Hurlements vaut surtout le coup d’œil pour sa séquence centrale de transformation d’un homme en loup-garou. Le reste paraît assez anecdotique à cause d’un scénario inégal, d’une ambiance morne et de personnages peu charismatiques.
Synopsis : Karen White, une présentatrice TV, fait une pause dans sa carrière à la suite d’un incident traumatisant avec un tueur en série. La police a pu la sauver en tuant le dangereux individu. Mais Karen est-elle réellement en sécurité ? Sur les conseils du Dr George Waggner, elle rejoindra « La Colonie », un centre de repos où vivent toutes sortes d’énergumènes. Ses cauchemars lui rappellent sa rencontre avec le tueur… jusqu’à ce que celui-ci réapparaisse à la pleine lune et attaque les résidents de la Colonie…
Un roman à succès largement remanié
Critique : En 1977, le romancier américain Gary Brandner connaît un gros succès avec le premier volet de ce qui deviendra une trilogie littéraire : The Howling. Le livre rénove la thématique du loup-garou et son statut de best-seller le prédispose immédiatement à être acheté par les studios hollywoodiens pour être transposé au grand écran. Durant plusieurs années, Jack Conrad tente de monter le projet pour le compte de l’Embassy Pictures. Pourtant, au bout de plusieurs mois de travail, des désaccords s’accumulent et le studio choisit de confier le film à d’autres artistes.
Auréolé du succès récent de son Piranhas (1978) tourné pour le compte de Roger Corman, le réalisateur Joe Dante arrive donc sur le projet et apporte avec lui le scénariste – et futur cinéaste talentueux – John Sayles qui était déjà son complice sur le film précédent. Dès lors, les deux compères reprennent le script du début et s’éloignent du roman d’origine. Ainsi, ils modifient les raisons qui poussent la présentatrice télé Karen White à venir à la Colonie – il s’agissait dans le livre des suites d’un viol – et surtout, ils changent intégralement le décor et les lieux de cette institution psychiatrique.
© 1981 StudioCanal / © 2021 Splendor Films. Tous droits réservés.
Hurlements souffre d’une première partie peu intéressante
On peut sans doute regretter ces choix, puisque le principal défaut de ce Hurlements (1981) vient justement de l’absence de motivation forte de la part des protagonistes principaux. Ainsi, on ne comprend jamais vraiment l’origine du trauma de la journaliste – pourtant agréablement jouée par Dee Wallace. Plus globalement, le long-métrage souffre de son entrée en matière qui n’est pas franchement crédible et qui semble d’abord s’inscrire dans un thriller à connotation perverse. Cette première partie assez longue ne s’avère pas franchement passionnante à cause d’une écriture des personnages assez superficielle.
Dès que la journaliste et son conjoint – le falot Christopher Stone, pourtant réellement en couple avec Dee Wallace à cette époque – arrivent dans la fameuse Colonie, le cinéaste tarde encore à abattre ses cartes. Alors que le spectateur se doute rapidement que la Colonie cache bien des secrets liés à la lycanthropie, Joe Dante et John Sayles font mine de tergiverser et livrent plusieurs séquences de suspense assez plates et sans grand sens de l’ambiance. Le spectateur doit donc patienter une bonne cinquantaine de minutes avant qu’une séquence vienne vraiment le secouer sur son siège.
Une séquence exceptionnelle : la transformation en loup-garou
La transformation d’un homme en loup-garou, filmée en un long plan, est assurément le moment de bravoure du long-métrage. Alors que les effets devaient initialement être signés Rick Baker, celui-ci a été débauché par John Landis pour une séquence similaire dans son Loup-garou de Londres (1981). C’est donc l’assistant de Rick Baker, un certain Rob Bottin qui a eu la lourde responsabilité de signer cette séquence qui a révolutionné les effets spéciaux de maquillage. Au petit jeu des comparaisons, nous préférons toutefois la séquence londonienne tournée par John Landis, plus belle et moins frontale dans sa réalisation.
© 1981 StudioCanal / © 2021 StudioCanal. Tous droits réservés.
Après ce coup d’éclat qui fait encore son petit effet de nos jours, Hurlements s’avère plus dynamique, même si l’on n’apprécie toujours pas ses personnages, ni même son cadre sylvestre, plutôt mal exploité. On peut également regretter la faiblesse de la composition musicale de Pino Donaggio qui fut généralement plus inspiré pour enrober les images de Brian De Palma. Ici, il se contente d’un score assez anodin où aucun thème fort ne se démarque vraiment. Certes, la dernière séquence qui entraîne les personnages vers leur fin programmée est une vraie réussite sur le plan dramatique, mais cette fois-ci, ce sont les effets de maquillage qui font défaut.
