Note des spectateurs :

Ephéméride d’une année sépulcrale où le cinéma n’a pas attendu la crise du coronavirus pour manifester un coup de fatigue dans la fréquentation, la qualité et un appauvrissement spectaculaire de l’offre. La fin du cinéma que l’on aimait a-t-elle sonné ? Sortez vos mouchoirs, le plus triste reste à venir.

Janvier

  • Annus horribilis. Le mois de janvier ne sera que peu impacté dans ses sorties par la crise du coronavirus qui démarrera en mars et pourtant le box-office sera peu convaincant. Sans nouveautés vraiment attrayantes, l’exploitation marque le pas, avec un net recul de 21.2% par rapport au mois correspondant, en 2019. Un avant-goût du pire qui va frapper le pays, et le monde.
  • Les Golden Globes 2020 récompensent Joaquin Phoenix (Meilleur acteur, drame), Renée Zellwegger (Meilleure actrice, drame), Sam Mendes (Meilleur réalisateur, drame), 1917 (Meilleur film, drame) ou encore Parasite (Meilleur film en langue étrangère). Once Upon a Time… in Hollywood grapille le meilleur second rôle masculin (Brad Pitt), le meilleur scénario (Tarantino) et le meilleur film dans la catégorie comédie.
  • 23e Festival International du Film de Comédie de l’Alpe d’Huez entre le 14 et le 19 janvier. Divorce club remporte le Grand Prix (entre autres). Prix du Public pour Mine de rien.
  • ESC récupère le catalogue Gaumont pour la distribution de son impressionnant répertoire. Quand le secteur de la vidéo fléchit, celui d’ESC voit ses ventes grimper en 2019. Ses plus gros succès de l’an passé ont été le documentaire Lourdes, puis Zombie de George A. Romero et Halloween de John Carpenter.
  • Diaphana annonce distribuer Eté 85 de François Ozon, une première puisque le réalisateur avait été fidèle à Mars Films depuis Potiche, en 2010. Mais le distributeur étant placé en redressement judiciaire, on ne parlera pas d’infidélité.
  • Alain Attal lance un nouveau distributeur, Trésor Cinéma pour assurer la sortie de sa production, Les traducteurs, notamment en raison des difficultés du distributeur originel, Mars. Ce dernier, toujours impliqué, assure la programmation en salle. Trésor Cinéma éponge en revanche les frais de sortie et de marketing. Cela ne sera malheureusement pas la meilleure année pour démarrer une nouvelle structure.
  • Le FIPADOC (Festival International du Documentaire) met à l’honneur les femmes et la Suède entre le 21 et le 26 janvier.
  • Spike Lee est annoncé comme président du Jury cannois. Le festival dans sa forme habituelle n’aura pas lieu. L’Histoire était en marche, mais la pandémie en décidera autrement.
  • La comédie du roi du box-office italien, Checco Zalone, cartonne en Italie. L’humoriste est en plus réalisateur de Tolo Tolo qui, malgré la grave crise du coronavirus qui s’est abattu sur le pays, parvient à engranger 52 186 426$ en Italie. L’acteur est évidemment inconnu en France.
  • Discours sur les contours de la réforme de la loi audiovisuelle. Franck Riester souhaite une révision de la chronologie des médias et invite les plateformes américaines à contribuer à la création française et européenne, avec des quotas…
  • Polémique autour du manque de transparence du comité d’organisation des César. Alain Terzian est vivement critiqué, notamment pour le dîner des révélations, réunissant 36 noms en lice pour entrer dans le sprint final de la catégorie du Meilleur jeune espoir. Les marraines proposées par certains acteurs, Virginie Despentes et Claire Denis, sont refusées. Une discrimination qui passe mal et dont le paroxysme de la crise se tiendra le soir de la cérémonie. Voir février plus bas.
  • Le Syndicat français de la critique de cinéma (SFCC) décerne le trophée du Meilleur film français Misérables de Ladj Ly. Parasite obtient le prix du Meilleur film étranger.
  • Les Cahiers du Cinéma, revue née en 1951, change de mains. Un collectif de cinéphiles baptisés Les amis des Cahiers s’approprie le magazine historique qu’avait repris en 2008 l’Anglais Richard Schlagman. Une crise éclatera en février au sein de sa rédaction, avec la démission des dix-huit rédacteurs qui remettent en question les orientations des actionnaires, les possibles conflits d’intérêt, et une ligne éditoriale « chic » en contradiction avec leurs principes.
  • Disney+ avance sa date de mise en service de sa plateforme en Europe au 24 mars. Le gouvernement français sera contraint de demander au géant américain de différer le lancement de la plateforme pour maîtriser les flux sur Internet, alors au bord de la saturation, au début de la crise de la COVID.
  • Futur film polémique aux USA, Mignonnes de Maïmouna Doucouré repart avec un prix de la mise en scène à Sundance. Le 36e Festival s’est déroulé entre le 23 janvier et le 2 février.
  • Le festival de Gérardmer se tient entre le 29 janvier et le 2 février, avec Asia Argento comme présidente. Le film britannique Saint Maud de Rose Glass remporte tous les suffrages mais devra attendre 2021 avant sa sortie. Les deux premiers confinements lui ont été à chaque fois fatal.
box-office américain Parasite et Judy

