Starship Troopers emprunte la forme d’un film de propagande fasciste pour mieux dénoncer l’impérialisme américain avec un second degré particulièrement cinglant. Indispensable.
Synopsis : Au XXIVe siècle, une fédération musclée fait régner sur la Terre l’ordre et la vertu, exhortant sans relâche la jeunesse à la lutte, au devoir, à l’abnégation et au sacrifice de soi. Mais aux confins de la galaxie, une armée d’arachnides se dresse contre l’espèce humaine et ces insectes géants rasent en quelques secondes la ville de Buenos-Aires. Cinq jeunes gens, cinq volontaires à peine sortis du lycée, pleins d’ardeur et de courage, partent en mission dans l’espace pour combattre les envahisseurs. Ils sont loin de se douter de ce qui les attend.
Starship Troopers, un film largement incompris à sa sortie
Critique : De l’eau a coulé sous les ponts depuis la polémique qui a fait rage au moment de la sortie de ce Starship troopers (1997), accusé par de nombreux critiques et intellectuels d’être une apologie du fascisme. Déjà à l’époque, il fallait vraiment être aveugle pour ne pas comprendre les intentions réelles des auteurs. Paul Verhoeven et son scénariste Edward Neumeier avaient déjà collaboré sur RoboCop (1987) où de nombreux flashs de journaux télévisés dénonçaient par l’absurde la manipulation médiatique.
En adaptant le roman de SF de Robert Heinlein (effectivement peu connu pour ses opinions progressistes), les deux lurons poussent le bouchon bien plus loin en réalisant un gigantesque spot de pub de plus de deux heures. Utilisant jusqu’à la nausée l’esthétique propre aux films de propagande nazis (merci Leni Riefenstahl), Verhoeven trouble le spectateur et le force à adopter le point de vue indéfendable de personnages d’une superficialité crasse.
I’m a Barbie Girl in a Barbie world
Ainsi, tous les protagonistes humains semblent sortis d’une agence de mannequins : beaux, musclés, absolument divins dans leur perfection physique, ils exhibent un sourire éclatant qui rappellent les figurines désincarnées des jouets Barbie. Durant une première heure, sans doute un peu trop longue, le cinéaste nous plonge dans un soap dégoulinant où les jeunes recrues qui s’engagent sont d’une naïveté et d’une superficialité irritantes. Il anticipe d’ailleurs sans le vouloir certaines dérives de nos sociétés actuelles.
Ces poupées Barbie sont en fait le produit d’une société normative dont on apprend peu à peu à déchiffrer les codes : la réflexion y est totalement absente, le service militaire est le seul moyen de devenir citoyen et les célébrations de masse se font sous des emblèmes impériaux (l’aigle d’acier). Finalement, cette société « idéale » n’est autre qu’un vaste empire fasciste qui prétend se défendre contre des agresseurs aliens.
Verhoeven flingue l’esprit pionnier des Etats-Unis et ses ingérences dans la politique mondiale
Très rapidement, le spectateur se rend compte que l’espèce en question est certes dangereuse, mais elle défend simplement son territoire colonisé par une puissance impérialiste. Les séquences finales qui montrent le cerveau alien faire l’objet d’expériences odieuses ne peuvent que confirmer l’aspect totalement ironique du long-métrage. En réalité, Paul Verhoeven s’en prend de manière indirecte à la toute-puissante Amérique.
Les nombreuses séquences qui renvoient à la mythologie de la conquête de l’Ouest (l’attaque du fort en plein désert, la chevauchée de l’insecte géant) sont autant d’indices qui invitent le spectateur à réfléchir à l’extermination des Indiens par une société dite « civilisée ». A posteriori, on pourrait également y voir un commentaire acerbe de l’intrusion américaine au Proche-Orient.
Un spectacle total aux effets spéciaux encore solides
A côté de cet aspect politique particulièrement détonnant, il ne faut pas négliger la qualité du spectacle de SF qui nous est offert. Sur ce plan, le cinéaste ne se moque pas de son public : il offre des combats spatiaux dantesques et de très violentes attaques entre humains et aliens. Très gore, Starship troopers bénéficie d’effets spéciaux absolument parfaits qui font du film une référence du genre. Alors, pour le sourire faux-jeton de Denise Richards, la plastique irréprochable de Casper Van Dien et la représentation jubilatoire d’une société impérialiste, Starship Troopers est assurément une œuvre majeure et restée longtemps incomprise.
Lors de sa sortie aux Etats-Unis, le film s’est fait assassiner par les critiques qui n’y ont vu qu’une apologie du fascisme. Le grand public ne s’est pas rué en masse non plus et le film, après un début correct, a calé à 54,8 M$ (soit 99,9 M$ au cours de 2023) pour un budget deux fois supérieur. En France également, malgré des critiques plus nuancées, Starship Troopers n’a pas été le carton espéré, puisque le space opera a échoué aux portes du million d’entrées.
On notera que le film a connu ensuite une destinée plus satisfaisante avec ses multiples sorties en vidéo. Devenant culte, le métrage a même fait l’objet de deux suites très inégales éditées directement en DVD. Au cours des années 2010, le film a connu aussi une déclinaison en animation avec deux produits vidéo intitulés Starship Troopers : Invasion (2012) et Starship Troopers : Traitor of Mars (2017).
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 janvier 1998
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Biographie +
Paul Verhoeven, Michael Ironside, Dean Norris, Amy Smart, Clancy Brown, Neil Patrick Harris, Denise Richards, Denise Dowse, Casper Van Dien, Dina Meyer, Jake Busey
Mots clés
La dictature au cinéma, Les films de SF des années 90, Les attaques extraterrestres au cinéma