Entre rire et émotion, Sol dépeint la tendre guerre de deux femmes que tout oppose mais qui, pour l’amour d’un enfant, apprendront à se connaître.
Synopsis : Sol, célèbre interprète de tango argentin, vit à Buenos Aires depuis de nombreuses années. Derrière son tempérament excessif et son sourire incandescent, la diva cache une blessure dont elle ne s’est jamais réellement remise : la perte de son fils unique, Raphaël, avec qui elle avait rompu tout lien. Sol revient à Paris dans l’espoir de rencontrer enfin Jo, son petit-fils de 7 ans, né de l’union de Raphaël et Eva, sa belle-fille, qu’elle ne connaît pas. Mais devant eux, Sol prend peur et prétend être là pour louer le studio situé sur leur palier. Dès lors, elle va tout faire pour apprivoiser ses nouveaux voisins…
Critique : Après Renée, un court-métrage qui réunissait, entre humour et tendresse, une grand-mère délurée et une petite-fille trop sage, Jézabel Marquès reprend la même recette pour nous émouvoir de cette rencontre belle-mère/belle-fille aussi explosive que pudique.
Un duo d’actrices remarquables, dans un registre émouvant
Femme indépendante et déterminée, Sol (Chantal Lauby) est une star du tango. Elle n’a vécu que pour son art et la gloire qui l’accompagne, dans une légèreté et une inconscience incompatibles avec toute vie familiale. L’âge venant, elle prend conscience que son égocentrisme l’a coupée du reste du monde et que la solitude la guette, même si elle peut encore compter sur l’appui de Jacques, un fidèle amant, à qui l’élégant Serge Bagdassarian prête son imposante présence et sa puissance poétique. Elle tente alors par tous les moyens de se rapprocher Jo (le jeune Giovanni Pucci) ce petit-fils, qui seul la relie encore à ce fils désormais disparu qu’elle regrette d’avoir si peu connu. Pour arriver à ses fins, elle va devoir apprivoiser la mère de l’enfant, Eva (Camille Chamoux), une jeune femme effacée et meurtrie par la perte de son mari qui, pour se protéger des mauvais coups du sort, se calfeutre désormais dans une totale indifférence aux autres et qui n’a donc aucune envie de sympathiser avec cette femme trop chic, trop fantasque et surtout trop curieuse qui vient d’emménager dans le studio voisin.
S’appuyant sur une musique de tango au rythme à la fois langoureux et triste tout en prenant soin d’éviter toute mièvrerie, la réalisatrice-scénariste trouve le ton juste pour, à partir de cette histoire de deux femmes qui, par amour d’un même homme et d’un même enfant, se doivent de trouver un terrain d’entente, construire un récit universel auquel chacun pourra s’identifier. Sans doute le choix surprenant mais efficace de son duo d’actrices n’y est pas étranger.
Sol réconcilie les générations
Celle qui restera pour toujours l’amuseuse la plus emblématique de la bande de joyeux lurons que furent les Nuls dans les années 90 et continue à susciter une empathie immédiate auprès du public dévoile ici toute l’étendue de son potentiel dramatique, bouleversante dans l’émotion et capable de nous faire passer du rire aux larmes en un instant. Toujours habillée avec goût comme l’exige son statut d’ex-diva, Sol/Lauby écrase de sa supériorité vestimentaire cette jeune veuve bien peu préoccupée par son apparence, ment à tout propos, et incite l’enfant à toutes les facéties, histoire de faire sortir sa mère de ses gonds ; et pourtant, on ne peut s’empêcher de l’aimer tant ses efforts pour cacher ses blessures sous une bonne dose de fantaisie sont louables. Quant à l’espiègle Camille Chamoux, elle se glisse avec un plaisir évident dans la peau de ce personnage psychorigide, bien éloigné des compositions de ses spectacles habituels, à qui elle communique sans peine à la fois énergie et fragilité.
La complicité affichée des deux comédiennes, associée à la spontanéité de l’enfant qui les accompagne et à l’authenticité des rôles secondaires (de Yannick Renier à Serge Bagdassarian) installe, entre joie et mélancolie, une réjouissante dynamique de transmission, à l’heure où quelques esprits chagrins s’échinent de plus en plus souvent à renvoyer les générations dos à dos. Une agréable douceur qui ne se refuse pas !
Critique : Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du mercredi 8 janvier 2020