna. En France, elle entre une deuxième fois au top 50. En juin 1985, la France offre un succès minimal à Material Girl qui reste seulement une semaine au top 50. Madonna serait-elle finie? L’échec français est inquiétant pour Warner France alors que les USA et le Royaume-Uni en ont fait un top 2 et 3 ! Mais non, dans les magazines la star américaine fait front. Et pour cause, son passage au Live Aid en juillet 1985 la place parmi les plus grandes stars au monde puisque le show de 16 heures regroupe tous les grands du moment : Led Zeppelin, Sting, Phil Collins, David Bowie, Paul McCartney, Elton John… Ensuite, pour son anniversaire, le 16 août 1985, la jeune femme épouse l’acteur Sean Penn, jeune acteur montant… Tout le monde en parle tellement l’événement est médiatique aux USA, où la couverture aérienne, par hélicoptère, avait été comparée à Apocalypse Now…
Rock’n’folk, mensuel culte de l’époque, pas très porté sur la pop commerciale, consacre sa Une à Madonna en septembre 1985 alors que le phénomène américain est total. Il est temps de lâcher Susan dans les cinémas.
© 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Box-office de Recherche Susan, désespérément
Film phénomène en France, Recherche Susan, désespérément restera 58 semaines consécutives à Paris.
Curieusement, la Fox n’envoie pas son poulain pas si désespéré au festival de Deauville, où l’on retrouve pourtant les incontournables de la rentrée 85, notamment The Breakfast Club, Cocoon, Dangereusement vôtre, Perfect, Retour vers le futur, Silverado, avec Rosanna Arquette. Toutefois, Recherche Susan, désespérément bénéficie de critiques très favorables, notamment dans L’Événement, L’Humanité, Le Nouvel Observateur, Le Parisien libéré, le magazine Première ou encore Le Monde.
Le film se retrouve à l’affiche le 11 septembre 1985, face à la comédie adolescente The Breakfast Club. Le film culte de John Hughes, lancé par CIC, occupe 18 préaux. Son plus gros concurrent est évidemment Dangereusement vôtre, l’ultime James Bond avec Roger Moore, qui bénéficie d’une énorme combinaison de 57 cinémas. La Fox parvient tout de même à mobiliser 30 salles pour son film indépendant, ce qui en fera l’un des succès indéniables de la semaine.
À Paris, pour sa première journée, Dangereusement vôtre écrase forcément toute la concurrence avec 38 930 spectateurs, tandis que Recherche Susan, désespérément avec Madonna trouve 7 874 fans de la chanteuse. L’hymne à l’adolescence de John Hughes est bien loin, avec seulement 2 277 spectateurs pour Breakfast Club.
Dans un box-office encore dominé par les films de l’été, comme Parole de flic avec Alain Delon, Legend avec Tom Cruise et Pale Rider de et avec Clint Eastwood, il faut aussi compter sur la présence de Police de Maurice Pialat avec Gérard Depardieu, qui est le plus gros succès de son réalisateur en première semaine parisienne, mais à l’issue de la première semaine, le changement est manifeste.
© 1985 United Artists and Danjaq LLC / Illustrateur affiche : Dan Goozee. Tous droits réservés.
Dangereusement vôtre décline par rapport au précédent James Bond mais ouvre à 267 461 spectateurs, se permettant ainsi de déloger de la pole position le film de Maurice Pialat. Madonna suit fièrement en 3e position avec 80 243 fans dans 32 cinémas. Il s’agit d’un démarrage enthousiasmant. The Breakfast Club est très loin derrière, en 7e place, puisque ce qui deviendra la quintessence du teen-movie ne dépasse même pas les 20 000 spectateurs pour sa première semaine.
On notera que sur les 32 cinémas à Paris-périphérie, la majorité des écrans de Recherche Susan, désespérément était bel et bien en intramuros avec pas moins de 23 sites parisiens dynamisés par l’énergie urbaine du film. Certains réalisent d’excellents scores comme le Gaumont Colisée avec 7 533 spectateurs, le Biarritz avec 6 700 spectateurs, l’UGC Danton avec 7 632 spectateurs, le Miramar avec 6 597 spectateurs. Il y a un véritable enthousiasme pour ce film qui bénéficie d’une promotion énergique et de nombreuses affiches pantalons sur les murs de la capitale.
