Expérimental et déstabilisant, The End est une proposition cinématographique alternative qui séduit tout en abandonnant un peu trop souvent le spectateur au bord du chemin. A voir, au risque de s’y perdre.
Synopsis : Un homme part chasser dans une forêt qu’il croyait connaître. Mais son chien s’enfuit puis son fusil disparaît. Alors qu’il se perd, une atmosphère hostile et étrange s’installe…
Critique : Aimant par-dessus tout ausculter la noirceur de l’âme humaine, le cinéaste Guillaume Nicloux a commencé sa carrière par des polars très sombres comme Une affaire privée (2002), Cette femme-là (2003) ou encore La clef (2007). Visiblement lassé de la structure classique exigeante inhérente au genre policier, il a peu à peu délaissé la narration stricte pour aller vers davantage d’épure.
Cela a notamment donné le beau Valley of Love (2015) où le réalisateur suivait l’errance du couple Huppert-Depardieu dans des espaces désertiques, à la recherche du fantôme de leur fils disparu. Malgré un procédé risqué, le long-métrage dégageait une émotion brute saisissante que Nicloux et Depardieu ont sans aucun doute voulu renouveler. Tourné dans la foulée, The End est pourtant un projet encore plus atypique puisque le but est avant tout de réaliser un film rapidement, avec quasiment un seul personnage perdu dans une forêt hostile. Il s’agit en réalité de la transcription d’un rêve effectué par Nicloux peu de temps avant le tournage.
Avec pour seul script une trentaine de pages, le réalisateur a été soutenu par la productrice Sylvie Pialat et par son comédien fétiche, le géant Gérard Depardieu. Il fallait bien toute la puissance de jeu de l’acteur pour occuper le cadre d’une œuvre dépouillée à l’extrême. Effectivement, notre Gégé national est de tous les plans et se retrouve plongé au cœur de la forêt dans une solitude extrême durant la première demi-heure du film.
Il s’agissait bien d’un véritable défi, aussi bien pour le comédien que pour le réalisateur. Susciter l’intérêt du spectateur à partir d’un procédé aussi frustre et une intrigue réduite à sa plus simple expression était une sacrée gageure. Reprenant la structure alambiquée du cauchemar, le film intrigue réellement durant la totalité de la projection. On se demande bien ce qui arrive à cet homme dont on suppose à plusieurs reprises qu’il est déjà mort (le titre nous met d’ailleurs sur la voie).
Pourtant, l’arrivée inopinée de plusieurs personnages, tous plus étranges les uns que les autres, vient bouleverser nos théories. Finalement, lorsque le film se termine, le spectateur n’est pas beaucoup plus avancé, certain d’avoir vu un OVNI, sans être persuadé de l’intérêt d’une telle expérience. A y réfléchir de plus près, il semble bien que le long-métrage soit une plongée dans la psyché désordonnée d’un homme arrivé au bout du rouleau. Toutefois, la symbolique attachée aux différents personnages reste pour le moins cryptique.
Et de fait, dans les différents entretiens qu’il a accordés aux médias lors de la sortie en e-cinéma, Guillaume Nicloux a évoqué une sorte d’écriture automatique. De quoi expliquer les incohérences, voire les béances d’une histoire qui ne semble aller nulle part. A la fois audacieux par sa volonté de ne suivre aucun schéma narratif préétabli et terriblement frustrant par son incapacité à faire sens, The End est une expérience cinématographique que l’on ne conseillera pas aux puristes d’un cinéma commercial normé. Les autres peuvent aisément s’y risquer, sachant qu’il est également possible de s’y ennuyer ou de s’y perdre.
Au moins, Depardieu se révèle une fois de plus un acteur incroyable, dévorant la caméra quoi qu’il fasse. On aime également la musique intrigante d’Eric Demarsan et l’ambiance sombre et anxiogène du film, tout en déplorant sans doute le manque de substance d’une œuvre finalement très formaliste. Sorti directement en e-cinéma au mois d’avril 2016, le film n’aurait de toute façon certainement pas rempli les salles au-delà de sa première semaine d’exploitation, et ceci malgré la présence de la star.
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