Sur un script sombre et audacieux, Jacques Deray signe avec On ne meurt que deux fois un film noir qui manque de nerfs et de mordant. Assez terne malgré des acteurs formidables.
Synopsis : Un “flic” un peu particulier, enquête sur la mort de Charly Berliner, retrouvé dans un terrain vague. Il découvre une histoire d’amour violente et passionnée entre la victime et une certaine Barbara.
Critique : Au début des années 80, le scénariste et dialoguiste Michel Audiard s’éloigne progressivement de la gaudriole qui a fait sa gloire pour se pencher sur des sujets sombres, la plupart du temps tirés de polars de série noire. Il livre ainsi trois adaptations qui forment une sorte de trilogie, surtout si l’on ajoute que les trois œuvres sont interprétées par Michel Serrault. Il s’agit de Garde à vue (Claude Miller, 1981), Mortelle randonnée (Miller, 1983) et enfin On ne meurt que deux fois (Deray, 1985). Alors que les deux premiers films sont signés Claude Miller, le dernier projet tombe dans l’escarcelle de Jacques Deray qui cherche également à développer des projets plus personnels et intimistes après une longue série d’œuvres commerciales pour Delon et Belmondo.
Le roman américain d’origine est signé du grand Robin Cook et s’intitule initialement Il est mort les yeux ouverts. L’action se situe en principe dans les bas-fonds londoniens et le personnage féminin est une prostituée. Tout y est sale et sombre, suintant à la fois le sang et le sexe. Mais Michel Audiard, tout en conservant les grandes lignes de l’intrigue, opte pour une stylisation plus importante, ainsi qu’une vision plus glamour de cette histoire pourtant sordide. Ainsi, le personnage de Charlotte Rampling devient dans le film un mannequin nymphomane, dont on peine à comprendre les motivations troubles.
Il faut dire que les auteurs (Audiard, de concert avec Deray) n’ont pas opté pour la facilité avec cette histoire policière qui s’inscrit à la fois dans la veine du film noir des années 40 et la vague du thriller érotique qui émerge au début des années 80 depuis les Etats-Unis (La fièvre au corps ou Le facteur sonne toujours deux fois par exemple). Si l’intrigue est posée avec un certain talent, le personnage très ambigu du flic incarné par Michel Serrault déstabilise assez rapidement le spectateur.
Misanthrope visiblement dégoûté par l’espèce humaine – on ne saura d’ailleurs jamais pourquoi – le flic se met peu à peu à la place de la victime afin de ressentir ses émotions et de mieux appréhender les motivations de l’assassin. Cette identification totale d’un homme pour un autre rappelle notamment le Locataire de Polanski, même si Deray n’arrive jamais à transmettre au spectateur le trouble de la situation.
Face à un Michel Serrault convaincant, Charlotte Rampling interprète les vamps avec une forte dose de sensualité, et même de sexualité. Pourtant, le couple, assez mal assorti, ne fonctionne jamais vraiment à l’écran et le spectateur demeure étranger au trouble qui s’empare des personnages. Parmi les rôles secondaires, on peut se régaler de la présence de futures vedettes du cinéma français. Ainsi, Jean-Pierre Darroussin, Jean-Pierre Bacri et Gérard Darmon composent des figures sympathiques que l’on a plaisir à retrouver très jeunes. Plutôt bon dans un emploi pourtant pas évident, le jeune espoir Xavier Deluc fait également le job. De quoi faire regretter sa longue absence des écrans de cinéma à partir de la fin des années 80, lui qui s’est ensuite partagé entre théâtre et télévision.
Pourtant, le principal défaut d’On ne meurt que deux fois (1985) vient du manque d’inspiration de la réalisation de Jacques Deray. Si le cinéaste a été pendant longtemps à l’aise dans l’action, il semble bien plus laborieux dès qu’il faut aborder des personnages plus ambigus. La plupart de ses œuvres plus personnelles souffrent d’ailleurs de ce même défaut, à savoir une réalisation atone, voire morne, se calquant sur un format télévisuel qui a bien mal vieilli. D’ailleurs, ce long-métrage entame une lente période de déclin pour le cinéaste qui a enchaîné ensuite les contre-performances avec Le solitaire (1987), Netchaïev est de retour (1991) et ceci jusqu’au naufrage de L’ours en peluche en 1994.
Pétri de bonnes idées narratives et doté d’une atmosphère sombre qui aurait dû nous séduire, On ne meurt que deux fois n’est donc absolument pas passionnant et constitue une sacrée déception en regard de son potentiel élevé. Cela ne l’a pas empêché de séduire encore un million de spectateurs sur tout le territoire national au mois d’octobre 1985 – une légère déception, donc – et de recueillir huit nominations aux Césars 1986. Seul le directeur de la photographie Jean Penzer est reparti avec le précieux trophée.
Critique de Virgile Dumez