Susan Seidelman et Coline Serreau : l’unique sursaut féministe d’une décennie de mecs
En 2e semaine, Recherche Susan, désespérément chute. Le film en est réduit à 61 428 spectateurs. Il faut dire que de grosses sorties ont bouleversé l’ordre des choses, avec la comédie de Patrick Schulmann P.R.O.F.S qui entre largement numéro 2, Bras de fer de Gérard Vergez, qui entre en 3e place fort d’une combinaison de 44 salles, ainsi que le film de science-fiction Lifeforce de Tobe Hooper qui trouve une très belle 5e position. Et enfin 3 hommes et un couffin, qui, avant de devenir un phénomène de société à part entière, entre tranquillement en 6e place avec 66 439 curieux dans 23 cinémas.
En 2e semaine, le film de Susan Seidelman se permet tout de même de faire mieux que Ran d’Akira Kurosawa, qui entre en 8e place avec 56 000 entrées dans 22 salles, ou Perfect, le dernier John Travolta, qui est un flop en 9e position avec 37 000 amateurs d’aérobic.
Dans les semaines qui suivront, 3 hommes et un couffin ne cessera de grimper et deviendra l’une des valeurs sûres d’un box-office qui commence à subir les soubresauts d’une crise qui durera 8 ans. Il sera vu par plus de dix millions de Français et plus de deux millions de Parisiens. Ce film réalisé par une femme, sur un sujet très féminin, montre que la France est capable de s’ouvrir à des sensibilités différentes et qu’elle n’est pas que le théâtre de combats masculins. Il est donc important de souligner cette simultanéité dans les sorties et les succès de ces deux œuvres. Le long métrage de Susan Seidelman aura lui-même une carrière extrêmement longue de plus d’un an dans les cinémas parisiens, au milieu des James Bond, des Mad Max (puisque le 3e volet sortait le 25 septembre), des Jean-Paul Belmondo (Hold-up d’Alexandre Arcady sortait le 23 octobre) et des Sylvester Stallone (Rambo 2 serait un triomphe pendant les vacances de la Toussaint).
Into the Groove : deuxième au top 50
Avant la diffusion du film Recherche Susan, désespérément dans certains cinémas, c’est le clip même de la chanson “Into the Groove” qui est diffusé, un fait rare à l’époque où l’on se contentait des publicités et des bandes-annonces. Le 30 septembre, le tube entre en 6e position du Top 50, réalisant l’une des entrées les plus hautes jamais réalisées dans ce classement né, il est vrai, il y a une petite année sur Canal Plus et Europe 1, et restera 15 semaines dans le top 10, flirtant avec la première place, les hit-parades ne cessent de valoriser le répertoire de Madonna. Entre le mois de septembre et novembre, Madonna se retrouve parfois avec 3 singles la même semaine dans le Top 50, puisque se croisent des titres comme Into the Groove, Dress You Up, Crazy for You et Gambler.
Désormais, le phénomène Ciccone est bel et bien installé en France ; son nombre de fans ne cesse de grimper de façon stellaire. La carrière du film ne peut que s’étirer. Les adultes parisiens et dans les villes étudiantes accueillent particulièrement bien cette comédie rocambolesque qui capture l’air de son temps. Le public s’y retrouve, essentiellement féminin ou jeune, en tout cas branché. La curiosité est là. Les adolescents y sont également bien représentés.
Affiche pantalon de Recherche Susan, désespérément © 1985 Orion Pictures Corporation. All Rights Reserved.
Et voilà qu’en 3e semaine, Recherche Susan, désespérément glisse en 7e place avec 39 795 spectateurs, désormais programmé dans 25 salles. Le score est plutôt avenant, d’autant plus que Mad Max 3 suscite toutes les attentions cette semaine avec 326 542 spectateurs. L’occasion de retrouver dans le Top 50 Tina Turner, également actrice dans le film, et son tube We Don’t Need Another Hero. Un autre hymne aux années 80.
En 4e semaine, Madonna perd 5 salles et une place, mais reste stable au niveau de la fréquentation avec 37 814 spectateurs. Pour la première fois, 3 hommes et un couffin, alors en 3e semaine, grimpe au-dessus de la barre des 100 000 spectateurs.
En 5e semaine, on aurait pu penser que Recherche Susan, désespérément allait se saigner de ses spectateurs puisque désormais réduit à une couverture parisienne de 15 cinémas. Le film devait affronter des poids lourds comme Le Mariage du siècle avec Thierry Lhermitte et Anémone, blockbuster comique propulsé dans 59 salles, et On ne meurt que deux fois de Jacques Deray avec Michel Serrault et Charlotte Rampling. Il n’en est rien, Recherche Susan désespérément, en 9e place, figure toujours au-dessus des 30 000 spectateurs.
