Je ne rêve que de vous : la critique du film (2020)

Drame, Histoire | 1h40min
Note de la rédaction :
9/10
9
Je ne rêve que de vous, de Laurent Heynemann, affiche du grand retour du cinéaste

Note des spectateurs :

Je ne rêve que de vous est une fresque romanesque qui réunit histoire et fiction et éveille notre curiosité tout en nous émerveillant du destin de personnages hors du commun.

Synopsis : 1940. Jeanne Reichenbach renonce à sa vie confortable pour lier son destin à celui de Léon Blum. Elle l’aime depuis l’adolescence et sacrifie sa liberté pour l’épouser à Buchenwald où il est enfermé. Ils survivront.

Une part méconnue de la vie de Léon Blum

Critique : Après avoir été l’assistant de Bertrand Tavernier, Laurent Heynemann se lance à son tour dans la réalisation en 1977 avec La question, un premier long-métrage dans lequel il dénonce la torture durant la guerre d’Algérie. Désormais, la majeure partie de sa filmographie portera l’empreinte de son engouement pour la politique. Après plusieurs portraits d’hommes politiques (Pierre Mendès France, René Bousquet, Pierre Bérégovoy…) pour la télévision, il s’inspire librement du roman de Dominique Missika, Je vous promets de revenir, et fait son retour au cinéma avec un film d’époque, genre cinématographique prétendument peu prisé. Pourtant son talent (et celui de son coscénariste Luc Béraud) à entrelacer connaissance historique et aventure humaine ne devrait avoir aucune peine à retenir l’attention de ceux qui s’intéressent un tant soit peu à cette période sombre et récente qu’est la Seconde Guerre mondiale, surtout quand elle s’enrichit d’une réflexion à la fois aiguisée et bienveillante sur la complexité des rapports entre les êtres au cœur de ces temps troublés. Car s’il dévoile une part méconnue de la vie de Léon Blum et de ses revers politiques, Heynemann dresse avant tout le portrait d’une femme éperdument amoureuse à qui Elsa Zylberstein, entre élégance et détermination, transmet une réelle incandescence.

Hippolyte Girardot dans Je ne rêve que de vous

© Mazel Productions – photo de David Koskas

Je ne rêve que de vous, l’Histoire et l’incandescence d’acteurs impériaux

Cette femme que le réalisateur ne voulait ni résistante, ni collabo mais « héroïne des sentiments » pour reprendre ses propres termes, c’est Jeanne Reichenbach, une juive riche mariée à un industriel doux et aimant (Grégori Dérangère touchant de dignité) qui, pour la protéger, elle et son fils, lui propose l’exil vers les Etats-Unis. Mais depuis ses plus jeunes années, elle n’a d’yeux que pour Léon Blum, (Hippolyte Girardot) cette figure emblématique du socialisme de l’entre-deux-guerres. Il est pourtant désormais dans une mauvaise posture politique. Il ne bénéfice plus du soutien de son parti. Juif dans cette France antisémite, même s’il a largement contribué à améliorer le sort des ouvriers, il est accusé de tous les maux. En 1940, il se range au nombre des parlementaires qui refusent d’accorder les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Le régime de Vichy le jette en prison avec quelques autres (Daladier, Reynaud, Mandel…). Livré par Pierre Laval aux nazis, il est déporté en 43 à Buchenwald dans une maison forestière, tout près du camp. Malgré les 27 ans qui les séparent, et les difficultés qui les attendent, celle que Blum surnomme Janot, telle une mère protectrice fait tout pour adoucir ses tourments et le soutient, ne reculant devant aucune folie, y compris de celle de contacter Pierre Laval (Philippe Torreton impressionnant d’autorité) pour qu’il l’autorise à accompagner son compagnon à Buchenwald. Grâce au dévouement de sa Janot bien-aimée, Blum trouve la force de résister et de survivre à l’enfermement. Mais les obstacles ne sont pas que politiques, ils sont aussi familiaux.

Je ne rêve que de vous, et l'histoire méconnue de Léon Blum

Création Silenzio – © Mazel Productions – Crédit photo de David Koskas

Renée, la belle-fille de Blum, une autre femme forte et indépendante à qui Emilie Dequenne accorde authenticité et humanité, dont l’engagement politique s’accommode mal des émois passionnels de Janot, la juge futile. Leur admiration commune pour le même homme les pousse à trouver un consensus. De la même manière, les opposants politiques d’autrefois (Mandel à droite, Blum à gauche) pactisent pour lutter contre les mauvais traitements, pendant que la fédératrice et enthousiaste Janot rassemble leurs femmes autour d’elle. C’est assurément à cette capacité à extraire de la noirceur ambiante ces éclatants moments de vie et d’entraide que l’on doit la beauté de ce récit vibrant. Avec son impeccable costume rayé, son chapeau et ses lunettes rondes, dans Je ne ne rêve que de vous, Hippolyte Girardot confère à cette figure historique un stoïcisme et une respectabilité inébranlables qui forcent l’admiration. La sobriété de la mise en scène met harmonieusement en valeur les contours de cette chevaleresque histoire d’amour tout en restituant au plus près les émotions des personnages.

S’il avoue avoir pris quelques libertés avec la réalité historique, ce réalisateur discret qu’est Laurent Heynemann prouve, avec Je ne rêve que de vous, qu’il n’a rien perdu de son don à s’emparer avec intensité d’événements mêlant le plaisir de la découverte culturelle et de la fiction.

Critique : Claudine Levanneur 

Les sorties du 15 janvier 2020

 

Je ne rêve que de vous, de Laurent Heynemann, affiche du grand retour du cinéaste

Création Silenzio – © Mazel Productions – Crédit photo de David Koskas

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Je ne rêve que de vous, de Laurent Heynemann, affiche du grand retour du cinéaste

Bande-annonce du film Je ne rêve que de vous

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