Copyrights Parasite : Neon & CJ Entertainment / Judy : BBC Films, Calamity Films, Pathe UK, Twentieth Century Fox

Semaine du 1er janvier 2020

  • Les filles du docteur March séduit 805 211 spectateurs malgré ses lourdeurs scénaristiques. Cela sera le premier d’une série de longs post #Metoo, en 2020, à essayer de faire passer un message de diversité et d’inclusivité sans diminuer la subtilité du script. Mais le film est globalement un succès pour Sony qui ne l’avait lancé que dans 250 cinémas. C’est le 16e plus gros succès annuel.
  • Takashi Miike n’attire plus grand monde, malgré sa présence à Cannes en 2019. First Love interpelle à peine 19 303 spectateurs.
  • Manhattan Lockdown pourrait être le dernier film de Chadwick Boseman à sortir sur le grand écran en France. La star de Black Panther décède des suites d’un cancer en août 2020. Avec 182 731 spectateurs, la série B est un échec qui démontre que le public Marvel ne va pas beaucoup au cinéma pour des offres alternatives, condamnant de ce fait ce pan de la culture cinématographique à rester à sa place en VOD et sur Netflix, mettant à mal des distributeurs indépendants spécialisés dans ce type de production.
  • Play avec Max Boublil ne trouve pas son public (233 345 entrées). Le film bénéficiait pourtant d’excellentes critiques. Le réalisateur des Gamins (1 647 699) et Robin des Bois la véritable histoire (540 212) y retrouvait son acteur fétiche au plus bas dans l’intérêt du public. Qui pourra encore miser sur Max Boublil pour décrocher le jackpot en salle après l’échec de cette comédie pertinente ?
  • Séjour dans les Monts Fuchun de Gu Xiaogang parvient à un beau bouche-à-oreille tout au long du mois de janvier et achève sa carrière à 138 219 spectateurs, malgré une durée de 2h30min.
  • Les vétos est le 23e succès annuel avec 641 564 spectateurs. Un film du terroir qui confirme l’attrait du public provincial pour ce type de productions ciblées, ici avec Clovis Cornillac.

