Les Dossiers de l’été : les champions du box-office 2. Gérard Depardieu, l’ogre qui imposa son génie de jeu sur 5 décennies. Il a dominé le box-office à tous les niveaux.
Oubliez Alain Delon ou Jean-Paul Belmondo. Au box-office, presque personne ne peut rivaliser avec la carrière de Gérard Depardieu. Et pour cause, l’acteur boulimique de vie, d’alcool, et de cinéma, a joué dans plus de 200 longs métrages.
- La star des années 70, 80, 90, 00 et 2010 est au casting d’un film de plus de 10 millions d’entrées.
- Il a été vu dans 9 films entre 5 et 10 millions d’entrées.
- 3 de ses films ont obtenu entre 4 et 5 millions d’entrées.
- 7 de ses films se classent entre 3 et 4 millions d’entrées.
- 18 de ses longs ont attiré entre 2 et 3 millions de spectateurs à leur sortie.
- 24 films se classent entre le million et les deux millions de tickets vendus.
Son film qui a le mieux marché est Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre avec 14 559 509 spectateurs. Le succès est tel qu’une reprise du film d’Alain Chabat, en 2023, trouve encore plus de 300 000 nostaliques en 17 jours de reprises (exploitation en cours).
L’acteur bonhomme est apparu quatre fois en Obélix. Outre Mission Cléopâtre, il faut noter les 8 948 624 entrées d’Astérix & Obélix contre César (Claude Zidi, 1999), les 6 818 268 entrées d’Astérix & Obélix aux Jeux Olympiques (Frédéric Forestier, Thomas Langmann, 2008), qui avait pourtant été considéré comme un semi-échec, et les 3 885 460 entrées d’Astérix & Obélix au service de Sa Majesté (Laurent Tirard, 2012), qui a été en revanche un flop irréversible pour Wild Bunch, qui ne s’en remettra jamais.
Gérard Depardieu s’est aussi distingué dans une trilogie populaire de Francis Veber, aux côtés de Pierre Richard. La chèvre (1981), Les Compères (1983) et Les fugitifs (1986) ont respectivement rassemblé 7 080 159, 4 847 229 et 4 496 827 spectateurs.
Il retrouvera Francis Veber dans Le placard (5 300 982 entrées, 2001) et Tais-toi ! (3 139 195, 2003). En fait, cinq des six plus gros succès de Veber sont avec Gérard Depardieu.
Parmi ses succès dans la comédie, on comptera Les anges gardiens de Jean-Marie Poiré (5 735 594 entrées, 1995), Inspecteur La Bavure de Claude Zidi (3 697 576 entrées, 1980), Disco de Fabien Onteniente (2 435 015 entrées, 2008), Potiche de François Ozon (2 318 221 entrées, 2010), Maison de retraite de Thomas Gilou (2 046 074, 2022) ou Mon père ce héros. (1 428 871 entrées, 1991) et Le plus beau métier du monde (2 269 000 entrées, 1996).
Gérard Depardieu ne s’est pas contenté de jouer dans des productions commerciales faciles. Il a multiplié des rôles monumentaux dans des œuvres remarquables qui ont marqué le 7e art français de par leur qualité et que l’on classe aisément dans le meilleur du cinéma d’auteur.
Le diptyque de Pagnol L’eau des collines, par Claude Berri, alias Jean de Florette (1986) et Manon des Sources (1986) a réalisé 7 223 781 et 6 645 288 entrées. Gérard Depardieu ne figure que dans le premier volet, évidemment, puisqu’il y tient le rôle tragique de Jean de Florette en personne.
Depardieu retrouve régulièrement Claude Berri producteur, mais aussi réalisateur, notamment à l’occasion de deux grandes adaptations du patrimoine littéraire français : Uranus, d’après Marcel Aymé, trouve 2 542 412 spectateurs lors d’une année 1990 décimée par la crise du cinéma. Germinal (6 147 112 spectateurs), avec Renaud, Miou-Miou et Jean Carmet, est l’adaptation d’Emile Zola la plus vue au cinéma devant Gervaise de René Clément qui avait dû se contenter de 4 108 000 spectateurs en 1956.
