Psychose : la critique du film (1960)

Polar, Film à suspense, Épouvante-horreur | 1h49mn
Note de la rédaction :
10/10
10
Psychose jaquette blu-ray 2013

  • Réalisateur : Alfred Hitchcock
  • Acteurs : John Gavin, Anthony Perkins, Janet Leigh, Vera Miles, Martin Balsam, John McIntire, Patricia Hitchcock, John Anderson
  • Date de sortie: 02 Nov 1960
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Psycho
  • Scénario : Josef Stefano, d'après le roman de Robert Bloch
  • Distributeur : Universal Pictures France
  • Éditeur vidéo : Universal
  • Date de sortie vidéo : 7 mars 2017 (DVD) - 2 novembre 2017 (Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1960 : 1 465 640 entrées (France) / 465 624 (Paris-périphérie) - Cumul (depuis 1960) : 2 072 425 entrées (France) / 745 518 (Paris-périphérie)
  • Box-office USA (nord-américain) : $32,000,000
  • Récompenses : Golden Globes 1961 : meilleure actrice dans un second rôle (Janet Leigh)
  • Classification : Interdiction aux mineurs de moins de 12 ans (États-Unis)
  • Crédit visuels : © 1960 Shamley Productions, Ind, renewed in 1988 by Universal Studios. All rights reserved.
Note des spectateurs :

Psychose est à la fois l’un des films les plus terrifiants de l’histoire du septième art et un sommet de l’art hitchcockien. Incontournable.

Synopsis : Marion Crane en a assez de ne pouvoir mener sa vie comme elle l’entend. Son travail ne la passionne plus, son amant ne peut l’épouser car il doit verser une énorme pension alimentaire le laissant sans le sou… Mais un beau jour, son patron lui demande de déposer 40 000 dollars à la banque. La tentation est trop grande, et Marion s’enfuit avec l’argent. Très vite la panique commence à se faire sentir. Partagée entre l’angoisse de se faire prendre et l’excitation de mener une nouvelle vie, Marion roule vers une destination qui lui semble plus longue que prévue…

La malédiction du spoiler ou l’art d’écrire sur un film sans parler le moins possible du scénario

« Si vous avez le manqué le début », titrait naguère Télé 7 jours pour résumer le début d’un film, sans trop en dévoiler l’intrigue. Psychose est de ces œuvres dont il est un crime de dévoiler le scénario à qui ne l’a pas vu. Ce n’est pas par seule stratégie publicitaire que le « maître du suspense » avait donné pour consigne aux exploitants de refuser tout spectateur en retard. En révéler beaucoup plus que le synopsis introductif est donc déplacé et relève du spoiler : ainsi, tout boitier de DVD/blu-ray, toute affiche, photo ou bande-annonce montrant un rideau ou un ustensile de cuisine seraient malvenus…

Et pourtant Psychose ne relève en rien de l’esbroufe de scénariste. La jubilation de le revoir une fois, deux fois, trois fois et à l’infini est le sentiment partagé par tous les cinéphiles : c’est le propre des films culte…

Psychose jaquette blu-ray steelbook fnac collector

© 1960 Shamley Productions, Ind, renewed in 1988 by Universal Studios. All rights reserved.

Psychose est un modèle de construction narrative

Comme le confie Hitchcock à François Truffaut dans le livre d’entretiens Hitchcock/Truffaut, le roman initial est très moyen, et preuve en est que le septième art peut être davantage qu’une adaptation illustrative. Deux parties distinctes sont imbriquées dans Psychose et un faux suspense, au cœur d’une intrigue policière qui s’avérera une fausse piste, manipule le spectateur dès la fuite de Marion en voiture.

Le tour de force de Hitchcock est d’abandonner cette trame criminelle, le personnage féminin que la caméra ne quitte pas lors d’une cavale stressante apparaissant rétrospectivement comme une figure importante mais secondaire du récit. Et c’est alors qu’une seconde histoire débute…

La symbolique de l’eau, du noir et blanc, et des sons

La partition musicale à stridences de Bernard Herrmann, véritable symphonie de la montée vers l’horreur, accompagne le récit dès le générique recherché du graphiste Saul Bass : des barres verticales mêlent le nom des artistes et techniciens du générique ; cette verticalité se retrouve ensuite quand les trombes d’eau s’abattent sur la voiture de Marion, lui brouillant la vue, premier avertissement du danger qui la guette. Enfin, lorsqu’une douche relaxante semble la purifier des tentations malhonnêtes de son périlleux week-end, la verticalité de l’eau annonce ici le pire.

