La peau sur les os appartient aux adaptations mal-aimées de Stephen King, celles qui n’ont pas trouvé leurs places dans les salles françaises. Le temps permet de mieux cibler son audience à l’occasion d’une édition HD qui lui apporte une garantie de revoyure mitigée.
Synopsis : L’histoire de Billy Halleck, avocat rondouillard à qui tout réussit… jusqu’au jour où, par accident, il percute une vieille gitane avec sa voiture, la tuant sur le coup ! Halleck ressort vainqueur du procès truqué qui s’en suit. Les gitans décident alors de faire leur propre justice et un sort est jeté sur Halleck qui commence alors à perdre du poids de façon incontrôlée, le conduisant vers une mort certaine…
Les adaptations de Stephen King au cinéma
Critique : Sorti aux USA pour Halloween 1996, La peau sur les os (Thinner en version originale) essuie un revers qui n’est pas du goût de son studio, Paramount Pictures, avec 15M$ de recettes, soit le même score que Le Bazaar de l’épouvante, autre adaptation d’un roman de Stephen King sorti en 1993. Les studios hollywoodiens, alertes quand il s’agissait de puiser dans le répertoire du romancier du Maine, étaient parvenus dans les années 90 à réaliser de beaux scores quand ils touchaient au travail du King. Misery (61M$, 1990), La nuit déchirée (30M$, 1992), Les évadés (28M$, 1994) et plus tard La ligne verte, avec Tom Hanks (136M$, 1999).
Néanmoins si d’ambitieuses relectures filmiques ont jalonné les années 90, beaucoup de produits vidéo ont également pollué la filmographie de l’auteur qui ne bénéficiait plus du sans-faute des début de carrière où ses romans étaient adaptés par les plus grands (De Palma, Romero, Kubrick, Cronenberg, Carpenter…). La peau sur les os repose sur le choix de Tom Holland. Historiquement, le cinéaste est connu pour le succès de Vampire,… vous avez dit Vampire? (1985) et le premier Chucky de la franchise, Jeu d’enfant (1988). Il est aussi le réalisateur des Langoliers (1995), adaptation d’un roman éponyme du King en une mini série de deux épisodes. Le succès télévisuel fait de lui un choix logique pour le régime minceur du roman Thinner, best-seller de 1984 que l’auteur signa sous le pseudo Richard Bachman, transformé en un long d’1h30. Un choix qu’Holland regrettera puisqu’il lui vaudra dix ans de mise à l’écart, car jugé responsable d’une œuvre visuellement télévisuelle sans aucun des atours attendus pour un divertissement destiné au grand écran.
Une réalisation télévisuelle qui sera fatale à Tom Holland
Ce qui frappe effectivement dans cette production de studio, c’est bel et bien le cachet de l’image, celle d’un DTV à la photographie fade, sans rigueur filmique. Pour s’en rendre compte, il faut seulement regarder le cachet des photos d’exploitation qui ont accompagné la sortie du film. . On se dit qu’à la vue des clichés, Paramount aurait sûrement dû en faire l’économie, car franchement, ils ne vendent rien de bon. Au moins sont-ils représentatifs de la réalité du film
Aussi, La peau sur les os se fait copieusement assassiner par la critique et Paramount ne veut plus en entendre parler. Le marché international réceptionnera ce conte cruel, avec systématiquement le même visuel publicitaire, en 1997. Attention, il apparaît essentiellement en VHS chez UIP. Paramount ne veut plus faire le moindre effort sur cette œuvre sans potentiel. Pas de quoi assurer un bon souvenir dans l’esprit des loueurs de vidéocassettes qui n’en feront jamais l’un de leurs bijoux maudits. Thinner n’est ni un bijou, ni une série B maudit, il s’agit d’une œuvre ratée et mal conçue.
25 ans d’attente avant une première sortie en DVD en France
Après une ressortie en vidéocassette chez Warner en France, on devra attendre une édition chez Rimini dans la collection culte Angoisse, pour revoir cette curiosité en DVD, et même en blu-ray. De quoi vérifier si l’empreinte de la décennie 90, cinématographiquement pauvre, est toujours palpable à l’heure des magnifiques restaurations numériques. Surprise, on ne changera pas d’avis sur cet aspect, Thinner semble toujours parfaitement synthétiser ce que l’on reproche à bien des produits de cette époque, à savoir des visuels pour tubes cathodiques et amateurs de produits jetables qui se contrefichent de tout effort esthétique.