La carrière de Gérard Depardieu est évidemment indissociable de Bertrand Blier, le cinéaste qui fera de lui une star française, en 1974. Les Valseuses, comédie de mœurs interdite aux moins de 18 ans, avec Miou-Miou et Patrick Dewaere, révèle trois destins de cinéma et réalise 5 728 314 entrées. Un phénomène. Si Buffet froid (1979) n’est goûté que par 777 127 spectateurs, cela reste l’un des meilleurs films du tandem. Evidemment, Tenue de soirée, avec Miou-Miou et Michel Blanc, a été un gros succès (3 144 799) et donc le “Putain de film !” vendu par sa promo. Enfin, on applaudit encore les 2 031 000 entrées du dramatique Trop belle pour toi ! avec deux femmes magnifiques, Josiane Balasko et Carole Bouquet (1989). Depardieu retrouvera Blier pour un rôle secondaire dans Merci la vie qui atteindra à peine le million en 1990, ou dans Combien tu m’aimes ? en 2005, avec Monica Bellucci et Bernard Campan (536 523 entrées). Avec Convoi exceptionnel en 2019, son duo avec Christian Clavier vire au désastre commercial : à peine 126 471 entrées. Le cœur n’y est plus. Le cinéma de Blier appartient à l’ancien monde.
Parmi les films charnières de Gérard Depardieu, Le dernier métro est évidemment à évoquer comme l’un de ses plus éminents. L’acteur y rencontre Catherine Deneuve une première fois à l’écran. Il tourne avec l’immense Truffaut, décroche son premier César et dépasse les 3 384 000 spectateurs. Le cinéaste et l’acteur enchaînent avec le magnifique La femme d’à côté avec Fanny Ardant. Elle en est la révélation sublime. Le film trouvera 1 093 000 amateurs d’un cinéma beau et exigeant. Quand à Depardieu et Deneuve, ils enchaîneront pas moins de 4 films ensemble, en moins de 6 ans.
Parmi les autres grands films de Depardieu couronnés par un énorme succès, Vincent, François, Paul et les autres… impose le jeune acteur dans un casting d’éléphants : Yves Montand, Michel Piccoli, et Serge Reggiani l’adoubent. 2 807 200 spectateurs applaudissent cette histoire d’amitié virile mais sensible. C’est le deuxième plus gros succès de Claude Sautet après Les choses de la vie (2 959 682 entrées).
En 1988, la sortie de Camille Claudel, biopic dans lequel Depardieu incarne Rodin et Isabelle Adjani sa muse, est un événement absolu. La rencontre de cinéma est immense. Le cinéaste (et chef op) Bruno Nuytten réalise un chef d’œuvre à la gloire d’Adjani. 2 717 136 spectateurs accourent malgré une durée de 2h50. Depardieu ne sera pas récompensé d’un César, contrairement au reste de l’équipe. Pas grave, plus que jamais, il croit encore dans le cinéma.
Dans Elisa de Jean Becker, “Gégé” donne la réplique à la géniale Vanessa Paradis. Le film est un carton à la mode jeune, avec 2 473 193 spectateurs. Depardieu avait pourtant 46 ans et le cinéaste vétéran Jean Becker en avait 61 ans. Depardieu et Jean Becker s’entendent bien et tournent ensemble dès que l’occasion se présente (La tête en friche, Les volets verts)
Avec Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau (1990), la star trouve l’un des rôles de sa vie et surtout 4 735 433 spectateurs pour l’applaudir en salle. Aux USA, les recettes sont élevées (5 820 000$ sans compter l’inflation) et confirment le potentiel de l’acteur qui a régulièrement triomphé dans le secteur Art House américain : Le dernier métro (3M$, 1981), Le retour de Martin Guerre (3M$, 1983), Jean de Florette (3.4M$, 1987), Camille Claudel (3.3M$, 1989). La nouvelle incarnation de Cyrano dans l’imaginaire collectif planétaire débutera une carrière internationale en anglais.
Les 50 champions du Box-office en France
Aux USA, Green Card de Peter Weir, qui sortait du Cercle des poètes disparus, engrange 30M$ aux USA et 982 188 entrées en France. 1492 Christophe Colomb de Ridley Scott, déçoit avec 7 099 000$ aux USA et 3 082 110 spectateurs dans l’Hexagone. Le film est sorti en 1992 pour célébrer les 500 ans de la découverte de l’Amérique. Un honneur qui ne se concrétisera pas dans des chiffres jugés décevants. En 1994, Depardieu sera du remake américain de Mon père ce héros., intitulé My Father the Hero. La relecture de Steve Miner avec la quasi débutante Katherine Heigl est un petit succès local (25M$), mais en France, le remake est considéré comme inutile : My Father ce héros échoue à susciter le moindre désir, avec 136 648 entrées, malgré le boost attendu de la Fête du Cinéma. Bogus de Norman Jewison, avec Whoopi Goldberg, sera en revanche un bide mondial (4.3M$ aux USA pour un budget de 30M$ ; 179 729 entrées). Les Français préfèreront voir Depardieu aux côtés du jeune Leonardo DiCaprio dans L’homme au masque de fer de Randall Wallace, en 1998 (2 291 139 spectateurs). On y retrouve également Jeremy Irons et John Malkovich. La star française tournera également chez Disney dans Les 102 Dalmatiens, L’Odyssée de Pi...
