Diablement efficace, Le Croque-mitaine remplit son contrat et fiche la frousse sur un canevas un peu convenu, mais aux personnages bien écrits. Recommandable.
Synopsis : Sadie Harper, une jeune lycéenne, et sa petite sœur Sawyer sont encore sous le choc de la mort récente de leur mère. Dévasté par sa propre douleur, leur père Will, thérapeute de profession, ne leur prodigue ni le soutien ni l’affection qu’elles tentent de lui réclamer. Lorsqu’un patient désespéré se présente à l’improviste à leur domicile pour demander de l’aide, celui-ci fait entrer avec lui une terrifiante entité s’attaquant aux familles et se nourrissant de leurs plus grandes souffrances.
Stephen King de retour sur grand écran
Critique : En 2018, la société de production de Shawn Levy 21 Laps Entertainment achète les droits d’adaptation d’une nouvelle de Stephen King datant de 1973 et incluse dans son recueil Danse macabre. Ainsi démarre la préproduction de Le Croque-mitaine, débutée sous l’égide de 20th Century Fox. Tout est remis en question lorsque le fameux studio est racheté par Disney qui jette le projet à la poubelle. Finalement, Disney se ravise et relance le film en 2021 en espérant ainsi le réserver à sa plateforme Hulu – d’excellentes projection test sont venues à bout de cette décision et ont permis la sortie du long-métrage en salles. En fait, à l’instar de Warner avec Evil Dead Rise, Disney comptait surtout réiterer le succès de Smile que Paramount avait sauvé in-extremis du direct-to-SVOD pour un succès phénoménal dans les cinéma. Le sourire de la mort avait généré finalement plus de 217 millions de recettes dans le monde.
Une fois le feu vert acquis, Shawn Levy, fort de l’approbation de Stephen King, engage le jeune réalisateur britannique Rob Savage qui a su imposer une belle gestion de la terreur dans son moyen-métrage Host (2020) et le tournage est finalement lancé au mois de février 2022 à la Nouvelle-Orléans. Alors que le script ne propose rien de bien neuf au spectateur habitué aux histoires de croque-mitaine, le cinéaste Rob Savage s’évertue à signer un nombre conséquent de séquences effrayantes, tout en livrant une jolie métaphore sur le deuil et la nécessité de se détacher des êtres chers malheureusement disparus.
Un climat anxiogène bien géré
Alors que le scénario est effectivement prévisible, Le Croque-mitaine gagne des points en sachant prendre son temps pour instaurer un climat anxiogène et en ne délaissant jamais l’écriture des personnages principaux. Loin de n’être que des clichés, ils incarnent au contraire trois âges différents de la vie qui sont pourtant terriblement affaiblis par le décès récent de la mère de famille dont l’absence se fait cruellement sentir. Incapable de s’occuper à la fois de ses gamines, de ses patients – le père est psy – et de son propre deuil, le patriarche incarné avec beaucoup de justesse par Chris Messina affiche une certaine solidité lors de ses interactions sociales, mais il est en réalité touché au plus profond par cette disparition dont il n’arrive pas à parler.
Face à lui, son adolescente de fille – attachante Sophie Thatcher – aimerait au contraire communiquer avec ce père trop distant. Beau personnage, la jeune fille n’est pas dans la rébellion adolescente basique, mais bien marquée par un terrible drame. Enfin, la petite sœur jouée par Vivien Lyra Blair entre dans sa période où la peur du noir devient irrationnelle. Pourtant, la jeune fille a bien des raisons d’avoir la frousse !
Le Croque-mitaine est toujours tapi dans le noir
Avec l’arrivée dans la maison d’un être démoniaque qui aime se repaitre de la douleur et des faiblesses de ses futures victimes, le film bascule dans une ambiance terriblement anxiogène boostée par quelques belles montées d’adrénaline, toujours liées à la peur du noir et du monstre dans le placard. Si les effets sont connus de tous, ils sont réalisés avec un tel talent que le spectateur ne peut que frémir devant ces séquences angoissantes. Certes, l’efficacité du monstre est toute relative si l’on compte le nombre de victimes du film (très faible) et le sang versé (deux gouttes au total), mais cela importe assez peu puisque l’ambiance lourde compense l’absence de ces éléments prisés du public.
En fait, Rob Savage arrive même à rendre émouvante la séquence finale où la famille dysfonctionnelle tente de se libérer du monstre qui les menace. Effectivement, l’important ici n’est pas tant la destruction du mal que la libération d’un poids trop lourd à porter pour des êtres humains incapables de faire leur deuil du passé.
Rob Savage confirme les espoirs placés en lui
Grâce à une excellente direction des acteurs, une réalisation qui sait parfaitement jouer sur les silences, les petits bruits inquiétants et la menace tapie dans le noir, Le Croque-mitaine est donc une série B horrifique tout à fait recommandable qui n’apporte sans aucun doute pas grand-chose de plus à un genre déjà bien galvaudé. Mais le contrat est parfaitement rempli puisque le spectateur frémit à intervalles réguliers sans usage trop intensif de jump scares. Rob Savage confirme donc ici son appétence pour un genre qu’il semble assurément chérir.
Critique de Virgile Dumez
Box-office :
Avec 12 300 000$ pour son premier week-end, Le Croque-mitaine n’a pas été la bonne surprise attendue par le distributeur et les exploitants. Avec un classement PG-13 et plus de 3 000 salles, l’adaptation de Stephen King est loin d’égaler les 22M$ de Smile et les 24M$ d’Evil Dead Rise, paru en salle un mois et demi auparavant.
En fin de carrière américaine, le film d’épouvante parvient toutefois à franchir les 43M$ de recettes aux USA. Un score convenable, mais qui n’aura guère d’écho dans le reste du monde où la France est son deuxième meilleur marché après les USA, avec seulement 2 511 238$.
L’Hexagone se positionne devant le Royaume-Uni (2 376 000$), le Mexique (1 752 980$), l’Australie (1 396 000$), l’Allemagne (1 189 000$) et l’Espagne où le film a déçu, avec 1 189 704$. En Italie, distribuée au début du mois de juin, comme partout ailleurs, cette production surnaturelle est clairement un échec, avec 847 000$. Idem au Brésil (313 000$).
En termes d’entrées, Le croque-mitaine a cumulé 301 000 spectateurs au box-office français, en 2023, loin derrière Scream VI (1 189 970), Insidious The Red Door (610 835), L’exorciste du Vatican (383 962) et même La main qui a terrifié 312 000 spectateurs en seulement 15 jours.
Les sorties de la semaine du 31 mai 2023
Biographies +
Rob Savage, Chris Messina, Sophie Thatcher, Vivien Lyra Blair, David Dastmalchian