Pour huit millions de dollars, Tom Holland, dans une grande paresse, filme sans ferveur, une intrigue concept qui n’est pas sans rappeler l’un des sketches de Cat’s Eye de Lewis Teague. En effet, La peau sur les os renvoie à une malédiction gitane qui précipite un individu obèse vers une perte de poids mortelle. Dans Cat’s Eye, l’un des protagonistes, joué par James Woods, essayant d’arrêter de fumer, était ironiquement responsable de la mort de proches à chaque cigarette consommée. Une manière radicale qu’une boîte consciencieuse à trouver pour que leurs clients arrêtent définitivement les clopes.
La peau sur les os enterre les grands espoirs hollywoodiens de Richard John Burke
Film estampillé Weight Watchers, Thinner d’après le best-seller obsédé du poids appelait des maquillages sophistiqués, de ceux qui peuvent rentrer dans l’histoire si bien accomplis, pour mettre en image l’amaigrissement rapide et tragique du protagoniste. Il n’en sera jamais vraiment question. Exit les prouesses visuelles, les idées d’une métamorphose par les maquillages, le rendu est cinématographiquement sans idée. Le personnage de Robert John Burke, bien peu charismatique dans ses pratiques d’avocat sans scrupules, et franchement antipathique sous son make-up, voit surtout sa circonférence se réduire jusqu’à l’épuisement de ses lignes, dans des vêtements trop amples. L’acteur taiseux qui était si bon chez Hal Hartley, et qui avait raté le coach de la célébrité avec le bide de RoboCop 3 dans lequel il portait l’armure futuriste du flic éponyme, ne parvient pas lui-même à donner une dimension tragique à son personnage brossé trop rondement pour explorer sa paranoïa progressive (il est terrassé par l’idée que sa femme le trompe avec son ami médecin). Dirigé platement, il est à l’instar du reste du casting, fade, car oui, tous les acteurs sont mal castés. Pour Burke, cela sera d’ailleurs son ultime premier rôle dans un film de studio. Les majors ne lui pardonneront pas les bévues de RoboCop 3 et de l’adaptation du King de l’épouvante, même si, dans les deux cas, il ne sera jamais directement responsable de ces déceptions artistiques et commerciales. Il en est la victime collatérale. Le public en étant une cible par ricochet.
Thinner prototype d’une décennie 90 meurtrière pour le genre horrifique
Au niveau de la noirceur du roman, exit la fin sardonique et cruelle en forme de rebondissement comme seul Stephen King aime les imaginer pour punir le protagoniste. Paramount n’en veut pas et Tom Holland n’est pas du genre combattif pour l’imposer. Le happy-ending relatif du film La peau sur les os est comme un doigt d’honneur à l’ouvrage quand l’adaptation de Simetierre par Mary Lambert avait embrassé le jusqu’auboutisme nihiliste du roman. C’était six ans plus tôt. Entre temps un puritanisme a marqué la décennie 90 dans le domaine de l’épouvante. Il faudra l’arrivée de la franchise Scream pour remettre l’horreur au cœur du jeu, jusqu’aux excès du torture porn dans les années 2000 (la franchise Saw).
Revoir La peau sur les os des décennies après est une opportunité intéressante pour raviser éventuellement ses goûts, ses impressions sur des décennies de cinéma si différentes. Le film, néanmoins regardable, porte bien la saveur de l’univers de Stephen King dans son univers. En dehors de ses défauts réels, débarrassé du poids encombrant d’une réussite commerciale à ambitionner, et d’une réelle attente de la part du spectateur, le film de studio se déguste comme le parangon d’une évolution du cinéma de genre américain, à un instant T, avec toute la sociologie de son époque. Les adolescents des années 90 lui trouveront un charme fou. Les fans de Stephen King le convoqueront volontiers dans leur collection. C’est à peu près là où veut en venir la première édition DVD et blu-ray française, chez l’éditeur Rimini.
© Lorenzo Artwork (Jaquette blu-ray Rimini), Rimini Editions. Tous droits réservés / All rights reserved.