Un film qui a reçu de bonnes critiques
Finalement, Hurlements est considéré par beaucoup comme un film culte et un classique du genre, mais il nous paraît surcoté. Effectivement, sa tentative de moderniser le mythe du lycanthrope n’est pas franchement convaincante. De plus, les incessants clins d’œil cinéphiles de Joe Dante – le fait que tous les personnages portent des noms de réalisateurs ayant bossés sur des films de loup-garou par exemple – peuvent ravir les geeks, mais cela demeure assez limité et vraiment trop évident pour pleinement convaincre.
Alors que bon nombre de films d’horreur se font incendier par les critiques, Hurlements a reçu plutôt des bons papiers lors de sa sortie aux Etats-Unis en avril 1981. Dès le premier week-end, le budget du film était déjà amorti, avec plus d’un million de dollars de recettes. Le métrage a ensuite vu ses recettes grimper à 17,9 M$ (soit 64,9 M$ au cours de 2023), ce qui en fait un joli succès, puisque son budget était nettement inférieur à celui du Loup-garou de Londres, sorti la même année.
Hurlements, un prix à Avoriaz et un gros succès en France
En France, le long-métrage a été présenté au Festival d’Avoriaz en janvier 1981 où il a obtenu le Prix de la critique ex-aequo avec Quelque part dans le temps (Szwarc). Le distributeur UGC -Europe 1 a profité de cette belle exposition médiatique pour lancer les loups sur les écrans français dès le 21 janvier 1981, soit quelques mois avant les Etats-Unis. Bien lui en a pris puisqu’Hurlements sera le film d’horreur le plus vu de l’année 1981 par le public français, se plaçant même à la 31ème marche du podium annuel, toutes productions confondues.
A Paris, le long-métrage entre directement à la 2ème place de la semaine avec 71 464 mordus dans une vingtaine de sites. Ce très beau résultat permet au film de gagner plusieurs écrans et d’afficher 54 408 lycanthropes supplémentaires en deuxième septaine. Joe Dante reste en forme en troisième semaine avec 45 239 Franciliens en plus. Au bout d’un mois, le métrage franchit la barre symbolique des 200 000 Parisiens amoureux des loups. Toutefois, Hurlements va devoir laisser sa place à d’autres nouveautés et il termine sa belle carrière parisienne à 233 520 chasseurs.
© 1980 AVCO Embassy Pictures Corp
Un film d’horreur plébiscité par la province pendant des mois
Sur la France entière, le film d’horreur a démarré plus timidement, faute de copies en circulation avec une petite 12ème place et 78 249 clients. L’attaque est vraiment lancée au cours du mois de février où le métrage gagne des entrées : 85 891 en deuxième semaine, 98 818 en troisième, 107 591 au bout d’un mois. Il s’agit clairement d’un plébiscite de la part de la province. Début mars, le métrage franchit la barre symbolique des 500 000 entrées. Pourtant, avec près de 60 000 entrées supplémentaires par semaine, Hurlements se maintient parfaitement et devient un phénomène provincial alors qu’il n’est plus à l’affiche à Paris.
Début avril, les loups-garous ont englouti 800 000 spectateurs. Désormais, le métrage dévore 20 000 spectateurs supplémentaires chaque semaine et le métrage est toujours exploité au mois de juin où il franchit allègrement le million d’entrées. Avec une carrière qui s’étale encore tout l’été, Hurlements finit son parcours impressionnant à 1 210 582 spectateurs. Ainsi, il a largement dépassé Le loup-garou de Londres qui est arrivé sur les écrans au mois de novembre 1981 et qui a fini sa carrière à 932 212 entrées.
Une saga peu reluisante
Le beau succès du film s’est ensuite confirmé avec sa diffusion en VHS par le biais des vidéoclubs. Cela a permis d’initier toute une saga dont la plupart des titres furent déplorables. Ainsi, la chute qualitative a été amorcée dès le second volet intitulé dans les salles françaises Horror (Mora, 1985), inénarrable navet avec le pauvre Christopher Lee qui cachetonne. Les autres volets ont souvent été destinés à la vidéo et ce jusqu’à l’ultime déclinaison – la huitième – en 2011 intitulée Full Moon Renaissance (Nimziki). Même si nous n’apprécions pas particulièrement ce premier volet, il est indubitablement le meilleur segment d’une saga décidément dispensable.
A noter que le film a eu le droit à sa reprise en salle en version 4K par le distributeur Splendor Films à partir du 13 juillet 2022.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 janvier 1981
Acheter le film en UHD 4K Steelbook
Voir le film en VOD
© 1981 StudioCanal / Affiche : Michel Landi. Tous droits réservés.