Robuste choisit la voie de la pudeur pour fissurer la carapace de deux êtres cabossés par la vie. Avec Gérard Depardieu et Déborah Lukumuena, confondants de sensibilité.
Synopsis : Lorsque son bras droit et seul compagnon doit s’absenter pendant plusieurs semaines, Georges, star de cinéma vieillissante, se voit attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune agente de sécurité, un lien unique va se nouer.
Critique : Lorsque son bras droit et seul compagnon doit s’absenter pendant plusieurs semaines, Georges, star de cinéma vieillissante, se voit attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune agente de sécurité, un lien unique va se nouer.
Un premier long robuste au cinéma pour Constance Meyer
Après avoir été assistante de cinéma et de théâtre, Constance Meyer reprend avec ce premier long métrage le thème de la solitude de deux êtres issus d’univers différents, déjà présent dans ses courts-métrages. Ici, elle conte avec une infinie délicatesse le lien ténu qui se tisse peu à peu entre un célèbre acteur revenu de tout et une jeune femme perdue dans un monde trop vaste pour elle.
Georges (Gérard Depardieu) vit seul dans une belle et grande maison. Oisif, il traîne de pièce en pièce un corps et une existence qui semblent peser trop lourd. Les seules visites qu’il reçoit sont celles de Lalou, (Steve Tientcheu) son garde du corps, chargé de gérer non sans mal le planning professionnel et les allées et venues de ce vieil enfant gâté, bourru et quelque peu dépressif. Quand il doit s’absenter, il choisit de déléguer cette tâche ardue à l’un des meilleurs éléments de la société de sécurité qu’il dirige. Aïssa (Déborah Lukumuena) ne déborde pas d’enthousiasme face à ce qu’elle considère comme du baby-sitting de luxe. Mais elle a pour habitude de ne jamais refuser une mission et puis elle a besoin d’oublier ce qui la tourmente (son milieu modeste, sa taille hors norme et tout récemment une histoire d’amour toxique). Il va lui falloir apprendre à organiser sa vie entre ce nouveau travail qui exige tact et endurance et sa pratique intensive de la lutte (un gage de sa volonté de réguler son mal-être qui, au passage, réjouira tous les adeptes de superbes scènes de corps à corps). Elle est encore loin d’imaginer que cette rencontre va lui procurer le début d’une sérénité tant espérée.
Un duo d’acteurs lumineux
Entre pas de côté et coups de patte, ces deux écorchés apprennent à s’apprivoiser, réunis par un même besoin d’amour face à un monde dans lequel ils se meuvent difficilement. Malgré leur différence d’âge et de statut social, s’installe sans à coups un respect mutuel, nourri de mélancolie et d’humour, de flamboyance et de drame. Soutenue par des dialogues toujours justes, la mise en scène se fait discrète pour laisser à cette amicale relation toute de grâce et de retenue le temps nécessaire à son épanouissement.
Constance Meyer, qui a à plusieurs reprises travaillé avec Gérard Depardieu, floute habilement la frontière entre le petit Gégé désormais encombré d’une imposante carcasse qui cache mal des souffrances depuis trop longtemps enfouies et la star de cinéma mondialement reconnue. Elle met ainsi un jour la fragilité sous-jacente d’un homme dont la complexité éclatante touche droit au cœur. Le duo qu’il compose avec Deborah Lukumuena (César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Divines en 2017) fonctionne pleinement. La force tranquille et la voix posée de sa jeune partenaire se juxtaposent à l’auto-dérision assumée d’un Depardieu tout en nuances, pour composer une mise en miroir dont la lumière naturelle capte toute l’intimité sans jamais tomber dans le voyeurisme.
En décochant toutes les cases de la rencontre amoureuse pour lui préférer l’apprentissage d’un retour à la vie, Constance Meyer, réussit, en toute simplicité, à faire vibrer la corde sensible.
Sorties de la semaine du 2 mars 2022
Design : Fidelio. Photo : Jérôme Prébois
Box-office :
Avec un budget supérieur à 3 millions d’euros, Robuste a été un gros échec au box-office français. Avec 30 000 entrées dont 11 000 à Paris, c’est le pire résultat pour une distribution Diaphana depuis Les fauves en janvier 2019. Entre les deux films, Diaphana avait sorti pas moins de 30 longs métrages. Parmi ses chiffres les plus bas, nous citerons Histoire d’un regard à la recherche de Gilles Caron (44 385), Le Capital au XXIe siècle (41 016), Chère Léa (44 470)…
C’est d’autant plus grave que les exploitants ont programmé le film dans des salles vides : 17 245 dans 132 salles, soit une moyenne ahurissante de 131 spectateurs par écran. En deuxième semaine, Robuste rétrogradait à 7 353 spectateurs, puis 3 462 retardataires dans 142 cinémas…
Cette chronique pourtant attachante perdra systématiquement plus de 50% de sa fréquentation d’une semaine à l’autre. La sortie est bien trop anémique pour vraiment parler au public.
Diaphana ne lui en veut pas et propose le film de Constance Meyer en format blu-ray en juillet 2022.
Le DVD & Blu-ray
Compléments vidéo :
- Rhapsody, court-métrage de Constance Meyer avec Gérard Depardieu (2016, 16 min)
- Bande annonce
© 2021 Dharamsala, Diaphana Distribution. Design : Fidelio. Photo : Jérôme Prébois
