Adoration est un conte luxuriant aux portes de la folie et de la passion, très proche de Vinyan dans sa progression. Fabrice du Welz a retrouvé l’inspiration.
Synopsis : Paul, un jeune garçon solitaire, rencontre Gloria, la nouvelle patiente de la clinique psychiatrique où travaille sa mère. Tombé amoureux fou de cette adolescente trouble et solaire, Paul va s’enfuir avec elle, loin du monde des adultes…
Adoration, la revanche de Fabroce du Welz
Critique : Après quelques ratés (l’accident industriel Colt 45 dont il n’acheva même pas le tournage, et le viligante en terre américaine Message from the king), Fabrice du Welz revient à un cinéma personnel qui crache ce qu’il a dans les tripes. Sans jouer sur la violence choc de certaines de ses œuvres et sans chercher à revenir à un cinéma subversif (Calvaire, Alléluia), le cinéaste belge livre néanmoins ce qu’il y a de plus fort dans son cinéma, sa sensibilité, sa passion, la poésie inhérente aux lieux sauvages coupés de la civilisation qu’il aime filmer, et donc toute sa cohérence artistique.
Fable de la marginalité
Adoration met en scène l’escapade de deux adolescents marginaux d’un hôpital psychiatrique, elle comme patiente, lui comme fils d’employée, tous deux enchaînés l’un à l’autre par une passion aussi fulgurante que dévorante, et qui dérape dans la folie. La narration déploie une progression continue dans un macrocosme de conte étouffant qui n’est pas sans évoquer celle des deux adultes de Vinyan qu’interprétaient Emmanuelle Béart et Rufus Sewell. La démence prégnante y est moins virulente, plus organique. Le cadre européen y est pour beaucoup.
Dans ce valeureux Adoration, tout un travail de lumière, une utilisation parcimonieuse de la musique et des rencontres étranges (formidable Poelvoorde) jalonnent cette union des sensibilités où la paranoïa générée par les troubles psychiatriques du personnage joué par Fantine Harduin trouve un contrepied magnifique dans le jeu tout en innocence du jeune Thomas Gioria. Il nous avait déjà largement impressionné dans Jusqu’à la garde en 2018, où il jouait le fils de Léa Drucker. Devenu ange gardien dans une sphère de l’âme qui lui échappait, son personnage embrasse l’initiation à la vie, avec une pureté d’âme que l’on nommerait candeur… Ce candide d’un monde désabusé apporte une lueur d’espoir dans la folie contagieuse de l’héroïne dont les crises parviennent à nous gagner dans leur malaise.
Seuls, dans un monde libéré du joug familial et des contingences de la société adulte, les deux amoureux adolescents nourrissent une somptueuse histoire d’amour qui fait battre le cœur des spectateurs.
Critique : Frédéric Mignard