La nuit de la comète (Night of the Comet) est une œuvre culte du patrimoine américain des années 80. Kitsch, mais si pop, cet électron libre de la science-fiction synthwave est aussi fauché que rafraichissant. Sa résurrection en vidéo permet enfin aux Français de le découvrir des décennies après une timide sortie en VHS.
Synopsis : Une première fois, la comète fit son apparition. Les dinosaures disparurent. Soixante millions d’années plus tard, son retour est annoncé : elle doit frôler la terre. Alors que les scientifiques s’interrogent sur les dangers de l’astre chevelu, les deux sœurs Regina et Samantha sont plus préoccupées de s’amuser. Elles seront les deux survivantes du plus terrible cataclysme de l’humanité. Alors qu’elles sont persuadées être les seuls êtres humains, elles devront lutter contre des zombies cannibales pour leurs vies et la survie de l’espèce.
Le versant féminin des productions Amblin Entertainment
Critique : Véritable objet de série B culte en provenance de la culture indépendante américaine des années 80, La nuit de la comète est largement méconnu du public français (voir box-office ci-dessous). Pourtant, il mérite bien des égards. Certes, le film est fauché, mais c’est ce qui fait son attrait particulier. Il vend sa différence sur un marché surexcité de S.F. aux couleurs d’Amblin Entertainment. La société de Steven Spielberg régalait alors les imaginaires de sa vision bleutée de nostalgie d’une Amérique des bourgades où l’adolescent mâle se confrontait à des aventures fantastiques ou extra-terrestres.
La nuit de la comète est signé du quasi inconnu Thom Eberhardt, jeune cinéaste dont le seul titre de noblesse était jusqu’alors une série B de science-fiction horrifique qui préfigurait l’intrigue de Destination finale (L’unique survivante, inédit en salles en France, à peine exploité en VHS). Avec Night of the Comet, il développe un projet proche de Steven Spielberg à bien des égards puisqu’il s’agit de rendre hommage aux productions de S.F. d’antan, la série de La Quatrième Dimension en premier. Mais au lieu d’épouser un postulat très masculin comme la plupart des films ado de cette époque, et notamment chez Amblin, il va électriser et féminiser son casting, avec deux sœurs héroïnes dans un Los Angeles vidé de sa population à la suite du passage d’une comète ravageuse. C’est l’effet Comète de Halley, véritable obsession décennale qui alimentera au passage quelques délires comme Maximum Overdrive, seule réalisation de Stephen King qui relatait les conséquences du passage d’un météore sur les machines qui se retournaient contre l’humain. L’impact au box-office, en 1986, eut l’effet d’un crash pour Dino de Laurentiis, mais qu’importe.
Catherine Mary Stewart et une B.O. référencée eighties pour le bonheur des vieux adolescents d’alors
Thom Eberhardt a eu la chance d’embaucher un casting féminin décapant qui nous fait largement oublier l’inintérêt des personnages masculins, incarnés par des acteurs peu expressifs. Et pour cause, Catherine Mary Stewart dont on se souvient des débuts dans la comédie musicale nanardesque de Menahem Golan BIM Stars, est une égérie de son époque et elle enchaînera même dans The Last Starfighter, autre production sympatoche estampillée “teen sci-fi”. Elle a le charme et la fraîcheur du rôle, celui d’une tornade un peu punk, comme sa sœur que joue avec malice et facétie Kelli Maroney (le soap opéra Ryan’s Hope). Dans une mégalopole vidée de sa population ou transformée en quelques rares zombies rigolos (c’est l’époque qui voulait cela), les deux sœurs habitent un script un peu creux, qui s’étire au-delà de l’idée de court métrage. Mais qu’importe. Les images de L.A. filmées aux aurores pour profiter de ses rues désertes, font leur effet, avec le filtre saharien rouge qui maquille l’esthétique branchée du film.
