Producteur, réalisateur et scénariste américain, Roger Corman a obtenu un diplôme d’ingénieur, puis a passé quelque temps à Oxford pour étudier le littérature anglaise. Lorsqu’il revient aux Etats-Unis, il commence par écrire des scripts vers 1954. Furieux de la façon dont son travail est exploité, il se sert de ses premiers cachets pour investir dans la production d’une série B intitulée Monster from the Ocean Floor (Ordung, 1954), puis celle de The Fast and the Furious (Ireland, Sampson, 1954).
Roger Corman, le pape de la série B
Fort de ces deux petites productions, Corman peut entrer dans la société dirigée par Samuel Z. Arkoff et James Nicholson nommée American Releasing Company, qui devient rapidement l’American International Pictures (AIP). Cette firme indépendante se spécialise dans la série B et offre à Roger Corman la possibilité de tourner son premier film en tant que réalisateur : le western Cinq fusils à l’Ouest (1955) avec Dorothy Malone.
Dès lors, il enchaîne les tournages à un rythme effréné, avec des budgets qui ne dépassent jamais 100 000 $ et un calendrier serré qui n’excède pas les quinze jours de tournage pour chaque film. Sur la quantité de longs-métrages tournés, il se permet même d’en réussir quelques-uns comme Not of This Earth (1956), film de science-fiction ironique, Sorority Girl (1957), War of the Satellites (1958), et Mitraillette Kelly (1958) qui lui permet de révéler un jeune acteur nommé Charles Bronson. Dans le kitsch Teenage Cave Man (1958), il révèle également l’acteur Robert Vaughn.
Les années 60 : petits films inspirés et cycle Edgar Allan Poe
De cette période de boulimie filmique, on peut encore mettre en avant Un baquet de sang (1959) et surtout La petite boutique des horreurs (1960) qui permet de révéler Jack Nicholson dans un rôle secondaire marquant. Toutefois, Roger Corman commence à réduire un peu le rythme des tournages en entamant un nouveau cycle en 1960.
Passionné par l’œuvre d’Edgar Allan Poe, Corman s’offre les services de scénaristes comme Richard Matheson ou Robert Towne pour adapter des histoires parfois très courtes de Poe et les mettre au goût du jour. D’ailleurs, certains films ne reprennent que quelques éléments de la nouvelle et développent donc des intrigues originales. Ce cycle Poe débute par La chute de la maison Usher (1960) qui donne la vedette à Vincent Price. La série se poursuit avec La chambre des tortures (1961), L’enterré vivant (1962), L’empire de la terreur (1962), Le corbeau (1963), Le masque de la mort rouge (1964), assurément le meilleur du lot, et La tombe de Ligeia (1964).
Si le cycle est inégal, il a beaucoup fait pour la renommée de Roger Corman.
A la même époque, décidément très en verve, Roger Corman réussit encore quelques films d’horreur comme La tour de Londres (1962) et La malédiction d’Arkham (1964) qui s’inspire conjointement de Poe et surtout de HP. Lovecraft. Mais on retiendra aussi le très ambitieux et audacieux drame The Intruder (1962) qui est sans nul doute le meilleur film de toute la carrière de Corman qui dénonce ici une certaine Amérique conservatrice.
Roger Corman, le découvreur de talents
Egalement, on notera que c’est en ce début des années 60 que Roger Corman offre leur chance à de jeunes apprentis cinéastes comme Francis Ford Coppola, Jack Nicholson, Monte Hellman, Jack Hill et bien d’autres. Si le producteur fut toujours pingre, il a permis à de jeunes talents de s’exprimer dans les limites d’un budget raisonnable. La plupart des artistes ayant débuté avec lui insistent sur la liberté créatrice qui leur était offerte, pour peu qu’ils apprennent à écrire et à tourner vite.
Après le cycle Poe, Roger Corman tente de passer à la série A avec le film de guerre L’invasion secrète (1964) qui, selon ses dires, aurait coûté plus cher à lui tout seul que l’ensemble des films consacrés à Poe. On y trouve un casting de stars avec Stewart Granger, Raf Vallone et Mickey Rooney, mais le film n’est pas un succès.
Retour donc à la case série B avec Les anges sauvages (1966), film de motards destiné à la jeunesse et qui révèle Peter Fonda. Ensuite, Corman enchaîne avec deux bons films de gangsters qui suivent le succès de Bonnie and Clyde : L’affaire Al Capone (1967) et Bloody Mama (1970) où l’on découvre le jeune Robert De Niro. Décidément, Corman a du flair en matière de casting.
Corman arrête la réalisation et se consacre à la production
Avec Le baron rouge (1971), Roger Corman raccroche les gants en tant que réalisateur et choisit de se consacrer quelques temps à la production pour sa propre compagnie New World Pictures. Initialement, Corman pensait s’octroyer une pause d’un an ou deux, mais il ne revient à la réalisation qu’en 1990 avec La résurrection de Frankenstein qui sera son baroud d’honneur.
Comme la réalisation ne l’accapare plus, la production devient son activité principale et Roger Corman est un pourvoyeur de séries B, voire Z, particulièrement actif. On compte plus de 350 films où son nom apparaît en tant que producteur. Parmi les plus célèbres, on trouve Bertha Boxcar (Scorsese, 1972), Cinq femmes à abattre (Demme, 1974), La course à la mort de l’an 2000 (Bartel, 1975), Lâchez les bolides (Howard, 1977), Ilsa, la tigresse du goulag (LaFleur, 1977), Piranhas (Dante, 1978), La galaxie de la terreur (Clark, 1981), House (Miner, 1985) et Carnosaur (Simon, 1993).
Toujours actif dans les années 2010
A partir du milieu des années 90, Corman produit beaucoup de films pour la vidéo ou la télévision. Dans les années 2010, il succombe aussi à la vague des Sharktopus (O’Brien, 2010) et consorts, alimentant donc toujours les spectateurs en séries B, voire Z.
Il continue d’être actif jusqu’à un âge très avancé. Il est également l’auteur d’une excellente autobiographie Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime (1990).
Roger Corman est décédé le 9 mai 2024 à l’âge de 98 ans.