Chadwick Boseman dans Manhattan Lockdown

Chadwick Boseman, Manhattan Lockdown (21 Bridges) – © 2020 STX Productions, MetropolitanFilmExport

Semaine du 8 janvier 2020

  • Début des soldes.
  • Les enfants du temps confirme l’engouement du public pour les mangas au cinéma, avec 228 006 spectateurs dans 188 cinémas. C’est mieux que Sol, avec Chantal Lauby et Camille Chamoux, qui est un échec, et que le feel good movie L’adieu (The Farewell) qui bénéficiait d’une combinaison de 117 cinémas.
  • Underwater est l’un des derniers films du studio historique Twentieth Century Fox à apparaître sur les écrans. Il sort sous le label The Walt Disney Company France, malgré une interdiction aux moins de 12 ans contradictoire avec la politique maison. Disney ne fait aucun effort de promotion et laisse le monstre sous-marin, Kristen Stewart et Vincent Cassel dans les abîmes (333 907 spectateurs pour une œuvre de 80M$). Le film ne finira même pas dans le top 30 annuel malgré son statut de grosse production hollywoodienne.

Benjamin Voisin, l’un des acteurs de 2020

  • Un vrai bonhomme est l’un des trois longs métrages de Benjamin Voisin à sortir sur les écrans français en 2020. Malgré d’excellents papiers, le film ne trouve pas sa cible, avec 44 193 spectateurs en salle. Benjamin Voisin ne fera pas mieux en février avec La dernière vie de Simon, film fantastique de Léo Karmann, mais trouvera un bel écho dans Eté 85, à la réouverture des cinémas, en juillet. Le César de la révélation devrait l’attendre en 2021.
  • Jeanne Balibar est devenue réalisatrice. Merveilles à Montfermeil est toutefois un vrai échec avec 10 517 spectateurs. Il s’agissait du grand retour d’Emmanuelle Béart en salle après 6 ans d’absence.
  • Avec 6 823 spectateurs, Tommaso d’Abel Ferrara est l’un des pires scores du cinéaste en France. Seul Alive in France, en 2018, avait fait pire. D’ailleurs qui a remarqué que ces deux longs étaient sortis ?

Semaine du 15 janvier 2020

  • 1917 de Sam Mendes est l’événement du mois de janvier 2020. Avec 2 203 337 spectateurs, il est un succès patent, impacté par la crise sanitaire à partir de sa 9e semaine d’exploitation. Il aurait pu faire de 40 000 à 80 000 entrées de plus.
  • Selfie, visiblement détesté par le public (il est passé de 97 445 entrées à 11 402 spectateurs), est un flop intégral, malgré la présence de Blanche Gardin. La comédie trépasse à 160 948 spectateurs sans pour autant avoir souffert de la crise du coronavirus. Le concept vendu par la bande-annonce est drôle mais l’ensemble demeure peu abouti.
  • Swallow offre une proposition de cinéma étrange et accomplie. 51 626 curieux ont goûté à ce très joli film de Carlo Mirabella-Davis.
  • Après Play, nouvel échec pour la Gaumont. Une belle équipe avec Kad Merad dérape à 343 630 spectateurs. La crise de la COVID n’y est pour rien. Au 12 février, le film ramassait déjà des miettes (7 653 amateurs de comédies sportives françaises)
  • Premier film de Laurent Heynemann en 20 ans. Je ne rêve que de vous avec Elsa Zylberstein, Hippolyte Girardot, Emilie Dequenne et Mathilda May stoppe sa carrière à 51 386. La COVID n’y est pour rien.