Aux USA, Night of the Comet est aussi beaucoup associé à la bande originale pêchue, d’une pop-rock très à la mode de ce côté de la planète (moins en France), avec des morceaux de Revolver, John Townsend et Diana Dewitt.
Pour le grand public français, le programme de B movie que représentait La nuit de la comète n’avait probablement aucun potentiel ; sa sortie exclusive en VHS à l’époque est compréhensible. Il n’aurait pu connaître le même engouement. Des décennies plus tard, ce film coloré et incarné par des personnages loufoques et parano mérite une inspection dans le détail par un public revanchard, en quête de petites pépites oubliées qui méritent la rédemption par la haute-définition.
Box-office de La nuit de la comète
E.T et Retour vers le futur, évidemment, mais aussi Starman, WarGames, Explorers, Starfighter, Joey, Profession génie, DARYL, Les aventuriers de la 8e dimension, Electric Dreams, Une créature de rêve, Short Circuit, Howard le canard, Enemy Mine, Manhattan Project… L’Amérique des années 80 abreuvait nos écrans de productions de science-fiction pour adolescents. La liste est juste interminable. Le résultat n’était pas toujours probant au box-office et certains titres ne réussissaient donc pas à trouver leur place sur notre grand écran comme The Wraith (Phantom en France) avec Charlie Sheen, Solar Warriors, City Limits, Flight of the Navigator de Randal Kleiser…
On pourrait donc penser que La nuit de la comète de Thom Eberhardt , boudé par les distributeurs en France, a été un échec au box-office américain. Il n’en est rien. Et pour cause, le film a cumulé pas mal de dollars de recettes et bénéficie d’une aura culte sur laquelle il faut revenir.
Avec un budget minime de 700 000$, la production Atlantic Entertainment a été largement rentabilisée aux USA où l’on dit que le marketing aurait coûté plus cher que le film en lui-même.
Night of the Comet plus fort que Supergirl !
Propulsé dans 1 098 cinémas la semaine du 16 novembre 1984, la comédie décalée s’octroie une 3e place généreuse, avec 5 344 000$. La meilleure entrée de la semaine, c’est Portés disparus de Joseph Zito, la production Cannon avec Chuck Norris qui braque 9 215 000$ et ouvre la voie pour une trilogie. Ce qui est fascinant, c’est de voir la claque que ce petit film de science-fiction met à une superproduction héroïque de TriStar Pictures, en l’occurrence Supergirl qui réalise à peine 2M$ en 7e position ! Le box-office de l’époque est culte, avec une 4e place pour Terminator, alors en hausse en 4e semaine (5 200 000$, total de 21 000 000$) et Les griffes de la nuit (Freddy 1, donc) qui, en deuxième semaine grimpait de 43% dans seulement 274 cinémas (1 819 000$, total de 3 090 000) et s’apprêtait à devenir le phénomène culturel que l’on connait tous.
Lors de la deuxième semaine de La nuit de la comète, du 23 au 29 novembre 1984, Supergirl bondit en première place grâce à un élargissement de sa base (1 608 écrans), mais trouve à peine 6 400 000 dollars à encaisser ; Terminator est 3e, et notre Comète s’accroche en 5e place, avec 3 900 000$. Il faut dire qu’aucune nouveauté n’a été lancée en cette semaine. Elle brille encore dans le ciel de cette galaxie étoilée.
En troisième semaine, La nuit de la comète remonte en 3e place, avec 2 841 000$ dans 900 salles. The Terminator est enfin numéro 1, avec 3 741 759$. Portés disparus demeure en 2e place et s’apprête à dépasser les 20M$, et Supergirl subit un bouche-à-oreille effroyable en 4e place (-3), avec seulement 2 756 000$. Le blockbuster de 35M$ vient tout juste de dépasser les 11M$.
