Slasher qui tire vers le cinéma gothique, Hell Night bénéficie d’une esthétique travaillée, mais pâtit d’un script rachitique et d’un rythme languissant. Sympathique, mais inégal.
Synopsis : En guise d’initiation, quatre étudiants doivent passer la nuit dans une maison abandonnée qui fut autrefois le théâtre du massacre d’une famille entière. Tout se présente comme une vaste blague, jusqu’à ce qu’on découvre de nouvelles victimes…
Un slasher parmi tant d’autres
Critique : Entre la fin des années 70 et le début des années 80, le cinéma d’horreur américain est marqué par la vogue du slasher. Depuis les triomphes d’Halloween, la nuit des masques (Carpenter, 1978) et Vendredi 13 (Cunningham, 1980), tournés pour des sommes dérisoires, mais engrangeant des millions de dollars de bénéfices, tous les producteurs veulent décrocher la timbale. Le scénariste Randy Feldman écrit au début des années 80 le script de ce qui deviendra Hell Night (1981) en s’inspirant fortement du Black Christmas (1974) de Bob Clark, œuvre fondatrice du sous-genre.
Afin de vendre son scénario, l’auteur porte directement son œuvre à la société Compass International Pictures qui a déjà à son tableau d’honneur la sortie réussie d’Halloween. Toutefois, la compagnie trouve surtout un accord de distribution avec le producteur indépendant Bruce Cohn Curtis qui se charge de mettre en boîte le produit. C’est à lui que revient l’initiative de proposer le rôle principal à sa protégée Linda Blair, alors en sérieuse perte de vitesse à cause d’une affaire de drogues qui a entamé sa crédibilité auprès du public américain. C’est encore Cohn Curtis qui prend le risque de confier la réalisation du long-métrage au cinéaste Tom DeSimone qui a surtout derrière lui une longue expérience dans le porno gay sous le pseudonyme de Lancer Brooks.
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Des éclairages savants pour une ambiance gothique
Dès le départ, Tom DeSimone n’est pas passionné par le script qu’il doit illustrer, ni même par le genre du slasher. Aussi se débrouille-t-il pour trouver une vaste demeure qui puisse rappeler les films gothiques des années 60 – il s’agira en fait d’un subtil mélange entre une célèbre villa de Kimberly Crest pour les extérieurs, une autre à Pasadena pour les intérieurs, ainsi que des décors réalisés aux Raleigh Studios. Il insiste également pour déguiser tous les jeunes protagonistes en costumes de bal type 19ème siècle afin d’obtenir une certaine cohérence esthétique. Enfin, le cinéaste s’adjoint les services du directeur de la photographie suédois Mac Ahlberg qui livre une esthétique gothique éclairée à la bougie, donnant un certain cachet ancien au film.
Si le scénario d’Une nuit en enfer (Hell Night) n’est clairement pas le point fort du film, puisque toute l’intrigue est dévoilée dès les premières minutes, la suite n’étant qu’un enchaînement un peu trop mécanique de meurtres, le réalisateur Tom DeSimone parvient à compenser ces manques par une ambiance qui rappelle vraiment les films gothiques des années 60. Ainsi, le long-métrage est assez timide en matière de sexe, même si le réalisateur ne résiste pas à la tentation de montrer le torse nu de Vincent Van Patten à toute occasion, là où les autres slashers de l’époque étaient généralement plus explicites en la matière.
Hell Night, un film de couloir
Les meurtres sont plutôt correctement amenés, même si on note l’absence d’hémoglobine, malgré quelques passages qui pouvaient donner lieu à des débordements gore. Ainsi, la décapitation d’un personnage a largement été coupée pour éviter un classement trop sévère par la censure.
Dans tous les cas, on regrettera un manque d’enjeu réel au niveau du script et une tendance désagréable à étirer chaque scène au-delà du raisonnable afin d’obtenir une durée exploitable. Tirant parfois vers le film de couloir (un bruit étrange enclenche une très lente déambulation pour ne mener nulle part), Hell Night se rattrape toutefois dans son dernier quart d’heure qui vire au vrai cauchemar, avec notamment une séquence qui rappelle Massacre à la tronçonneuse (Hooper, 1974). Enfin, la toute dernière séquence se déroulant à l’aube est d’une belle efficacité et termine donc le métrage sur une note plus positive.
Des maladresses pour un slasher qui fut un flop aux États-Unis
En ce qui concerne le casting, Linda Blair ne joue pas toujours très juste, mais s’investit tout de même beaucoup dans son personnage, malgré des maladresses. Face à elle, Peter Barton est plutôt correct, lui qui deviendra un pilier de soap durant la décennie qui suit. On est davantage réservé quant au jeu un peu trop appuyé de Vincent Van Patten (fils de Dick Van Patten). Même si le jeune acteur tente alors de briser son image de gamin propre sur lui acquise dans une série de téléfilms familiaux à succès, on ne le sent pas très à l’aise avec ce rôle plus dévergondé. Signalons enfin le recours à une musique plutôt efficace composée par Dan Wyman, qui permet notamment de compenser le rythme très languissant du film.
Sorti aux États-Unis en pleine période de gloire du slasher, Hell Night n’a pas su séduire son cœur de cible, à savoir la jeunesse. Pas si étonnant si l’on tient compte de l’esthétique volontairement vieillotte choisie par les auteurs qui ont cherché à opérer une synthèse entre slasher et film d’épouvante gothique à l’ancienne. Le métrage n’a obtenu que 2,3 M$ (7 M$ au cours ajusté de 2021) sur le marché nord-américain pour une mise de départ moindre (1,4 M$).
Un petit succès en vidéo
Toutefois, les producteurs ont pu compenser grâce aux ventes en VHS. Cet échec américain a amené les distributeurs français à réserver le film pour le marché naissant et florissant de la vidéo. Il faut dire que le sous-genre du slasher n’a jamais été très populaire dans notre contrée. Hell Night est d’abord apparu sous le titre d’Une nuit en enfer chez RCV, avant d’être réédité chez Delta Vidéo sous son titre américain. Selon le site Encyclociné, le métrage serait sorti au cinéma en province sous le titre Une nuit infernale, qui fut repris pour sa diffusion à la télévision. Il est désormais disponible en Blu-ray chez Rimini Éditions dans une copie malheureusement assez abîmée. Le packaging habituel (digipack, livret, combo) en fait néanmoins un collector cohérent pour sa collection.
Critique de Virgile Dumez