Epouvante sur New York est une série B plaisante qui conjugue le cinéma policier new-yorkais au film de monstre généreux, malgré son budget dérisoire. Daté, mais attachant.
Synopsis : A Manhattan, les forces de police sont confrontées à plusieurs crimes aussi atroces qu’étranges. Au même moment, un énorme monstre volant est aperçu dans le ciel de New York.
Une exclusivité française
Critique : Cannes. Midnight de John Russo, Alone in the Dark de Jack Sholder, le mondo The Killing of America de Sheldon Kong, Humongous de Paul Lynch, L’Abîme des morts vivants de Jess Franco, Next of Kin de Tony Williams, Angel de Robert Vincent O’Neil… Le marché du film ne désemplit pas en matière de B movies, en cette journée du 18 mai 1982. Les distributeurs internationaux s’affairent pour trouver des pépites pour leurs salles locales. Epouvante sur New York va en ressortir avec un certain succès au niveau des accords de vente à l’international. Le serpent à plumes va pouvoir voler de ses propres ailes après une production et un tournage express.
Vendu sous le titre The Winged Serpent, le film est projeté à l’Olympia 3, à 14h. Il est même annoncé à tort, la veille de sa première, sous le titre The Wing3D Serpent dans une revue destinée aux professionnels, pour une diffusion finalement en 2D, sous le titre The Winged Serpent.
Ainsi, et c’est le plus surprenant, c’est la France qui va débuter les affaires. Le distributeur Parafrance qui vient de connaître une année record en 1981, avec 6 films multimillionnaires (Les uns et les autres de Lelouch, New York 1997 de Carpenter, Moi, Christianne F., 13 ans, droguée, prostituée d’Uli Edel, Le Choix des armes d’Alain Corneau, Beau-Père de Blier, Coup de torchon de Tavernier), s’encanaille avec cette épitome de série B, forcément au budget très modeste, qui va compter comme l’une de ses sorties les moins ambitieuses (quelques écrans sur 15 jours à Paris, pour nourrir le circuit Paramount).
C’est donc de la France que cette petite production Larco/Arkoff International prendra son envol pour la première fois, le 8 septembre 1982, un mois avant les USA. Certes, malgré sa magnifique affiche qui vend un film de monstre spectaculaire et demeurera culte aux yeux des enfants des années 80, Epouvante sur New York ne réalisera pas plus de 100 000 spectateurs dans les salles. Mais le film va connaître une petite postérité, en VHS, DVD, Blu-ray, et ce, un peu partout dans le monde. Les droits de ce cousin de King Kong en version Aztèque, ne seront jamais très élevés et le cinéma de Larry Cohen (Le monstre est vivant, Meurtres sous contrôle) n’a jamais cessé de bien se vendre.
Meurtres mystérieux à Manhattan
C’est d’ailleurs le point fort et faible du film. Larry Cohen est un artisan du cinéma de genre des plus sympathiques, qui œuvre depuis le début des années 70 dans la blaxploitation, le polar, et l’horreur. Mais ses films ont également une authentique facture télévisuelle dans leur réalisation.
Cette relecture d’un mythe aztèque que le cinéaste a découvert lors d’un voyage au Mexique, ne change en rien les mauvaises habitudes du réalisateur-scénariste qui n’excelle jamais, y compris dans l’écriture. Le script qui mélange film policier, fantastique et horreur, rituels païens, romance urbaine et comédie de duo (celui que forment indirectement David Carradine, qui cachetonne non sans plaisir, et le boute-en-train Michael Moriarty), est improbable à la base, mais surtout paresseux.
Narrativement, on ne comprend pas l’incapacité de la police locale à trouver par ses propres moyens la tanière new-yorkaise d’un monstre ailé, qui sévit en plein jour entre deux gratte-ciels iconiques. En l’occurrence, ils ne sont pas capable de le dénicher, au sens propre, au sommet du Chrysler Building, que le cinéaste érige comme alternative à l’Empire State Building de King Kong, évidemment, avec beaucoup, mais alors beaucoup moins de moyens et d’autorisations de tournage. Le faiseur Larry Cohen est plutôt maître du recyclage de plans shootés dans d’autres films ou furtivement volés. New York compense largement la platitude de l’intrigue, devenant souvent le personnage principale de cette chasse au monstre en stop-motion.
Mais qu’importe l’histoire. La séance, qui lambinera aux yeux de cinéphiles exigeants et qui sera taxée de ringardise à notre époque des effets spéciaux numériques, distille un charme new-yorkais inhérent à son âge des possible. Le monstre ne vole pas très haut ; il cabotine jusque dans l’insert de plans gore destinés à satisfaire les appétits mercantile du producteur exécutif Samuel Z. Arkoff, dont il s’agira de l’un des derniers films de cinéma après 200 perles du cinéma de quartier américain, dont le monster movie Reptilicus. Larry Cohen, qui venait de vivre une mauvaise expérience sur l’adaptation des enquêtes de Mike Hammer de Mickey Spillane (J’aurai ta peau) dont il venait d’être viré du projet, a besoin d’argent. Lui-même empêtré comme producteur sur Epouvante sur New-York via sa boîte Larco Productions, il est forcément enclin au dialogue, y compris à accepter un titre (The Winged Serpent), dont il n’est pas friand. De nombreux titres alternatifs seront proposés : Q the Winged Serpent, Q tout court…
Box-office d’Epouvante sur New York
Le serpent à plumes s’est faufilé dans 16 cinémas parisiens fort de la puissance de son distributeur, Parafrance, à la tête du circuit Paramount. Ainsi, le film s’est retrouvé aux Paramount City/Bastille/Montparnasse/Orléans/Galaxie/Opéra, mais aussi au Convention Saint-Charles, au Passy et au Max-Linder.
