Jean-Paul Belmondo fut l’un acteurs majeurs du cinéma français des années 1960-80. Il restera dans la mémoire des cinéphiles comme l’interprète culte de Godard ou Melville, et pour le public populaire la star des comédies signées de Broca, Oury et Lautner.
Si Belmondo a marqué la Nouvelle Vague avec À bout de souffle et Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, Il fut aussi l’interprète subtil de Jean-Pierre Melville (Léon Morin prêtre, Le Doulos), François Truffaut (La Sirène de Mississipi) et Alain Resnais (Stavisky). Il n’en négligea pas pour autant un cinéma plus léger où sa gouaille fit merveille (L’Homme de Rio de Philippe de Broca). Dès le milieu des années 70, l’acteur, devenu l’un des plus bankables de l’Hexagone, entreprit des projets purement commerciaux dans des stars vehicles signés Oury, Lautner ou Deray.
Jean-Paul Belmondo : le mythe lancé dans les années 60
Fils du sculpteur Paul Belmondo, il fait partie de la « bande du Conservatoire », avec ses potes de promotion (Marielle, Girardot, Fabian…). Recalé pour la Comédie-Française, Belmondo se tourne vers le cinéma. Il se fait d’abord remarquer dans des productions montées autour des vedettes de l’époque, comme Danielle Darrieux et Bourvil dans Un drôle de dimanche (1958) de Marc Allégret, ou Lino Ventura pour l’excellent Classes tous risques (1959), le premier film de Claude Sautet. Sa rencontre avec la Nouvelle Vague en fait un acteur de premier plan. Plus que dans À double tour (1959), de Claude Chabrol, il explose dans À bout de souffle (1960), qui marque le début du mythe Godard et de la persona de Belmondo : un mélange de décontraction et de puissance, de séduction et de cynisme, de rébellion et misanthropie, comme si James Dean tendait la main à Michel Simon. « Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville… allez-vous faire foutre ! ». Le personnage du truand Michel Poicard, formant un couple étrange avec une étudiante américaine qui le dénoncera (Jean Seberg), est le premier grand rôle emblématique de la carrière de Belmondo. Il retrouvera Godard avec Une femme est une femme (1961) et surtout Pierrot le Fou (1965), poème cinématographique vertigineux.
Entre-temps, Belmondo trouve en Jean-Pierre Melville un autre cinéaste de prédilection, qui lui fait endosser la soutane avec bonheur dans Léon Morin, prêtre (1961), et le rend magnifique de sobriété dans les polars Le Doulos (1962) et L’Aîné des Ferchaux (1963). En cette première moitié des années 60, il tourne aussi avec d’autres artistes incarnant une certaine modernité, tels Peter Brook (Moderato cantabile, 1960) ou Jacques Baratier (Dragées au poivre, 1963). Et il ne démérite pas dans les films italiens dans lesquels il apparaît, comme La Ciociara (1960) de Vittorio De Sica ou Le Mauvais chemin (1961) de Mauro Bolognini. Belmondo n’en néglige pas pour autant un certain cinéma traditionnel en collaborant avec Henri Verneuil, qui le dirige notamment dans Un singe en hiver (1962), où il a Gabin pour partenaire, et Week-end à Zuydcoote (1964). Mais c’est Philippe de Broca qui le met en valeur dans un registre plus léger, avec des comédies d’aventures sophistiquées où sa gouaille fait merveille : plus que le charmant Cartouche (1962), c’est L’Homme de Rio (1964) qui marque les esprits, et sera suivi par Les Tribulations d’un Chinois en Chine (1965).
La plus grande star française des années 70 et 80
Belmondo devient, avec Delon (et bientôt de Funès), l’acteur le mieux coté au box-office hexagonal, et cette suprématie va se poursuivre pendant vingt ans. Prenant ses distances avec le cinéma d’auteur de ses débuts, il va jouer de plus en plus dans des productions sans risques, confortant le capital sympathie que lui accorde son public. Il faut dire que les grands réalisateurs qui l’ont dirigé après 1965 ne lui ont pas offert leur meilleur film : ni René Clément dans la superproduction Paris brûle-t-il ? (1966), ni Louis Malle dans l’académique Le Voleur (1961), ni Truffaut avec La Sirène du Mississipi (1969), et encore moins Chabrol avec Docteur Popaul (1972) ne sont ici à leurs sommets. Seul Alain Resnais garde la main avec le très beau Stavisky (1974), dont l’échec commercial affectera cependant son interprète. Des années 70, on peut retenir Les Mariés de l’an II (1971) de Jean-Paul Rappeneau, qui réussit le consensus, ainsi que Le Magnifique (1973), d’un Philippe de Broca toujours inspiré, mais qui le sera moins avec L’Incorrigible (1975). On peut aussi trouver du charme à l’agréable comédie policière Borsalino (1970), où il est confronté à son rival Alain Delon, plus qu’aux thrillers pépères de Henri Verneuil, qui perpétuent le cinéma de papa avec Peur sur la ville (1975) et Le Corps de mon ennemi (1976).
La première moitié des années 80 marque l’apothéose du contraste entre des cartons au box-office et une qualité en déclin. Belmondo, devenu « Bébel » pour ses fans, cabotine dans des productions sans âme, se livrant à d’inutiles pirouettes et cascades, entre deux bons mots réactionnaires ou vachards de Michel Audiard. Georges Lautner, qui n’est plus le réalisateur décapant des Tontons flingueurs, sert la soupe dans Le Guignolo (1980), Le Professionnel (1981) et Joyeuses Pâques (1984) ; Gérard Oury exécute le contrat avec L’As des As (1982), relayé par Deray et Verneuil. Mais la machine s’enraye dans la seconde moitié de la décennie. La crise du cinéma français n’épargne pas les productions Belmondo, comme Hold-up (1985) d’Alexandre Arcady. Après Itinéraire d’un enfant gâté (1988) de Claude Lelouch, qui lui vaut le César du meilleur acteur, il prend ses distances avec le grand écran. Entre 1992 et 2011, il ne tourne que dix films, dont Les Misérables du XXe siècle (1995) de Lelouch, Une chance sur deux (1998) de Patrice Leconte, Peut-être (1999) de Cédric Klapisch, et Les Acteurs (1999) de Bertrand Blier.
Belmondo qui avait joué sur les planches entre 1950 et 1959 est revenu au théâtre en 1987 pour Kean de Jean-Paul Sartre, mis en scène par Robert Hossein. Suivront quatre autres pièces dont la dernière est Frédérick ou le Boulevard du Crime d’Éric-Emmanuel Schmitt, mis en scène par Bernard Murat, qu’il joua en 1998-1999.
Jean-Paul Belmondo a reçu une Palme d’or d’honneur au Festival de Cannes en 2011, un Lion d’or pour la carrière à la Mostra de Venise 2016 et un hommage de l’Académie des César en 2017.
Diminué depuis un AVC en 2001, l’icône décède en 2021, à l’âge de 88 ans.