La sortie record de Rambo 2 avec 510 000 spectateurs en première semaine à Paris dans 65 cinémas n’affecte en rien la comédie américaine, qui reste stable en 9e place pour sa 6e semaine avec 27 411 spectateurs. Mieux, le film avec Madonna grappille 2 écrans supplémentaires alors que les salles parisiennes étaient sommées de faire de la place pour offrir à « Sly » une combinaison jamais attribuée à un film sur la capitale.
Pour les vacances de la Toussaint, Susan Seidelman connaît même un petit rebond avec une 7e semaine à 31 000 spectateurs, soit une hausse de 15% de ses résultats. Rambo 2, Hold-up avec Jean-Paul Belmondo, 3 hommes et un couffin, Le Mariage du siècle, rien ne parvient à diminuer l’enthousiasme des spectateurs à l’égard de son chef d’œuvre d’(im)pertinence générationnelle. Le James Bond Dangereusement vôtre n’est plus qu’un lointain souvenir puisqu’il se situe très loin à 13 000 spectateurs. Quant à Mad Max 3, il en est ridiculisé à 12 000 spectateurs pour sa 5e semaine parisienne. Son bouche-à-oreille a été exécrable. Sur l’ensemble de la France, Recherche Susan, désespérément vient de dépasser les 800 000 spectateurs. Il lui reste encore plus d’un million d’entrées devant lui. Il n’est donc qu’à la moitié de sa carrière !
Pavé de Recherche Susan, désespérément, issu du Pariscope (novembre 1985), archives CinéDweller, © 1985 Orion Pictures Corporation. All Rights Reserved.
En 8e semaine, le ticket gagnant, Rosanna Arquette-Madonna, main dans la main dans 13 cinémas, se situe encore dans le top 10 avec 25 360 Parisiens.
Chapeau. Les deux copines punkies finissent l’année en 15e semaine avec 9 175 spectateurs dans 5 cinémas, qui ont opté à raison pour cette programmation de Noël : l’UGC Biarritz, le Gaumont Opéra, l’UGC Odéon, le Montparnos et le Forum Cinéma. Le taux de remplissage est particulièrement élevé.
À l’issue de ces 15 premières semaines parisiennes, ce futur classique des années 80 a engendré 449 000 spectateurs parisiens. Il lui faudra plus d’un an pour être retiré de l’affiche dans la capitale.
Un passage par les César et un an de carrière au cinéma
Face au phénomène, les César ne sont pas en reste et parlent d’une seule voix féministe pour nommer le film de Susan Seidelman dans la catégorie du Meilleur film en langue étrangère, en février 1986, face à Michael Cimino, Akira Kurosawa, Roland Joffé et Woody Allen qui l’emportera avec La rose pourpre du Caire (tiens, un autre film Orion).
Des mois plus tard, même pour son ultime semaine à l’UGC Rotonde, Recherche Susan, désespérément, désormais disponible en VHS depuis septembre-octobre 1986, accueillait encore 1 253 fans de Madonna. Il faut dire que parallèlement, le distributeur 20th Century Fox décidera de le retirer des salles parisiennes la semaine suivante, celle du 26 octobre 1986, qui correspond à la sortie nationale d’un certain Shanghai Surprise, deuxième film d’une certaine…Madonna, qui bénéficiait de 37 salles à Paris-Périphérie.
Ce retrait malin de la part du distributeur est calculé, puisqu’il profitera de la venue de Madonna en concert à Sceaux le 29 août 1987, pour ressortir le film en vidéo. Et pour cause, la chanteuse, alors numéro 1 et 3e du Top 50, et avec trois albums et demi (le quatrième étant la B.O. du film Who’s That Girl) dans le top 10, réunissait plus de 120 000 personnes, soit son plus gros concert jamais organisé avant que ce record soit pulvérisé à Rio, en 2024, où il s’agissait cette fois-ci de plus d’un million et demi de spectateurs étonnés par son énergie jamais disparue…
Un tel événement médiatique, qui regroupe dans ses tribunes Alain Delon, Catherine Deneuve, ou encore Arnold Schwarzenegger, aide la reprise du film de Susan Seidelman, désormais au cœur d’une exploitation décimée par la crise.