La semaine suivante, qui correspond au lancement tonitruant du Flic de Beverly Hills (24M$ en une semaine), et à la venue de la suite de 2001 l’Odyssée de l’Espace (2010, de Peter Hyams), La nuit de la comète souffre d’une perte de 51% de sa fréquentation et se contente de 1 399 437$ dans 776 salles, soit un total de 13.5M$ mais aussi de 4 semaines dans le top 10. Le score est solide pour cet indépendant, loin devant un autre OVNI de la science-fiction des années 80, sorti cette même année, Les aventures de Buckaroo Banzai à travers la 8e dimension, qui peine à sortir du marasme avec 6M$ en 18 semaines.
Malheureusement, La nuit de la comète est quasiment retiré de l’affiche le 14 décembre en raison d’une invasion de films concurrents : Dune de David Lynch, Starman de John Carpenter, Runaway l’évadé du futur de Michael Crichton, et l’adaptation du roman dystopique 1984 de George Orwell, sont lancés à grand renfort de publicité. Cette semaine correspond également au flop abyssal de The Cotton Club de Coppola qui va laisser son auteur sans le sou. La nuit de la comète ferme son tiroir-caisse à 14 418 922$, ce qui fait de lui un vrai succès comparé aux 13 296 438$ de Supergirl. Il fait mieux que d’autres ersatz du même genre lancés en 1984, comme Dreamscape (12M$), Iceman (7.3M$), Philadelphia Experiment (8.1M$), Buckaroo Banzaï (6.2M$), Runaway l’évadé du futur (6.7M$), Electric Dreams (2.1M$), Repo Man (129 000$), et même 1984 (8.4M$).
Son impact générationnel aux USA sera grand, avec de nombreuses sorties en vidéo, y compris en blu-ray et en 4K. Oui, les Français méritent enfin de rattraper leur retard grâce à la sortie tardive, mais ultra récréative en DVD et Blu-ray, en 2024.
Le test blu-ray de La Nuit de la comète
La nuit de la comète est le premier film de la collection Angoisses de Rimini Editions en 2024. La collection qui regroupe notamment des séries B de vidéo-clubs comme Nuit noire, Alice Sweet Alice, La peau sur les os, Hell Night, L’autoroute de l’enfer, Les traqués de l’an 2000, Terreur sur la ville, Mutant, Sweet Sixteen, Dominique, Slumber Party Massacre… propose la même année Le chat et le canari et Les rats attaquent. Night of the Comet est une œuvre rare en France qui mérite largement le choix du format physique.
Packaging & Compléments : 2.5 / 5
Toute la griffe de la collection Angoisses de Rimini est là, avec notamment le digipack collector bien fignolé qui intègre harmonieusement la collection consacrée. Evidemment, comme toujours, les bonus audiovisuels sont inexistants et c’est dommage, mais heureusement, Marc Toullec a pris la plume pour un livret ad hoc de 24 pages, toujours bien sourcées, sur l’histoire de cette série B dont on a essayé de ne rien reprendre pour vous laisser profiter des coulisses avec délectation.
L’image : 4 /5
L’image est belle, équilibrée avec un apport colorimétrique exaltant. On profite largement de la profondeur de champ nécessaire pour vraiment appréhender l’espace qui est essentiel dans cette œuvre aux couleurs pop. Attention, désormais, le marché anglosaxon est passé à la 4K. La France est donc un peu en retard pour le coup. A vous de voir.
Le son : 3 / 5
Le doublage français d’époque est proposé par l’éditeur. Une bonne surprise puisque celui-ci est de qualité et confère une dimension très vidéo-club au visionnage. Malheureusement, même en DTS HD Master 2.0, la piste dans notre langue écrase un peu l’environnement sonore. On lui préfèrera l’originale, également présentée en DTS HD Master 2.0. Certes, cette dernière est naturelle et plus équilibrée, mais ce n’est pas non plus un foudre de guerre. C’est finalement la bande originale qui ressort le plus de ce visionnage rock qui invite à la rêverie d’une autre époque.
Le site de l’éditeur
Filmographies +
Thom Eberhardt, Geoffrey Lewis, Sharon Farrell, Catherine Mary Stewart, Kelli Maroney, Robert Beltran