Bel hommage au cinéma des années 80, MaXXXine conclut correctement la saga entamée avec X, même si son discours se fait plus pataud car trop explicite. Mia Goth y confirme en tout cas son statut de diva trash.
Synopsis : En 1985, soit six ans après avoir survécu au massacre orchestré par Pearl et Howard au Texas, Maxine Minx est désormais connue dans l’industrie pornographique à Los Angeles, néanmoins, elle souhaite devenir une star dans le cinéma traditionnel. Elle auditionne donc pour un rôle dans la suite du film d’horreur The Puritan. Parallèlement, les événements du massacre de 1979 reviennent la hanter tandis qu’un tueur en série sème la terreur en ville.
Davantage de moyens pour ce dernier volet d’une trilogie
Critique : Lorsque Ti West débute le tournage de X (2022) avec l’actrice Mia Goth, il envisageait d’en faire une trilogie, sans espérer pouvoir mener à bien ce projet un peu fou pour une œuvre indépendante. Pourtant, avec l’irruption du Covid et la délocalisation du tournage en Nouvelle-Zélande, Ti West en a profité pour réaliser coup sur coup X et son préquel Pearl (2022), à l’aide d’un budget rachitique. Grâce à l’écho très favorable reçu par les deux films dans le monde – toutefois seul X est sorti dans les salles françaises – Ti West a pu envisager MaXXXine, le troisième et dernier volet de la saga à une échelle bien plus large.
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Tout d’abord, l’équipe du film a réintégré les Etats-Unis et a pu profiter des largesses d’Universal afin de tourner dans les rues de Los Angeles, mais aussi au cœur de leurs mythiques studios. Essentiel lorsque l’on sait que MaXXXine suit l’ascension de l’héroïne au sein de l’industrie cinématographique des années 80. Outre cet élargissement géographique, le long métrage possède un casting plus prestigieux, mêlant d’anciennes gloires et des nouvelles vedettes du petit écran.
Lettre d’amour au cinéma des années 80
Les fans des années 80 noteront tout d’abord la présence de Kevin Bacon qui a d’ailleurs lui aussi débuté dans un film d’horreur, et notamment le cultissime Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980), tandis que Michelle Monaghan et Bobby Cannavale incarnent un duo de flics à la recherche d’un tueur en série. Du côté des figures plus récentes, on notera la bonne prestation d’Elizabeth Debicki (la série The Crown) en réalisatrice déterminée, mais aussi celle de Lily Collins (échappée d’Emily in Paris) ou encore celle de Sophie Thatcher (vue dans Le croque-mitaine en 2023). Autant d’artistes qui donnent un cachet un peu plus hollywoodien à ce segment qui évoque justement l’usine à rêves.
Car MaXXXine, avant d’être un thriller trépidant, est surtout un film sur le cinéma. Ti West, grand cinéphile devant l’éternel, livre ici une lettre d’amour à une industrie dont il ne masque aucunement les dérives, mais dont il chante l’incroyable liberté à une époque où tout semblait permis. Son film regorge de références plus ou moins évidentes à saisir selon le degré de votre cinéphilie. On reconnaitra de manière explicite les citations de L’exorciste (William Friedkin, 1973), de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960), mais l’artiste se réfère également à des œuvres comme Body Double (Brian De Palma, 1984) avec sa scène de boite de nuit sur fond de Frankie Goes to Hollywood.
Un puits sans fond de références cinéphiles
Parmi les influences sous-jacentes, on repère aussi la trace de l’excellent et mésestimé Showgirls (Paul Verhoeven, 1995) dans sa description d’un Hollywood décadent, tandis que visuellement, le métrage empreinte toute une esthétique publicitaire typique des années 80 dans la foulée des Ridley Scott, Alan Parker et Adrian Lyne. Autant d’éléments repris depuis par des gens comme Nicolas Winding Refn (Drive, The Neon Demon) ou encore Edgar Wright (Last Night in Soho en 2021 auquel on pense beaucoup).
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Enfin, à un niveau encore supérieur, le réalisateur glisse des petits indices plus discrets à destination des cinéphiles les plus pointus comme la cigarette de Maxine écrasée sur l’étoile de Theda Bara (1885-1955) qui fut la première actrice de l’histoire du cinéma considérée comme une vamp. On voit donc que la cinéphilie de Ti West ne s’arrête pas à quelques icones de la culture populaire geek, mais qu’elle embrasse bien la totalité du spectre cinématographique.
Retour en musique dans les années 80
A un autre niveau, MaXXXine entend retranscrire l’ambiance des années 80 à travers une bande sonore référentielle bardée de tubes de l’époque comme Gimme All Your Lovin’ de ZZ Top (1983), Bette Davis Eyes de Kim Carnes (1981) ou encore Welcome to the Pleasuredome de Frankie Goes to Hollywood (1985). Ces titres donnent une puissance supplémentaire aux images d’un cinéaste désireux de rendre hommage à l’époque de sa jeunesse, avec une bonne dose de nostalgie.
Toutefois, cette multitude de références auxquelles il faut ajouter les événements politiques que sont l’apogée de l’ère moralisatrice de Ronald Reagan ou la réelle influence du Night Stalker (véritable serial killer ayant officié en Californie à l’époque) font de MaXXXine une œuvre qui craque littéralement sous son poids référentiel. Même si le personnage incarné par Mia Goth est au centre de l’intrigue, le script se perd parfois en digressions plaisantes, mais finalement qui nous égarent sur des pistes inutiles.
Mia Goth, un peu plus en retrait par un jeu plus mesuré
La comédienne, qui a brillé dans les deux premiers volets, est donc plus mesurée dans ce dernier épisode où elle incarne une protagoniste toujours aussi ambitieuse, mais qui semble plus mature. Certes, elle n’hésite pas à éliminer les obstacles qui se présentent à elle, mais ses coups semblent plus mesurés que dans les précédents. Mia Goth confirme toutefois son nouveau statut de diva trash et demeure au-dessus de la mêlée par son jeu expressif et nuancé à la fois.
Toujours prêt à provoquer lorsqu’il filme des exécutions gratinées et gore, Ti West semble avoir tout de même fait quelques concessions à l’industrie hollywoodienne actuelle avec une idéologie woke qui apparaît comme un contresens par rapport aux années 80. Ainsi, il met en avant un casting de la diversité ethnique et sexuelle qui était pourtant peu représentée à cette époque. De même, si l’opposition entre l’Amérique traditionnaliste et réactionnaire et celle du progressisme hollywoodien existait bien dans ces années 80, on sent que Ti West enfourche un cheval de bataille, pourfendant l’Amérique de Trump à travers un thriller post #MeToo. Cette critique d’une Amérique puritaine n’est pas nouvelle chez l’auteur de The House of the Devil (2009), mais elle fut parfois plus finaude et surtout moins pataude dans son explicitation.
Bel hommage aux années 80, MaXXXine n’en demeure pas moins contaminé par son époque faite de lutte idéologique et cela amoindrit quelque peu sa portée. Pas de quoi rejeter ce dernier volet d’une saga enthousiasmante à plus d’un titre, mais on espère sincèrement que Ti West saura préserver son indépendance de ton à l’avenir.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 31 juillet 2024
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Ti West, Mia Goth, Kevin Bacon, Lily Collins, Bobby Cannavale, Larry Fessenden, Elizabeth Debicki, Sophie Thatcher, Michelle Monaghan