Dans Mignonnes, la réalisatrice scénariste Maïmouna Doucouré dépeint, entre violence et légèreté, le difficile apprentissage de la féminité d’une pré-ado tiraillée entre deux cultures opposées.
Synopsis : Amy, 11 ans, rencontre un groupe de danseuses appelé : « Les Mignonnes ». Fascinée, elle s’initie à une danse sensuelle, dans l’espoir d’intégrer leur bande et de fuir un bouleversement familial…
Critique : Après que son court métrage Maman(s) ait été sélectionné dans plus de 200 festivals et ait reçu, en 2016, le Prix International à Sundance, la réalisatrice Maïmouna Doucouré est à nouveau récompensée par ce Festival américain mondialement réputé, puisqu’elle remporte en janvier 2020 le Prix de la meilleure réalisation avec ce premier long-métrage inspiré de sa propre histoire à mi-chemin entre France et Sénégal.
Mignonnes aborde avec sensibilité l’hypersexualisation des pré-adolescentes
Si ses deux œuvres sont sensiblement différentes, elles ont en commun de savoir se placer à juste hauteur d’enfant, et plus précisément ici d’une enfant qui s’échine, au milieu des embûches, à trouver le meilleur chemin pour atteindre le statut d’adulte. Si cette douloureuse transition n’est pas exempte de violence, Maïmouna Doucouré trouve le parfait équilibre entre naïveté enfantine et hypersexualisation, créant ainsi un lien fusionnel entre le spectateur et le personnage principal.
La jeune Amy vient d’emménager avec sa famille dans une nouvelle résidence où elle ne connaît personne. A l’école, elle a tôt fait de repérer un groupe de filles à l’allure délurée et aux tenues provocantes. Elle tente de les approcher mais ne reçoit qu’un accueil mitigé, presque méprisant. Elle rêve pourtant d’intégrer ce groupe artistique que ces gamines émancipées ont intitulé Les Mignonnes. On y danse le twerk, une danse sensuelle composée de mouvements lascifs et de déhanchements suggestifs qui semblent recueillir tous les suffrages de leurs abonnés aux réseaux sociaux.
Parallèlement, loin de ce tumulte insolent, la vie dans la famille d’Amy se déroule d’une toute autre manière. Son père annonce son arrivée du Sénégal en compagnie de sa deuxième épouse. Tétanisée autant par la détresse qu’elle lit dans les yeux de sa mère, contrainte d’accepter une situation matrimoniale qui ne lui convient pas, que par le discours désuet de sa tante qui tente de la convaincre des devoirs inhérents à la gente féminine de son pays, elle passe son temps à répéter, à l’aide de vidéos, les postures scéniques qui lui permettront de rejoindre au plus vite celles qui détiennent, de son point de vue, la seule forme de liberté possible.
La femme et l’oppression
Si le récit, solidement ancré dans la réalité bien que pimenté de quelques notes de fantaisie rattachées à l’imaginaire enfantin, reste somme toute classique, il est dynamité par la présence magnétique de Fathia Youssouf (Amy), dont la capacité à passer du statut de mouflette timide à celui de femme fatale assumée subjugue. Une mise en scène vive soutenue par une lumière chaude rend hommage aux talents chorégraphiques de ces comédiennes en herbe n’hésitant pas à mettre en valeur les attitudes les plus équivoques, celles-là même qui risquent bien de choquer les âmes les plus puritaines.
Des images choc sans doute pourtant nécessaires pour mettre en lumière avec fermeté et sans parti pris deux visions de la condition féminine prétendument antinomiques mais unanimement oppressantes. D’un côté, une société faussement libératrice qui n’a à offrir à ces jeunes filles que la superficialité du mercantilisme qui vend contre quelques clics et likes l’illusion d’une reconnaissance éphémère. De l’autre, un monde fortement traditionaliste qui continue encore et toujours à perpétrer les injustices faites aux femmes.
Un tel sujet aurait pu facilement s’enliser. Mais Doucouré cultive avec soin la part d’enfance qui palpite encore sous le cœur de ses jeunes protégées qui si elles ne sont pas totalement mignonnes (définition : délicates et aimables) sont réellement attachantes.