Déjà de retour en salle en 1987, l’année Madonna ultime
Le 26 août 1987, Recherche Susan, désespérément ouvre à 1 072 spectateurs dans 12 cinémas, à l’ombre d’Éric Rohmer (L’Ami de mon amie, 8 671 entrées dans 23 salles), et surtout du Flic de Beverly Hills 2 (37 370, 57 salles).
Lyon, Strasbourg, Rouen, Lille, Toulouse, Nantes… De nombreuses villes françaises suivent en cette fin d’été caniculaire. Ils sont confiants, car en France, Shanghaï Surprise n’a pas été le même bide qu’aux USA. Aussi, l’indie movie iconique reprend une belle 8e place française dans le top des 15 villes clés de l’hexagone, avec 8 602 entrées. À Paris, le film trouve 9 579 spectateurs.
Illustrateur Jean Mascii – © 1986 HandMade Films
Pour sa deuxième semaine en reprise, la comédie féministe se maintient à 6 512 spectateurs dans 12 salles à Paris, et glisse à 7 284 spectateurs dans 11 cinémas dans le top province sur 15 salles, soit une belle 11e place.
Pour sa 3e semaine, la reprise de Recherche Susan, désespérément occupe encore 6 cinémas à Paris intra-muros et 4 écrans en banlieue (4 131 entrées) et 10 cinémas des 15 plus grandes villes de France, avec 3 728 entrées (15e position).
Susan Seidelman ne réitèrera pas
Increvable, Madonna restera 8 semaines et obtiendra 24 290 spectateurs pour cette reprise. L’ironie du sort, c’est que Susan Seidelman sortira sa comédie post-Recherche , Et la femme créa l’homme parfait, avec Malkovich, durant ce laps de temps et ne restera à l’affiche que 3 semaines, avec un total exécrable de 12 000 entrées.
Sans Madonna, la formule féministe ne trouvait plus son public.
Quant à la Madone, elle reviendra à l’affiche des cinémas français moins d’un mois plus tard avec Who’s That Girl, échec américain total mais beau succès madonesque pour Warner sur le territoire français, où rien ne semblait résister à l’idole des jeunes et des écrans pour de nombreuses années. En 1993, année où Whitney Houston tente à son tour une carrière au cinéma (Bodyguard, 3 520 000 entrées), Ciné-Chiffres dressera le bilan des 20 dernières années d’exploitation (1973-1993) et classera Madonna à la 12e position du B.O. des actrices étrangères par moyenne, avec à Paris une moyenne de 217 000 entrées sur 8 films, devant Jodie Foster ou Michelle Pfeiffer.
Sorties de la semaine du 11 septembre 1985
Madonna dans Recherche Susan désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Le test blu-ray de Recherche Susan désespérément
Recherche Susan désespérément est sorti de très nombreuses fois en VHS entre 1986 et 2000, année de son ultime édition dans ce format et avènement du nouveau format DVD où MGM, qui a repris les droits des films d’Orion, exploite désormais le film dans des éditions relativement bon marché avec très peu de bonus.
Madonna était particulièrement populaire au début de la décennie grâce à la tournée mondiale The Drowned World Tour (2001), et donc particulièrement bien traitée par ce nouveau format.
Warner propose par exemple tout un tas de concerts de l’artiste ainsi qu’une compilation de ses clips, des DVD singles, suscitant l’intérêt des fans de Madonna pour ce support ringardisant les VHS d’antan
Malheureusement, les choses vont se compliquer avec le temps : le divorce de Madonna et Warner, l’abandon officiel du cinéma par Madonna, du moins en qualité d’actrice, en 2003, après l’échec monumental d’À la dérive, le refus de la star de revenir sur sa carrière passée et son manque d’intérêt pour remplir les cases des suppléments des DVD… Tout réduit son œuvre cinématographique à un fond de catalogue que les studios n’utiliseront guère.
Ainsi, Recherche Susan désespérément, malgré son énorme succès, ne sera jamais édité en France en Blu-ray avant 2024.
Si quelques éditions Blu-ray existent notamment en Espagne, en Allemagne ou au Royaume-Uni, en France, on ne retrouve qu’un DVD édité de façon médiocre en 2000 par MGM, comportant une faute de frappe sur la jaquette, le film étant devenu Recherche Susan désepérément, le deuxième “s” du titre ayant disparu. Ce n’est pas très sérieux.
