Scandale est une satire politique et féministe qui manque de verve et d’idées de réalisation, mais s’avère truculente de par son trio d’actrices engagées, et son casting globalement enthousiasmant.
Synopsis : Inspiré de faits réels, Scandale nous plonge dans les coulisses d’une chaîne de télévision aussi puissante que controversée. Des premières étincelles à l’explosion médiatique, découvrez comment des femmes journalistes ont réussi à briser la loi du silence pour dénoncer l’inacceptable.
Scandale où les prémices du mouvement #MeToo
Critique : Premier véritable avatar de l’ère #MeToo, Scandale marque l’alliance de deux des femmes les plus fortes de Hollywood. Charlize Theron a un poids commercial certain et son engagement l’a toujours rendue audible, Nicole Kidman a su s’engager sur des projets artistiques périlleux, des causes qui dépassent largement les canons traditionnels hollywoodiens. Sa place au casting d’un pamphlet féministe est donc tout aussi justifiée. A la réalisation, la présence de Jay Roach, issu de la comédie pure et au style passe-partout, est plus contestable. Le réalisateur des Austin Powers et de Mon beau-père et moi est certes véritablement passionné de politique (voir ses choix engagés dans sa partie méconnue d’une filmographie inattendue), mais son style est impersonnel et il ne trouve pas toujours le bon ton dans la satire et l’approche narrative qui peut comporter certaines lourdeurs.
Toutefois Scandale est impressionnant de force dans ce qu’il a à raconter, démontrer et dénoncer, si peu de temps après la mise en place du pouvoir populiste de Donald Trump et de la chute d’un nabab de la presse, représentant d’un système vérolé, qui est d’autant plus jouissif qu’il représente l’un des géants du média ultra-conservateur et manipulateur, Fox News. Le film fonce, percute, sans trop de méchanceté, mais avec une certaine acuité, dans son constat d’un système misogyne qui cultive le secret, le harcèlement, tout en portant une morale douteuse dans les dossiers traités à l’antenne.
Inside Fox News
Se retrouver au cœur de la machine à fake news appartenant au magnat Ruppert Murdoch inspire une certaine fascination. Celle de l’avalement de couleuvres de certains collaborateurs, la conscience d’appartenir à une machine à façonner l’esprit et à conformer l’individu à des dogmes. Le personnage lesbien dans le placard, joué par l’actrice ouvertement homosexuelle Kate McKinnon, qui dissimule son identité en raison d’un environnement hostile, est à ce niveau signifiant, tout comme le format de la journaliste, qui doit vendre du visuel, avec l’attirail de la poupée Barbie qui va avec, des jambes à la blondeur de la chevelure.
On se demande donc, comment dans pareil champ de batailles pour prédateurs, ces personnages féminins ont pu tenir. A ce sujet, nous avons écouté, sur YouTube, l’avis des vraies protagonistes à la sortie d’une séance privée de Scandale auquel elles n’ont nullement été attachées dans le processus créatif et l’écriture du scénario. L’émotion de Megan Kelly, ancienne présentatrice star de Fox News, – celle qui avait su tenir tête au symbole du mâle prédateur, Donald Trump, lors d’une interview passée à la postérité et dont il est question au début du film -, et de ses anciennes collègues, malgré quelques libertés prises par le film, est réelle. Elle s’avère même plus puissante que dans la fiction inspirée de leur histoire à l’écran, qui reproduit visiblement avec précision certains moments difficiles qu’elles ont traversés et sans trop les trahir. A voir ci-dessous en complément du film.
Les coulisses du pouvoir
Dans le rôle de la journaliste Megan Kelly, Charlize Theron est éblouissante de ressemblance vocale et évidemment physique. Le maquillage la métamorphose en cette femme de puissance, de force, mais qui ne jouit pas du pouvoir encore exclusivement destiné aux hommes. Dans ce film un peu choral, où les destinées se croisent au détour d’une scène d’ascenseur, à la fois cocasse et émouvante, les comédiennes portent largement le biopic sur leurs épaules. Elles incarnent des femmes actrices de leur propre destinée qui ont tout à perdre et tant à gagner. Cette question du choix, de l’éthique, revient souvent : jusqu’où aller dans la dénonciation quand les conséquences professionnelles peuvent être dévastatrices ?
Avec une conviction qui place le film au-dessus de la mêlée, les stars hollywoodiennes embarquent le spectateur jusqu’au bout de leur lutte et parviennent largement à nous faire oublier la réalisation un peu soap. Jay Roach ne déshonore pas la cause, mais c’est bien le Spielberg de The Pentagon Papers que l’on aurait aimé voir derrière la caméra pour transcender le sujet. Nonobstant, Scandale est très fréquentable, voire nécessaire.
Critique : Frédéric Mignard
Sorties de la semaine du 22 janvier 2020