Hommage réussi aux films d’horreur indépendants des années 70, X s’impose par son ambiance malaisante et ses excès, le tout porté par un amour sincère du cinéma underground.
Synopsis : Dans une ferme isolée du Texas, une équipe de tournage arrive pour tourner un film pour adultes. Leurs hôtes, un couple de personnes âgées reclus, portent un intérêt particulier à leurs jeunes hôtes. À la tombée de la nuit, l’intérêt méprisant du couple devient violent…
Ti West, retour d’un enfant terrible du cinéma indépendant américain
Critique : Réalisateur indépendant culte qui a livré quelques beaux moments de frousse dans les années 2000 avec The Roost (2005) et surtout l’excellent The House of the Devil (2009), Ti West a connu d’importantes difficultés dans les années 2010 pour financer ses films. En fait, il a surtout œuvré pour la télévision, réalisant de nombreux épisodes de séries comme Wayward Pines, Outcast, The Chamber ou encore Tales from the Loop. Il trouve enfin un financement vers 2020 pour tourner un hommage aux films d’horreur des années 70 intitulé X. Malheureusement pour lui, l’épidémie de Covid-19 s’abat sur les Etats-Unis et bloque pour un temps la production.
Il opte pour une solution originale, à savoir la délocalisation du tournage en Nouvelle-Zélande, pays épargné par la pandémie. Là, il réunit une équipe qui parvient à reconstituer le Texas des années 70 de manière tout à fait convaincante puisque le spectateur ne se doute jamais de la supercherie. Une fois sur place, l’équipe est si efficace que le réalisateur envisage sérieusement de réaliser en même temps un deuxième film. Avec l’aide de l’actrice Mia Goth, Ti West développe donc le personnage de Pearl – qu’elle interprète dans X sous des tonnes de maquillage au point d’être méconnaissable. Ainsi, motivé par le tournage, Ti West enchaîne avec le préquel de X qui s’intitule logiquement Pearl.
Retour réussi dans les années 70
Très référentiel, son cinéma a souvent reproduit l’esthétique des années 80. Avec X, Ti West aborde cette fois les années 70 et livre une œuvre qui se veut un hommage aux pionniers du cinéma indépendant. Si les personnages du film s’embarquent dans la confection d’un film à caractère pornographique pour la vidéo, on sent chez eux la volonté de créer un produit d’une certaine qualité. Certes, le réalisateur-novice aborde le genre pornographique qui est mercantile par essence, mais on sent chez ce personnage l’envie de sublimer le genre pour tenter des expériences visuelles originales.
A travers ce personnage, Ti West rend ainsi hommage à des auteurs comme Tobe Hooper – on songe forcément à son Massacre à la tronçonneuse (1974), mais aussi à son Crocodile de la mort (1978) – qui ont abordé un genre commercial pour livrer des œuvres vraiment personnelles, le tout avec un amour réel du cinéma. Outre ce bel hommage à une période libertaire où la sexualité était vécue de manière plus naturelle et moins complexée que précédemment, X en dit long sur l’opposition entre deux Amériques. D’une part, on trouve le couple de vieux Texans qui accueillent le tournage du film X sans être au courant de ce qui se passe sur leur propriété et de l’autre, les membres de l’équipe de tournage, tous jeunes et décomplexés de la braguette. Là où l’on attendrait une confrontation entre une Amérique coincée et l’autre libertaire, Ti West préfère évoquer un conflit générationnel.
La vieillesse traitée de manière radicale
En réalité, les antagonistes ne sont pas si différents les uns des autres – sans doute est-ce la raison pour laquelle l’actrice Mia Goth joue à la fois la jeune star du porno et la vieille dame ? – mais ils sont séparés par plusieurs décennies. Les vieux deviennent particulièrement agressifs car les jeunes gens leur rappellent à quel point ils sont âgés. Désormais à l’écart de la société, tout en étant incapables de supporter la dégradation de leur corps et l’effondrement de leur libido, le couple déverse sa haine sur ces jeunes gens qui incarnent tout ce qu’ils ne sont plus.
© 2022 Photographie : Christopher Moss. Tous droits réservés.