C’est cette montée progressive vers le malheur irréversible qui berce l’univers pessimiste et froid de Psychose : un adultère, un vol, un meurtre, deux meurtres, la découverte de la folie horrifique… Et les signes de cette dérive vers la noirceur totale font indice au niveau vestimentaire : les sous-vêtements que porte Marion dans la chambre du premier hôtel sont blancs ; alors que Norman Bates, par le trou d’un mur, verra se déshabiller une jeune femme vêtue de noir…

L’apogée de la psychanalyse dans le cinéma hollywoodien

Psychose jaquette blu-ray 2013

© 1960 Shamley Productions, Ind, renewed in 1988 by Universal Studios. All rights reserved.

Depuis La Maison du docteur Edwards (Alfred Hitchcock, 1945) et Le Secret derrière la porte (Fritz Lang, 1948), les théories de Freud ont inspiré, pour le meilleur et pour le pire, le cinéma hollywoodien. Quand les deux médiocres suites de Psychose (Psychose 2 de Richard Franklin en 1983, et Psychose 3 d’Anthony Perkins en 1986) insisteront lourdement sur les troubles de l’inconscient dans la motivation du criminel, Hitchcock n’utilise la psychanalyse que pour dénouer une action, comme il le fera quatre ans plus tard dans Pas de printemps pour Marnie. Si l’explication d’un médecin dans la séquence finale est limpide, Hitchcock préfère parsemer son récit de signes et symboles. Marion Crane est une jeune femme équilibrée, que les soucis sentimentaux et financiers risquent de faire sombrer dans la névrose et qui ne résiste pas à un acte de vol impulsif pouvant changer sa vie.

Norman Bates est confronté à la folie supposée de sa vieille maman : Mme Bates est ici l’aboutissement d’une série de mères abusives ou femmes possessives au centre et en périphérie des récits hitchcockiens : Mrs Danvers dans Rebecca (1940), Mme Sebastian dans Les Enchaînés (1946), Clara Tornhill dans La Mort aux trousses (1959), Lydia Brenner dans Les Oiseaux (1963). Quant au dédoublement de personnalité de Norman, il fait écho au thème implicite de la gémellité dans L’Inconnu du Nord Express (1951), Le Faux Coupable, (1958), Vertigo (1958) ou La Mort aux trousses. Film des frustrations sexuelles et des pires transgressions (un meurtre substitut de viol), Psychose est symptomatique du cinéma de la folie.

Le rôle de leur vie pour tous les interprètes

N’importe quel producteur, confiait Hitchcock, aurait donné le rôle de Marion Crane à Vera Miles et celui de la sœur qui enquête, Lila, à Janet Leigh. Hitchcock préféra l’inverse car si le temps de présence maximal à l’écran est en général réservé à une star, le cinéaste innova par un coup de théâtre traumatisant son public au bout d’une heure de film. Vouée aux rôles de jeune femme violentée (L’Appât, La Soif du mal), la belle Janet (alors épouse de Tony Curtis à la ville), devint définitivement une icône et tout cinéphile prenant sa douche dans un motel isolé a une pensée émue pour elle.

Vera Miles est une actrice discrète, d’une élégance qui n’est pas sans évoquer Grace Kelly : ses déambulations dans la maison des Bates garantissent les moments de frissons les plus forts du film, et la sérénité de sa blondeur et de son allure contraste avec le caractère morbide de ce qu’elle découvrira. John Gavin est un peu plus fade, mais sa « normalité » lisse s’oppose à merveille à Anthony Perkins, qui trouve le rôle de sa vie avec ce personnage de jeune hôtelier timide et maladroit, dont les frustrations cachent les pires zones d’ombre… Il faudrait aussi citer les seconds rôles réjouissants : Martin Balsam en détective malin mais imprudent, John McIntire en shérif un brin mou, Patricia (fille de) Hitchcock en secrétaire peu aguichante, Frank Albertson en client libidineux ou Mort Mills, policier qui pourrait être un ange de la mort…

Psychose : une référence pour de nombreux réalisateurs

Série B prestigieuse, premier véritable grand film d’horreur qui influença maints cinéastes, de Wes Craven (Scream), à Brian De Palma (Pulsions) en passant par Dario Argento (Les Frissons de l’angoisse), Psychose est bien le film fondateur dont s’inspirèrent aussi d’autres petits maîtres ou tâcherons du giallo et du slasher, aux États-Unis, en Angleterre ou en Italie. Un remake (plagiat expérimental ?) sous forme d’hommage, plan par plan, fut réalisé par Gus Van Sant en 1998. On lui préférera l’excellent prequel que constitua la série télévisée Bates Motel (2013-2017).

Psychose demeure, avec Vertigo, le chef-d’œuvre de son auteur. On gardera longtemps en mémoire ce gros plan de visage inanimé, que scrute la caméra avant de s’attarder sur un journal contenant 40 000 dollars puis, au loin, un logement abritant un effroyable secret…

Critique de Gérard Crespo

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Psychose jaquette blu-ray 2010

© 1960 Shamley Productions, Ind, renewed in 1988 by Universal Studios. All rights reserved.

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