L’affaire Dominici reconstitue avec précision une mystérieuse affaire criminelle. Le film vaut surtout pour sa description sans fard de la province française des années 50 et pour l’interprétation magistrale de Gabin.
L’argument : Une famille de touristes anglais est massacrée sur une route de Provence. Alors, une enquête est ouverte au terme de laquelle Gaston Dominici, qui habitait une ferme toute proche, est condamné à mort…
Nouvelles prises de risques pour Jean Gabin
Critique : L’année 1973 est un peu particulière pour Jean Gabin, acteur réputé vieux jeu, puisqu’il se retrouve successivement à l’affiche de deux longs métrages qui mettent en cause directement la peine de mort. Sorti peu de temps avant Deux hommes dans la ville, l’excellent plaidoyer de José Giovanni, le « vieux » comme il aimait s’appeler, tourne L’affaire Dominici d’après un fait divers survenu en France en 1952.
Pourtant, il faut que les producteurs et le cinéaste insistent lourdement pour que Gabin accepte de tenir le rôle du patriarche accusé par ses fils du meurtre d’une famille de touristes anglais. Cette affaire, qui s’est étalée dans toutes les chroniques judiciaires dans les années 50-60, n’est toujours pas résolue, ce qui ne rendait pas facile la création d’un scénario passionnant.
Une description clinique d’une certaine France provinciale des années 50
Malin, le cinéaste Claude Bernard-Aubert se concentre tout d’abord sur la description d’une France profonde encore marquée par le patriarcat et la loi du silence. Vivant toujours dans le souvenir des années d’Occupation, les paysans d’alors cachent leurs secrets au plus profond d’eux-mêmes et voient d’un mauvais œil l’intrusion d’étrangers dans leur quotidien.
Ne ménageant personne, le cinéaste décrit une France arc-boutée sur ses convictions ancestrales, décimée par l’analphabétisme et la méconnaissance de l’autre. Malheureusement, il a abandonné la piste du fossé linguistique qui séparait la famille Dominici (adepte du patois provençal) des enquêteurs. Même si la prestation de Jean Gabin est remarquable, celui-ci n’a même pas pris la peine de s’initier à l’accent local et toute la dimension linguistique a donc été bannie du film, ce qui est sans aucun doute dommageable.
La franche critique d’une justice incompétente et sous influence
Pourtant, dans une deuxième partie centrée sur le procès du vieux Dominici, l’auteur se focalise désormais sur la médiocrité des méthodes d’investigation policière, sur les abus de pouvoir des forces de l’ordre et l’aveuglement d’une justice qui se veut exemplaire avant d’être juste. Broyé par l’implacable machine judiciaire qui réclame un coupable dans l’urgence, l’individu n’est plus que l’instrument d’une politique visant à maintenir l’ordre à tout prix.
Si la première partie du film est tout à fait convaincante grâce à une description sans fard d’une France sclérosée, on est moins emballé par le procès, filmé assez platement par Bernard-Aubert. Heureusement, celui-ci a su s’entourer des meilleurs acteurs pour donner chair à sa reconstitution : Jean Gabin est impérial en patriarche bougon, Victor Lanoux respire la veulerie, Gérard Depardieu interprète le benêt de la famille avec conviction et Paul Crauchet s’acquitte d’un énième rôle de commissaire avec professionnalisme.
Un joli succès provincial de retour dans un beau mediabook limité
Beau succès provincial (qui lui apporte la majorité des 1,3 million d’entrées glanées à sa sortie), L’affaire Dominici (1973) n’est pas le plus grand film de son cinéaste, mais demeure aujourd’hui encore une intéressante radiographie d’une France qui n’a peut-être pas encore totalement disparu.
Depuis, le long-métrage a fait l’objet de plusieurs éditions en VHS et en DVD, ainsi que de multiples diffusions télévisées. Il est réapparu dernièrement dans un beau Mediabook au sein de la collection Coin de mire. Doté d’une superbe présentation, de formidables goodies et d’une belle copie restaurée, le Mediabook très limité vaut largement le coup pour les fans de Gabin. Il commence déjà à être difficilement trouvable. Avis aux amateurs.
Critique de Virgile Dumez