Le chat et le canari est une production britannique savoureusement gothique qui saura captiver les amateurs de detective stories.
Synopsis : Pour le vingtième anniversaire de la mort du richissime Cyrus West, ses héritiers sont réunis dans son château : ils vont enfin connaitre le contenu de son testament. Selon ses dernières volontés, la jeune Annabelle West sera la seule bénéficiaire de sa fortune. C’est alors qu’on apprend qu’un dangereux psychopathe écume la région. Les morts violentes vont se succéder.
Critique : Réalisé tardivement à la fin des années 70 par Radley Metzger, l’un des grands maîtres de l’érotisme et du porno de l’âge d’or du X américain, Le Chat et le Canari ne vaut son existence que par le revival Agatha Christie dans les cinémas du monde entier. Les succès du Crime de l’Orient-Express de Sidney Lumet (1974) et Mort sur le Nil de John Guillermin (1978) ont suscité bien des passions. Le producteur Richard Gordon (La tour du diable en 1972, Horror Hospital en 1973) suscite l’intérêt de Radley Metzger qui voit dans l’adaptation d’une pièce de John Willard de 1921, déjà portée sur le grand écran dans les années 20 et 30, l’occasion de sortir du cinéma à caractère pornographique alors en pleine explosion et dont il a réalisé bien des classiques (Les après-midi de Pamela Mann, The Opening of Misty Beethoven...).
Cette avant-dernière production de Richard Gordo, trois ans avant l’ersatz d’Alien, Inseminoïd en 1981, sera pour Radley Metzger une bizarrerie au sein d’une carrière entièrement déshabillée, durant laquelle il a collaboré avec Max Pécas et Gérard Kikoïne. Malheureusement, le cinéaste ne reviendra jamais à ce cinéma soft pour une audience large, en raison de l’échec relatif du Chat et du Canari. Le casting ne bénéficiait évidemment pas de stars bankable en haut de l’affiche, puisque le budget n’était pas hollywoodien. Metzger doit se contenter de bons acteurs mais méconnus du public : Carol Lynley (Bunny Lake a disparu de Preminger, L’aventure du Poséidon de Ronald Neame) est la tête d’affiche d’une histoire policière familiale, autour d’un héritage, qui comporte bien des visages familiers : Olivia Hussey, gloire d’un film avec le Roméo et Juliette de Zeffirelli, en 1968, figurait aussi dans Mort sur le Nil de Guillermin, Edward Fox présentait surtout un certain cachet pour le public britannique, tout comme Michael Callan qui était une vedette de télévision, Daniel Massey, nommé à l’Oscar du Meilleur second rôle masculin pour Star ! de Robert Wise, dix ans auparavant, avait échoué à devenir une star de premier plan. Enfin, Honor Blackman, dans un second rôle lesbien savoureux, malgré son triomphe dans Goldfinger de Guy Hamilton en 1965, avait perdu quelque peu de sa notoriété auprès du grand public. On notera aussi un visage familier des Anglais, Beatrix Lehmann, malheureusement disparue peu après le tournage du film en 1979, à l’âge de 75 ans.
© 1977 Vy Grenadier Films LTD. All Rights Reserved.
En mélangeant les codes assez proches du roman policier britannique et de la littérature gothique qui fit fureur au XVIII et XIX siècle au Royaume-Uni, Le Chat et le Canari est probablement d’une grande cohérence. Le rassemblement familial lors d’une nuit d’orage qui dramatise la lecture originale d’un testament d’un vieillard cruel sous la forme de la lecture d’une vidéo posthume, tourne vite au jeu du chat et de la souris dans un décor imposant magnifique. L’annonce d’un psychopathe échappé d’un asile environnant donne de la chair à ce jeu de massacre bourgeois ou l’avidité et la froideur côtoient une certaine forme de perversité. On pense évidemment au couple lesbien, assez odieux que semblent former Olivia Hussey (Les traqués de l’an 2000, également disponible dans la collection Angoisses de Rimini) et Honor Blackman (Une fille pour le diable).
Qui est le tueur ? Une de ces hyènes aguichées par la fortune du vieillard ? Le dingue d’à côté qui a le potentiel de violence de sa démence ? Ou un monstre comme le laisse éventuellement apparaître des pattes animales, frustres, aux griffes pointues qui aiguisent l’analogie bestiale du titre ?
Historiquement, dans ses grandes heures, le roman gothique anglais n’offrait pas forcément un dénouement surnaturel aux plus étranges de ses récits. Aussi, on ne sera pas forcément surpris par la révélation. Ni passionnant ni décevant, le dénouement à la Dario Argento, qui puise sa force dans l’incipit, correspond bien aux canons de cette production mineure mais très attrayante qui saura charmer par l’addition des nombreux talents mis en place.
Box-office Paris-Périphérie Le Chat et le Canari
La carrière française du Chat et le Canari est méconnue, car très certainement infime. On s’arrête donc ici sur ses résultats parisiens.