Il aura donc fallu attendre la naissance d’un nouvel éditeur, Bubbel Pop’ édition, pour que cet étendard des années 80 puisse enfin trouver un collector digne de ce nom sur notre territoire.
Est-ce que cela valait le coup d’attendre aussi longtemps ? On vous explique tout ci-dessous.
Packaging & Compléments : 4.5 / 5
Pas d’édition simple pour Recherche Susan désespérément (la virgule du titre français a disparu), Bubbel Pop’ Edition balance du lourd. Un coffret collector 3 disques (2 DVD+Blu-ray).
Le travail graphique sur le packaging est indéniablement une réussite et permet d’écraser la concurrence. Il s’agit très certainement de la plus belle édition jamais réalisée pour le film de Susan Seidelman.
Tout d’abord, on notera la qualité du packaging : une box épaisse de 6 cm contenant un digipack extrêmement bien illustré, ainsi que 5 photos d’exploitation sous format de carte postale grand format, une affiche, et surtout un livret.
Celui-ci comporte pas moins de 95 pages et est particulièrement réussi. Il est signé par l’une des fondatrices de Bubble POP Edition, Rania Griffete, éditrice, rédactrice et surtout fan de Madonna qui s’est particulièrement investie. Elle propose un véritable petit ouvrage au toucher agréable, à la présentation soignée, égayée de très nombreuses photos, officielles ou d’archives personnelles. Ce livret, intitulé “Une histoire de femmes”, est très certainement la plus grande réussite de ce coffret.
Il force le respect, alliant à la fois illustration, qualité d’écriture et un sens du détail qui ajoutera une vraie valeur à ce coffret, il est vrai onéreux (plus de 60 euros). Un « must-have » exclusif au coffret.
Editeur vidéo : Bubbel Pop’ Edition. Photo : Herb Ritts. Coffret collector blu-ray de Recherche Susan désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
À titre de comparaison, l’édition Collector britannique sortie en 2022 par l’éditeur Final Cut, proposait un livret au moins 3 fois moindre à tous les niveaux. Il en est de même pour l’édition Media Book allemande, parue en 2019 chez Just Bridge, où le livret était relativement terne et comportait à peine 19 pages, par ailleurs en allemand.
Les amateurs de goodies seront ravis puisqu’on y trouve également 3 badges à l’effigie des 3 vedettes principales : Aidan Quinn, Rosanna Arquette et Madonna. Pour notre part, on ne peut que féliciter cette initiative qui sera par ailleurs renouvelée au printemps puisque Bubbel Pop’ annonce l’édition exclusive de Who’s That Girl en Blu-ray, dans un coffret comportant un vinyle du live du Blond Ambition Tour.
Au niveau des bonus audiovisuels, l’édition de Recherche Susan désespérément comporte aussi des surprises. Alors que depuis 2000, on retrouvait (presque) systématiquement la fin alternative du film et le commentaire audio de la réalisatrice, rien de tout ceci n’a été gardé.
Plutôt que de racheter les suppléments de Final Cut (l’édition anglaise sortie en 2022), l’éditeur Bubbel Pop’ a décidé de produire ses propres interviews. L’éditeur a travaillé ainsi pendant plus de 2 ans pour présenter une fournée d’interviews exclusives, extrêmement riches et variées. L’on compte pas moins de 7 entretiens d’environ une demi-heure chacun, soit près de 3h00 de suppléments. Or, jamais le film n’avait été traité avec autant de respect et un souci d’approfondissement.
Pour ne pas entrer en concurrence avec les suppléments du film et le contenu de l’ouvrage de Rania Griffet, notre article a essayé d’emprunter une voie alternative au contenu de cette édition vraiment impériale que l’on vous conseille.
On apprécie la préparation d’Olivier Cachin, journaliste musical spécialisé dans le hip-hop, qui revient avec une grande connaissance sur ces années 80 et l’ascension de Madonna. L’interview de Rosanna Arquette, que l’on sent parfois un peu amère quant à l’état de sa carrière, insiste sur un point essentiel : elle serait à l’origine de la rencontre entre Madonna et Herb Ritts. Ce moment est particulièrement pertinent et mérite à lui tout seul l’écoute de cette longue interview.
Le journaliste Samuel Blumenfeld est égal à lui-même, puisqu’avec brio, il retrace à la fois le portrait d’une ville en faillite, il dresse la peinture d’une énergie créatrice unique qui ressortait de cet environnement fascinant, et l’ascension irrésistible de Madonna.
