Tentative ratée de fantastique à la française, La machine alterne quelques bons moments de tension avec des passages à la lisière du ridicule. La subtilité n’est clairement pas au rendez-vous !
Synopsis : Médecin dans un hôpital psychiatrique, Marc Lacroix est fasciné par l’un de ses patients, Zyto, un dangereux psychopathe meurtrier. Par ailleurs spécialiste du cerveau humain, Marc Lacroix a créé une machine permettant de faire cohabiter deux esprits dans la même boîte crânienne. Il décide de l’expérimenter avec Zyto, mais l’essai échoue. Le cerveau de Lacroix se retrouve dans le corps de Zyto, et vice-versa.
Un film français qui ose un postulat fantastique
Critique : Lorsqu’il choisit d’adapter le roman La machine de René Belletto, le scénariste et cinéaste François Dupeyron est surtout connu pour avoir tourné Drôle d’endroit pour une rencontre (1988), un curieux premier drame intimiste avec Gérard Depardieu et Catherine Deneuve, puis Un cœur qui bat (1991) qui n’a guère rencontré le public. Alors qu’il n’a jamais tâté du cinéma de genre, Dupeyron se lance donc un défi : celui de tourner en France un film fantastique qui tourne au thriller obsessionnel. Pour cela, il adapte donc le roman éponyme de René Belletto publié en 1990. Le romancier n’est pas un inconnu des cinéphiles puisque son livre Sur la terre comme au ciel (1982) a été porté à l’écran par Michel Deville sous le titre Péril en la demeure (1984).
Malgré la difficulté de monter un film de genre en France, Dupeyron parvient à obtenir les financements grâce à la présence au générique de son ami Gérard Depardieu. Outre leur collaboration sur le premier film de Dupeyron, les deux hommes continueront à travailler ensemble, notamment sur Un pont entre deux rives (1999) réalisé par Depardieu. Doté d’un budget correct, La machine bénéficie d’une coproduction avec l’Allemagne par le biais du Studio Babelsberg, d’où la présence au générique de la jeune Natalia Wörner. Toutefois, le casting comprend surtout quelques stars françaises comme Nathalie Baye alors au creux de la vague, tandis que Didier Bourdon tente comme beaucoup de ses confrères de se défaire de son image de comique.
Depardieu et Bourdon en roue libre, Nathalie Baye digne
La tentative de François Dupeyron de sortir le cinéma français de sa traditionnelle zone de confort est certes méritoire et digne de respect, mais elle souffre de nombreux défauts. Tout d’abord, l’intrigue n’est pas particulièrement désagréable à suivre, mais l’adaptateur a opté pour un certain nombre de raccourcis narratifs qui entament la crédibilité du long-métrage. A plusieurs reprises, le cinéaste a recours à des facilités d’écriture qui interpellent. Comment est-il aussi facile de s’échapper d’un hôpital psychiatrique spécialisé dans l’enfermement des fous criminels ? Pourquoi les personnages en fuite reviennent-ils toujours aux mêmes endroits, histoire qu’on les retrouve plus facilement ? Et ce ne sont que quelques exemples, parmi les plus flagrants, de ces invraisemblances qui entament progressivement le potentiel de l’histoire contée.
Autre défaut manifeste, le jeu des acteurs manque cruellement de finesse, au point de tutoyer parfois la sortie de route. Alors que le jeune Erwan Baynaud et la belle Nathalie Baye s’avèrent d’une grande justesse sur l’ensemble du long-métrage, on ne peut pas en dire autant de Gérard Depardieu et Didier Bourdon. Le premier a tendance à en rajouter dans le regard assassin et fou, tandis que le second manque cruellement de charisme lorsqu’il doit incarner un tueur psychopathe inquiétant. Le tandem ne fonctionne pas bien à l’écran, ce qui déséquilibre le film.
Une réalisation tape-à-l’œil efficace, mais plombée par une photographie terne
Pourtant, François Dupeyron a soigné sa réalisation, multipliant notamment les mouvements d’appareil, les plans de grue, ainsi que les vues en plongée et contre-plongée, afin de distiller une atmosphère angoissante. De temps à autre, il se laisse même aller à des meurtres bien sanglants qui nous ramènent au cinéma d’exploitation des années 70. Malheureusement, ce ne sont que quelques éclairs au sein d’une œuvre un peu morne. On peut aussi regretter l’absence de charme de la photographie, trop terne pour séduire, ce qui nous renvoie ici au pire des années 90 sur le plan esthétique.
La machine (1994) a d’ailleurs reçu un accueil plutôt glacial lors de sa sortie, beaucoup de critiques qualifiant le film de navet. Si nous n’irons pas jusqu’à cette dénomination infamante, il faut avouer que le métrage désarçonne par son inégalité intrinsèque, alternant de vrais bons moments d’angoisse avec des passages franchement ratés. Le verdict du public fut quant à lui sans appel. Après un démarrage moyen, le long-métrage s’est rapidement effondré, perdant plus de 50 % de ses entrées d’une semaine à l’autre. La machine a terminé sa carrière française à 317 161 spectateurs effrayés (par le film ou sa médiocrité ?).
Un échec commercial pour un film depuis longtemps oublié
Une contre-performance qui lui a valu de n’être jamais édité chez nous en DVD. Pour disposer d’un support physique acceptable, les fans du film devront donc se pencher sur les galettes allemandes (en DVD et même blu-ray). Les autres se contenteront d’une copie vraiment usée disponible sur les plates-formes de VOD.
Critique de Virgile Dumez