Cela donne lieu à des séquences malaisantes où le cinéaste insiste sur le caractère périssable des chairs. Rarement filmée, la sexualité des nonagénaires est ici mise en avant à plusieurs reprises. En ce sens, Ti West ose tout et livre des grands moments de cinéma déviant.
Des meurtres et des scènes malaisantes à foison
Bien entendu, en tant que slasher, X offre aussi quelques exécutions bien gratinées, parfois agrémentées de gore craspec. Là encore, la gestion de la tension est particulièrement soignée et le long-métrage n’est donc jamais ennuyeux. On peut sans doute regretter l’aspect un peu trop prévisible de certains passages, tandis que les lois du genre ne sont guère transgressées par un cinéaste un peu trop respectueux du genre qu’il aborde.
Toutefois, il peut compter sur le soutien de ses acteurs qui sont tous bien dirigés. Mia Goth confirme sa belle présence à l’écran, de même que Jenna Ortega et Brittany Snow. En fait, Ti West a particulièrement bien servi son casting féminin, faisant d’ailleurs des femmes le moteur de son film. Point de militantisme déplacé, et encore moins de leçon de morale, puisque le long-métrage se place du côté des marginaux avec lesquels il est en totale empathie.
Enfin une sortie dans les salles françaises pour une œuvre de Ti West !
Plutôt réussi, X est le tout premier effort du cinéaste à avoir eu le droit à une sortie en salles en France. Tous ses autres films furent en leur temps des DTV, malgré des critiques élogieuses dans les différents festivals. N’ayant coûté qu’un petit million de dollars, le produit fini a connu un certain succès dans les salles américaines au point de sortir en France sous la bannière de Kinovista et de réunir 48 743 spectateurs.
Ce joli succès international a permis non seulement de vendre plus facilement le préquel Pearl (2022), mais aussi de mettre en chantier un troisième film intitulé MaXXXine, toujours promu aux Etats-Unis par le distributeur culte A24.
Critique de Virgile Dumez
Box-office de X
Distributeur méconnu du public, Kinovista a obtenu en 2022 son plus gros score au box-office français avec X qui a plongé 48 743 spectateurs dans son jeu de massacre, soit le double de The Innocents d’Eskil Vogt, Grand Prix de Gérardmer que Kinovista sortait neuf mois auparavant en salle. Finalement, c’est un autre film ultra violent, interdit aux moins de 16 ans, qui deviendra le nouveau plus gros succès de Kinovista en 2023, un certain Limbo de Soi Cheang, avec 51 092 spectateurs.
Si X est distribué le 2 novembre 2022, le distributeur organise de nombreuses avant-premières pour Halloween, le 31 octobre.
Le succès pour le distributeur est restreint, avec une désaffection du public dès la deuxième semaine. Le film qui a ouvert à 31 224 entrées dans 112 cinémas bascule sous les 15 000 entrées en 2e semaine (-61%). La troisième semaine vire au carnage avec 3 878 spectateurs, soit un gadin de 68%. Il faut dire que la série n’est exploitée alors que dans 59 salles.
X de Ti West en est réduit à 861 spectateurs dans 24 cinémas.
La lourde interdiction et le sujet autour du porno a privé X de Ti West d’un public jeune habituellement friand d’horreur.
Par ailleurs, la concurrence horrifique du moment était lourde. La semaine de sa sortie, X en 22e position française. Halloween Ends est alors 20e avec 35 617 entrées pour sa 4e semaine, le phénomène Smile est adulé par 97 030 spectateurs en 6e semaine, La proie du diable chez Metropolitan FilmExport est de son côté 11e et c’est sa deuxième semaine (97 750 entrées). Bref, le film de peur était omniprésent et X ne partait pas gagnant.
On notera qu’à l’international, sur tous les gros marchés (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Mexique), la production A24 connaîtra des recettes identiques à celles de la France, entre 210 000$ (Italie) et 345 000 (Australie).
Les 303 000$ de recettes françaises classent notre pays à la 4e place mondiale (hors USA).
Box-office de Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 2 novembre 2022
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© A 24, Kinovista, Little Lamb
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Ti West, Mia Goth, Jenna Ortega, Brittany Snow, Martin Henderson
Mots clés
Les films A24, Cinéma indépendant américain, Slasher, Survival, Les vieux au cinéma, La révolution sexuelle au cinéma