Sorti le 28 mai 1980, peu après le Festival de Cannes et trois mois après sa diffusion au Festival d’Avoriaz, Le Chat et le Canari aurait dû profiter du circuit Paramount, celui de son distributeur français Parafrance, pour trouver son public. Malheureusement, dès la première semaine, le film policier ne trouve que 12 493 spectateurs, malgré 12 cinémas, essentiellement des salles estampillées du sceau de Paramount. En intra muros, outre le Studio Médicis, Le Chat et le Canari peut être découvert aux Paramount City, Bastille, Marivaux, Montparnasse, Orléans, Maillot, Galaxie et Montmartre. Trois de ces sites présentent tout de même 2 000 spectateurs notamment le Paramount City (donc le Triomphe sur les Champs Elysées), avec 2 709 curieux .
Ces résultats décevants provoquent une chute du nombre d’écrans en semaine deux, puisque le whodunit passe à 6 cinémas Paramount, exclusivement en intramuros, pour un score sous les 5 000 spectateurs (total de 17 001). En troisième semaine, l’œuvre gothique typiquement britannique se contente du City, du Montparnasse et de l’Opéra pour 2 503 retardataires et un total final de 19 504 oiseaux au plumage de Titi.
C’est donc en VHS, en France, que le gros de la carrière de cette production britannique se fera, avec une jaquette totalement différente du visuel cinéma, ou du moins de l’affiche hexagonale puisqu’elle reprend le design du conte macabre de l’affiche américaine. Paramount, via sa société vidéo P.V.W. en sera l’éditeur discret quoique bien connu pour ceux qui ont fréquenté les vidéo-clubs dans les années 80.
On retrouvera Le Chat et le Canari en 2024 chez l’éditeur Rimini qui proposera un combo DVD – Blu-ray, avec un visuel signé Léo K qui reprend à sa façon l’idée de l’actrice Carol Lynley attaquée par les griffes monstrueuses du tueur fou. Une renaissance donc pour cette série B inconnue de tous sauf de ceux qui ont pu connaître les années 80 dans sa cinématographie la plus alternative, hors des sentiers battus.
Sorties de la semaine du 28 mai 1980
Biographies +
Radley Metzger, Carol Lynley, Michael Callan, Wendy Hiller, Edward Fox, Honor Blackman, Olivia Hussey, Peter McEnery, Beatrix Lehmann
© P. Pradère (Affiche), Leo K. (Illustration Blu-ray, 2024) . Tous droits réservés / All rights reserved
Le test blu-ray de Le Chat et le Canari
Le Chat et le canari est le second film de la collection Angoisses de Rimini en 2024 après La nuit de la comète et avant Night Eyes (Les Rats attaquent). La collection regroupe notamment des séries B de vidéo-clubs qui ont fait frémir les enfants des années 80-90 comme Nuit noire, Alice Sweet Alice, La peau sur les os, Hell Night, L’autoroute de l’enfer, Les traqués de l’an 2000, Terreur sur la ville, Mutant, Sweet Sixteen, Dominique, Slumber Party Massacre…
Packaging & Compléments : 2.5 / 5
Aucune différence avec les précédentes éditions vidéo de Rimini, ce nouveau titre de la Collection Angoisses bénéficie d’un digipack luxueux, au design griffé de façon cohérente. C’est beau, parfaitement agencé jusqu’au fourreau, avec une jaquette exclusive pour notre marché.
Point de bonus audiovisuel, pour tout savoir sur Le Chat et le Canari, on peut compter sur la présence d’un livret de 24 pages très complet, toujours concocté par Marc Toullec. L’ancien rédacteur en chef de Mad Movies nous contextualise ce projet, évoque le tournage jusqu’aux relations entre acteurs, et enfin la réception de cette série B très agréable qu’il défend comme il se doit, avec le talent d’une bonne plume et une cinéphilie de professionnel, celle d’un enfant des années 70.
© 1977 By Grenadier Films LTD. All Rights Reserved. – Graphisme : Leo K, Rimini Editions. All Rights Reserved.
L’image : 4 /5
L’image est harmonieuse, lumineuse, même si parfois lissée, comme le souligne le peu de détail cutané. Ce bel ensemble présente peu de traces du temps. Seule ombre au tableau, la perte du format d’origine. Tournée en 1.85, l’énigme policière trouve sa résolution vidéo en 1.66.
Le son : 2.5 / 5
Le son est moyen. La piste originale en VOSTF en mono DTS HD Master Audio est faible et présente un certain bruit de fond en sourdine. Mais au moins, la musique, assez harmonieuse, bénéficie d’un bon niveau pour dynamiser l’ensemble.
La piste française, moins habillée, permet aujourd’hui de retrouver le doublage d’époque qui est de qualité. Mais elle manque de relief.
Mots clés
Collection Angoisses de Rimini, Les films de 1980, Avoriaz 1980, Le cinéma britannique, Les films à rebondissements, Les tueurs fous au cinéma, Les Thrillers, Les Whodunits
© 1977 By Grenadier Films LTD. All Rights Reserved. – Graphisme : Leo K, Rimini Editions. All Rights Reserved.