Le plus cinématographique et le plus intéressant des entretiens est probablement celui du chef opérateur Ed Lachman, dont le travail pour retranscrire la magie d’un quartier à travers des couleurs riches, exacerbées, est une véritable leçon de cinéma.
L’intervention de la productrice Sarah Pillsbury, pionnière dans les années 80 qu’on n’avait pas assez entendue, et surtout de Susan Seidelman, sont forcément des atouts dans cette édition où chacun rend un hommage incroyablement riche à cette œuvre.
Au final, à travers le temps, le discours de Susan Seidelman sur le film n’a pas changé, et cette réalisatrice, dont la carrière fut brisée par l’échec de She-Devil avec Meryl Streep et Roseanne Barr en 1990, mérite bien d’être redécouvert. Après tout, il s’agit d’une grande dame en qui tant d’espoir avaient été fondés après Smithereens qui avait été en compétition à Cannes en 1982 et Recherche Susan désespérément qui avait fait la clôture de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 1985. Susan est plus ou moins son film testament.
Le dernier bonus vidéo, l’exégèse de Susan par Pacôme Thiellement, est farfelu. Il a le mérite d’être audacieux, même si on ne partage pas toujours son point de vue. L’excentricité du monsieur vaut le détour.
In fine, si ces suppléments sont bons et surtout uniques, on peut être déçu de l’absence de la fin alternative et de la bande-annonce, puisqu’on aurait alors bénéficié d’une édition définitive. Il va donc falloir conserver ses anciens DVD ou Blu-ray de Recherche Susan désespérément pour retrouver les 2 divas sur leur chameau.
Un autre point négatif est à souligner : si on comprend que le film et les bonus soient sur 2 DVD, l’absence de section bonus sur la partie Blu-ray est préjudiciable. Quand on regarde le Blu-ray, qu’il faut ensuite changer de disque pour découvrir des bonus tournés en HD sur une galette SD, la déception est de mise. La haute définition devrait toujours être privilégiée, surtout en 2024, époque où on redécouvre les films sur des disques 4K HD.
L’image du blu-ray : 3.5 / 5
Bubbel Pop’ Edition a beaucoup investi dans ce projet mais n’a pas pu parer son collector d’un nouveau master 4K qui n’existe pas. L’éditeur propose la copie dont dispose MGM et que l’on a pu déjà voir au Royaume-Uni, en 2022. Pour les Français qui sont restés sur l’image du DVD, la surprise sera excellente. De très beaux plans, plus lumineux, bariolés à point, s’offriront à eux. C’est flashy comme il faut, agréable à la texture, mais malheureusement incomparable avec les restaurations 4K qui fleurissent un peu partout sur le marché, y compris pour les sorties blu-ray. Certains plans restent très médiocres de par le matériau original à petit budget qui a connu des conditions de filmage contrastées. Il subsiste quelques anicroches.
Le son du blu-ray : 3.5 / 5
Tourné uniquement en Mono, Recherche Susan, désespérément paie encore une fois le système D d’un modèle qui devenait obsolète au milieu des années 80, du moins chez les studios qui tous investissaient dans la Dolby Stéréo.
Longtemps disponible en Mono (notamment en DVD), le film avait été gonflé à la stéréo, notamment LPCM aux Etats-Unis et en Europe, voire même en 5.1 chez nos voisins d’outre-Rhin.
L’éditeur français a décidé de reprendre la piste stéréo DTS HD Master Audio pour la piste anglaise, et se contente de l’unique piste Mono en VF.
Le son est souvent compassé et mérite plus de clarté, mais encore une fois, cette rugosité est inhérente au type de films arty qui émergeait de cette scène new-yorkaise.
La bonne nouvelle vient de l’insert de la piste audio américaine et non européenne en VO, ce qui signifie que l’on bénéficie d’un générique alternatif, en fonction du choix de langue : en français, le générique s’ouvre sur la musique de The Chiffons et en version américaine on découvre la fameuse Shoop Shoop Song, ce qui est bien nouveau pour nous.
Editeur vidéo : Bubbel Pop’ Edition. Photo : Herb Ritts. Coffret collector blu-ray de Recherche Susan désespérément – © 1985 Orion Pictures Coproration. All Rights Reserved.
Biographies +
Susan Seidelman, Madonna, Rosanna Arquette, Aidan Quinn, John Turturro, John Lurie, Laurie Metcalf, Robert Joy, Anna Thomson (Anna Levine), Will Patton, Giancarlo Esposito, Mark Blum