Larry Cohen regroupe 15 686 spectateurs, un score pas forcément bon, puisque seulement 5 salles se situent au-dessus des 1 000 spectateurs hebdo.
Le film entre en 13e place à Paris, une semaine de rentrée 1982 marquée par la sortie du Grand frère avec Gérard Depardieu (92 263 entrées), Querelle de Fassbinder (43 231), La Féline avec Nastassia Kinsk (39 637), Meurtres en direct avec Sean Connery (35 476) et le Max Pécas On n’est pas sorti de l’auberge (28 457).
Dans les cinémas de quartier Face au tigre, l’évadé de Hong Kong avec Dragon Lee trouvait 9 517 amateurs de kung-fu dans 4 salles, Les Griffes d’acier de Shaolin était à fond (7 750 entrées dans une seule salle).
Deux pornos faisaient monter la chaleur : Plein le cul (une vulgarité qui s’intitule en fait Little French Maid, en VO) flirtait avec les 11 000 vieux messieurs dans 4 cinémas, et Trois Danoises sur la plage s’éclatait sur 4 écrans avec le total le plus bas pour une nouveauté cette semaine-là (6 177).
En semaine 2, Epouvante sur New York est exclu de 9 salles. C’est qu’il faut faire de la place pour Blade Runner. Dans ce cas, c’est la chute libre pour la série B qui passe sous la barre des 5 000 spectateurs pour cette ultime semaine de programmation à Paris Périphérie (4 132 spectateurs, total de 19 818 entrées). Une sortie lui a fait de l’ombre : Les massacreurs de Brooklyn, alias Defiance, de John Flynn, une autre production Samuel-Z Arkoff, mais également Jerry Bruckheimer. 7 cinémas Paramount l’accueillaient dans ses salles, pour un total – première semaine de 10 827 spectateurs (13 écrans).
Sorties de la semaine du 8 septembre 1982
Le test blu-ray d’Epouvante sur New York
Epouvante sur New York est le cinquième film de la collection Angoisses de Rimini en 2024 après La nuit de la comète, Night Eyes (Les Rats attaquent), Le Chat et le Canari et Tentacules. La collection regroupe notamment des séries B de vidéo-clubs qui ont fait frémir les enfants des années 80-90 comme Nuit noire, Alice Sweet Alice, La peau sur les os, Hell Night, L’autoroute de l’enfer, Les traqués de l’an 2000, Terreur sur la ville, Mutant, Sweet Sixteen, Dominique, Slumber Party Massacre…
Packaging & Compléments : 4 / 5
Packaging superbe reprenant l’affiche cinéma originale, créée par Bob Gleason et remise au goût du jour par le designer de la collection, Koemzo. Les collectionneurs de la collection Angoisses sont en terrain connu.
Au-delà de ce magnifique packaging, on soulignera la présence de bonus bienvenus, ce qui était devenu rare dans la collection. Un spécialiste des effets spéciaux image par image vient commenter les exploits old-school du film qui place la bestiole au centre des images au lieu de la dissimuler. Un exercice de près de 18 min, mais qui tend à s’intéresser davantage à la carrière du spécialiste qu’au film lui-même.
Un commentaire audio du réalisateur, décédé depuis 2019, vient apporter de nombreux éléments contextuels, notamment sur la réception du film et sa première américaine. C’est un élément de choix, mais les sous-titres sont fluctuants durant la diffusion.
Une bande-annonce clôt la partie audiovisuelle.
Le livret que Marc Toullec a signé est bon, malgré une erreur récurrente gênante sur la référence à l’année 1982. Non, le film n’a pas pu être tourné après sa présentation à Cannes en mai 82. Une relecture serait bienvenue. Néanmoins, Toullec propose un travail précis qui évite de se contenter d’un parcours sur la filmographie du cinéaste pour réellement s’intéresser à cette série B sympathique, au contexte de sa production au lendemain du renvoi de Cohen du tournage de J’aurai ta peau. Une bel examen du casting et de la production est apporté pour une synthèse assez complète de l’histoire de cette série B bienaimée des années 80.
© Package Design 2024 Rimini Editions © 1982 Larco Prod. Inc. All Rights Reserved.
L’image : 3.5 /5
Elle n’est pas fraîche et marque le pas par rapport aux copies haute-définition contemporaines, mais face au piqué télévisuel des copies passées, avec des inserts d’effets spéciaux qui rendaient les images d’autant plus irrégulières, le master proposé est presque miraculeux. Ponctuellement défaillant, souvent pimpant pour une oeuvre qui n’a jamais été belle.
Le son : 3 / 5
La présence du doublage d’époque est souvent riche en moments amusants, mais peine à convaincre dans sa réalité terne. La version originale est plus dynamique, mais demeure limitée.
La Collection Angoisses de Rimini
Mots clés :
Les films de 1982, Les fims d’horreur des années 80, New-York au cinéma, Les dragons au cinéma, Collection Angoisses de Rimini
Biographies +
Larry Cohen, David Carradine, Candy Clark, Michael Moriarty, Richard Roundtree