Si Les traducteurs dispose d’un casting international de haute volée, le thriller trébuche sur un scénario trop tarabiscoté pour convaincre.
Synopsis : Isolés dans une luxueuse demeure sans aucun contact possible avec l’extérieur, neuf traducteurs sont rassemblés pour traduire le dernier tome d’un des plus grands succès de la littérature mondiale. Mais lorsque les dix premières pages du roman sont publiées sur internet et qu’un pirate menace de dévoiler la suite si on ne lui verse pas une rançon colossale, une question devient obsédante : d’où vient la fuite ?
Critique : Il est des films policiers qui ont l’amabilité d’égrener judicieusement leurs indices afin d’offrir une compréhension fluide. D’autres, sans doute pour se démarquer, décident d’emprunter des chemins tortueux, quitte à perdre l’attention du spectateur. Les traducteurs appartient incontestablement à cette deuxième catégorie, entortillé dans un récit puzzle dont il devient impossible de rassembler les morceaux et qui, à force de vouloir étonner à tout prix, s’effiloche.
Après Populaire (2012), une comédie romantique légèrement désuète mais du plus bel effet, Régis Poinsard change totalement de registre et s’attaque, avec ce nouveau long métrage, au monde de littérature que beaucoup d’entre nous imaginent être le dernier domaine culturel à ne pas subir les affres du marketing galopant et d’un libéralisme débridé.
Les traducteurs, huis clos anxiogène…
S’inspirant d’un fait divers survenu lors de la parution d’Inferno de Dan Brown tendant à démontrer que certains ouvrages à haut potentiel de rentabilité devenus désormais produits de consommation doivent bénéficier d’une protection secret-défense, il bâtit un huis clos anxiogène.
Neuf traducteurs de neuf nationalités différentes sont enfermés dans un bunker gris et froid façon James Bond, à l’abri de tout contact extérieur. Leur mission : traduire chacun dans sa langue un best-seller que le monde entier attend. Cette première partie en forme d’énigme fleure bon les romans d’Agatha Christie et laisse présager un suspense de bonne tenue. Les protagonistes dont les personnalités se révèlent entre humour et émotion constituent les pièces d’un échiquier surveillé par des gardes du corps peu amènes et régentés de main de fer par un éditeur vénal et méprisant dans la peau duquel Lambert Wilson prend un malin plaisir à se glisser.
… Mais peu crédible
Ces esclaves lettrés deviennent donc les coupables idéaux quand, tout à coup, les dix premières pages de l’objet tant convoité apparaissent sur le net, faisant brusquement basculer le plaisant rébus dans une histoire d’arnaque et de vengeance aux contours indéfinis. Lesté d’incessants retournements, empêtré dans des situations si peu crédibles que le suspense s’en trouve réduit à la portion congrue, le film perd de son énergie et s’essouffle dans une narration factice.
Finalement, c’est à travers son casting que se révèle le bien-fondé de ce polar présomptueux. L’élégance naturelle de Lambert Wilson se heurte de plein fouet à la cruauté de ce personnage démoniaque qui subjugue autant qu’il terrorise. A ses côtés, Sara Giraudeau, impeccable dans le rôle de cette subordonnée troublante, insuffle une dose bienvenue d’ironie et de distance. Face à lui l’Ukrainienne Olga Kurylenko, l’Italien Riccardo Scamario, la Danoise Sidse Babett Knudsen, l’Espagnol Eduardo Noriega, le Britannique Alex Lawther, l’Allemande Anna Maria Sturm, le Grec Manolis Mavromatakis et la Portugaise Maria Leite forment un panel européen délicieusement cacophonique, clin d’œil gentiment moqueur à la structure désarticulée de notre chère Europe et même au-delà puisque la Chine se mêle à la partie sous les traits de Frédéric Chau, français d’origine asiatique.
In fine, ce qui s’annonçait comme un film à suspense d’envergure ressemble surtout à un simple divertissement au concept certes innovant mais inabouti.
Critique : Claudine Levanneur