De multiples cinéastes contemporains ont tourné avec Gérard Depardieu dans les années 70-2020 : Jacques Deray, Denys de La Patellière, Marguerite Duras, José Giovanni, Jacques Doillon, Bunuel, René Allio, Alain Resnais, Claude Goretta, Jacques Rouffio, André Téchiné, Bernado Bertollucci, Serge Gainsbourg, Marco Ferreri, Francis Girod, Barbet Schroeder, Claude Miller, Alain Jessua, Luigi Comencini, Mario Monicelli, Maurice Pialat, Alain Corneau, Andrzej Wajda, Jean-Jacques Beineix, Philippe Labro, Tony Gatlif, François Dupeyron, Jean-Luc Godard, Giuseppe Tornatoré, Yves Angelo, Norman Jewison, Kenneth Branagh, Roland Joffé, Ettore Scola, Bernie Bonvoisin, Anne Fontaine, Olivier Marchal, Toledano & Nakache, Xavier Giannoli, Olivier Dahan, Jean-François Richet, Mathieu Kassovitz, Gilles Béhat, Claude Chabrol, Delépine & Kervern, Ang Lee, Fanny Ardant, Abel Ferrara, Guillaume Nicloux, Claire Denis, Lucas Belvaux, Patrice Leconte…
La liste non-exhaustive donne le vertige.
Bien des succès parmi tous ces films : La môme (527 603, 2007), Mesrine : l’instinct de mort (2 274 000), Fort Saganne (2 157 767 entrées, 1984), Tous les matins du monde (2 089 232 entrées, 1991), 36 quai des orfèvres (2 089 232 entrées, 2004), Police de Pialat (1 839 970, 1985), Le choix des armes (1 787 299, 1981), 1900 (1 748 512, 1976), Le colonel Chabert (1 694 670, 1994), L’odyssée de Pi (1 594 514, 2012), Danton (1 392 779, 1983), Mon oncle d’Amérique (1 375 503, 1980), Je vous aime de Claude Berri (1 350 035, 1980), Le retour de Martin Guerre (1 262 828, 1982), 7 morts sur ordonnance (1 151 594, 1975), Le grand frère (1 120 418), Illusions perdues (1 003 250, 2021)…
D’autres films de Depardieu n’ont pas atteint le million mais seront de vrais succès, comme Loulou de Pialat (943 547, 1980), Quand j’étais chanteur (943 547, 2006), Mammuth (833 473, 2010), Sous le soleil de Satan (815 748 entrées, 1987), Le sucre (770 566, 1978), Barocco (678 734, 1976), Je t’aime moi non plus (558 318, 1976), Maigret (545 721, 2022), Dites lui que je l’aime (531 770, 1977)…
Avec un panel dramatique et comique d’une variété impressionnante, Gérard Depardieu s’est imposé comme l’ultime génie du 7e art français.
Malheureusement, depuis, aucun acteur de sa trempe n’est venu tutoyer ses sommets. L’art de Depardieu s’est déployé dans des rôles finalement plus variés que ses homologues champions du box-office que sont Delon ou Belmondo, ces icones qui se sont agrippés à leurs rôles culte pour ne pas prendre de risque.
Depardieu, lui, prendra des risques fous : La lune dans le caniveau, 1900, Maîtresse, Valley of Love, La machine, Le Tartuffe qu’il réalisa, René la Canne… Le plus audacieux des risques pour notre champion toute catégorie étant sa participation au pire du cinéma contemporain, sa plongée dans le cinéma sans conviction, purement alimentaire, au risque de détruire son image construite pendant plus de 50 ans. On n’excusera jamais Bogus, XXL, Bimboland, Le pacte du silence, Wanted, San Antonio, Olé, Vacances sur ordonnance, Bouquet final, Turf, La marque des anges, La dream team, Mystères à Saint-Tropez ou Maison de retraite…
A l’heure des scandales sexuels autour de la personnalité abîmée de Depardieu et ses dérapages sexistes et agression sexuelles, le monstre de souffrance qu’est Depardieu demeure le génie de l’art dramatique de ces 50 dernières années. Pas étonnant qu’il demeure l’une des personnalités favorites des Français.
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