Les chiens de guerre est un film de mercenaire méticuleux et désabusé qui aborde la géopolitique africaine avec une assurance documentaire et la classe froide et martiale de Christopher Walken, fraîchement sorti oscarisé de Voyage au bout de l’enfer.
Synopsis : Jamie Shannon est un mercenaire de renom. Son job : parcourir le monde et participer à toutes les guerres qui peuvent l’enrichir. Il vient d’accepter la mission la plus dangereuse de toute sa carrière : organiser un putsch au Zangaro, État africain gouverné par un dictateur sanguinaire. Pour remplir son contrat, il doit recruter une équipe de dangereux mercenaires… de véritables chiens de guerre.
Les chiens de guerre, un best-seller de Frederick Forsyth
Critique : 1974. Le britannique Frederick Forsyth publie le best-seller Les chiens de guerre. Après Chacal (1971) et Le dossier O.D.E.S.S.A. (1972), c’est un nouveau succès immédiat pour le journaliste écrivain qui ne va pas sans prendre des risques pour aller au plus près de sa recherche documentaire. Ainsi, en Afrique, il avait prétendu fomenter un coup d’état pour pouvoir obtenir des informations au sujet des autorités d’un régime instable de cette époque ; Forsyth avait même infiltré un groupe de trafiquants d’armes patibulaires à Hambourg.
Les adaptations cinématographiques du Chacal de Fred Zinnemann en 1973, puis du Dossier O.D.E.S.S.A. en 1974, sonnent comme une évidence. Les chiens de guerre sera un film à son tour. La société United Artists en achète les droits immédiats et plusieurs noms circulent pour la réalisation : Don Siegel, Michael Cimino qui écrit une version du scénario, Norman Jewison… Ce dernier croit dans le projet et le produira volontiers, faute de le réaliser suite à un différend sur le script finalement adopté.
Le développement prendra six longues années avant l’engagement du documentariste et homme de télévision britannique John Irvin qui signe son premier long métrage. Le succès des Oies sauvages de Andrew V. McLaglen, avec Burton, Roger Moore et Richard Harris, relancera au bon moment la mode des mercenaires au cinéma, figures à la mode dans le western dans les années 60, mais aussi dans les productions de guerre des années 70.
Mercenaires, dictateurs et géopolitique crasse
Dans Les chiens de guerre, les mercenaires sont dirigés par Christopher Walken, et comptent des noms comme Tom Berenger ou le Français Jean-François Stévenin. L’action démarre in media res, avec la fin des exploits guerriers en Amérique centrale. On entreaperçoit un certain talent d’Irvin pour le spectaculaire et l’appétence pour les cieux soufflés de braise. Mais l’aspect documentaire du roman passionne Irvin qui va méticuleusement mettre en scène la préparation d’un putsch, décrivant les différentes étapes, parfois au détriment de l’action.
Irvin met en scène volontiers des protagonistes calculateurs, des anti-héros assez détestables, sans foi ni loi, qui opèrent des transactions politiques avec le cynisme de l’ancien monde libéral. Le monde, à leurs yeux, n’est qu’un champ de bataille néolibéral où le profit justifie la mise en place d’hommes de paille pour servir les intérêts supérieurs des groupes occidentaux.
Christopher Walken est parfait d’élégance et de magnétisme pour ce rôle qui donne froid dans le dos. Il endosse avec subtilité les enjeux géopolitiques et économiques du XXe siècle, trempant volontiers pour de l’argent dans ce qui a le plus déstabilisé le XXe siècle, en Afrique et Amérique latine, les coups d’état successifs à la décolonisation. Dans un casting masculin où la seule femme à bord est l’enjeu de convoitise de tous les bords, l’homme part en mission ornithologique – c’est sa couverture – dans la contrée africaine imaginaire du Zangaro et part chasser de drôles d’oiseaux comme le dictateur au pouvoir, parmi les plus viles et les plus sanguinaires.
Naissance d’un putsch
La longue mise en place africaine perd le rythme des premières minutes, au risque de quelques séquences assez télévisuelles. Mais c’est sans compter le talent d’Irvin pour faire rebondir sa série B avec des séquences européennes très Mission : Impossible. Indéniablement, le tempo reprend ; la dernière partie, ostentatoirement celle du commando, est plutôt efficace et Christopher Walken rayonne. Le spectacle qui paraissait fatigué reprend de l’exaltation et de l’ampleur dans un contexte historique qui est loin de désintéresser le spectateur contemporain. Et pour cause, les décennies passées, la réalité africaine ne paraît guère différente de ce qui est montrée dans ce spectacle de série B de qualité. Il faut y ajouter des Russes et Islamistes, et vous entendrez le désespoir d’un continent.