Semaine du 22 janvier 2020

Haley Bennett dans Swallow

Haley Bennett dans Swallow – Copyright UFO Distribution

  • Bad Boys for Life surfe sur la vague de la nostalgie pour les blockbusters des années 90 et peut s’enorgueillir d’avoir attiré 1 726 212 spectateurs. Sony avait été prudent, en convoquant une combinaison très convenable de 619 écrans. La production aurait dû se hisser au-dessus des 1 800 000 spectateurs sans le virus mortel qui provoque la fermeture des salles lors de sa 8e semaine d’exploitation. C’est donc le 4e plus gros succès de l’année en terme d’entrées.
  • Scandale sorti chez Metropolitan FilmExport réalise un score moyen de 394 170 spectateurs. Sa chute, faute de nominations importantes aux Oscars, est particulièrement visible en 3e et 4e semaine. Là encore, la COVID n’y est pour rien.
  • Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part d’Arnaud Viard démarre bien avec 212 027 spectateurs. Il finira sa carrière à 450 867 entrées.
  • Lors d’une semaine où 14 nouveautés s’installent péniblement en salle, donnant le ton d’une année très difficile pour les salles obscures, le retour de Fabrice Du Welz avec Adoration est malheureusement compliqué. Son distributeur ne trouve que 5 salles sur la capitale, et 36 écrans en province. Les Bookmakers et The Jokers, à la manœuvre distributive, font de leur mieux pour créer un statut culte autour de ce film qui stoppera sa carrière au bout de 15 jours, soit un total déstabilisant de 8 095 amateurs de cinéma contemplatif étrange. On est très loin du score de Swallow distribué plus tôt par UFO.
Adoration, affiche du film de Fabrice du Welz

Illustration : Laurent Durieux

 Semaine du 29 janvier 2020

  • Dix-huit nouveautés pour une semaine très riche, marquée par des échecs en cascade.
  • Cuban Network d’Olivier Assayas part trop bas, avec 89 000 spectateurs dans 200 salles. Son budget étant supérieur à 10 millions d’euros, c’est trop peu.
  • L’esprit de famille démarre mal (122 373 entrées dans 368 salles), mais sa chute de 50% en 2e semaine, et de 46% en 3e semaine, démontre qu’il n’avait pas de lion dans le moteur.
  • En parlant de félin, l’un des bides français de l’année revient au  Lion de Ludovic Colbeau-Justin. Ce buddy movie de 14 millions d’euros est un nouvel accident industriel pour Dany Boon après Le dindon en 2019 (256 030). L’acteur et Pathé avaient choisi la date pour incarner la comédie des vacances d’hiver, mais le duo Boon-Katerine s’écrase dès le lancement (253 092 entrées dans 714 salles). Puis, 107 201 entrées en 2e semaine… En 4e semaine, Le lion est mort avec 22 817 spectateurs dans 433 salles. La comédie n’a même pas attendu le début de la crise sanitaire pour balbutier. Ce qui est grave pour la production hexagonale, c’est qu’il n’y aura aucune production nationale pour casser la baraque, faisant de 2020 une catastrophe totale pour l’industrie cinématographique française qui a besoin de grosses machines.
  • Le film à Oscar totalement ovniesque, Jojo Rabbit de Taika Waititi, est un film très délicat à sortir pour  le studio Disney. Le cinéaste néo-zélandais y relate les fantaisies d’un jeune Allemand dont l’ami imaginaire n’est autre que Hitler. Malgré ce périlleux sujet, la comédie dramatique trouve sa voie, et glane 408 217 spectateurs dans 165 cinémas. La crise du coronavirus mettra un terme précipité à une exploitation qui était partie pour durer sur du long terme.
  • Semi-victime du coronavirus, Les traducteurs de Refis Roinsard (Populaire), avec Lambert Wilson, réalise une terne première semaine (121 867 dans 348 cinémas), malgré un beau potentiel. La crise l’enterrera à 279 035 spectateurs.
  • La bataille de boulette géant 2 (132 077) et Mission Yéti (84 065) n’ont pas réussi les entames suffisantes pour amorcer la chute provoquée par la crise sanitaire, à la fin du mois de février.
  • La voie de la justice ne donne pas beaucoup de voix à Michael B. Jordan, Jamie Foxx et Brie Larson pour se faire entendre dans les salles (315 693 entrées), mais le film à thèse bénéficiait d’un vrai bouche-à-oreille (-29% en deuxième semaine, -26%, – 43%). Il s’agit bel et bien d’une œuvre qui a pâti sur la durée du contexte.
Jojo Rabbit : bande-annonce

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