Viva la vie, œuvre d’anticipation très originale et parcourue de fulgurances étonnantes, fait partie des bons crus de Claude Lelouch. Inégal, mais intrigant.
Synopsis : Michel Perrin, important industriel, et Sarah Gaucher, comédienne renommée, n’ont a priori rien en commun… et pourtant, ils disparaissent mystérieusement tous les deux le même jour, à la même heure. Et, surtout, réapparaissent trois jours plus tard comme si rien ne s’était passé. Ce qui pourrait sembler n’être qu’une troublante coïncidence, mais le phénomène se reproduit à l’identique peu de temps après…
Lelouch en mode fresque gigantesque
Critique : Au début des années 80, le réalisateur Claude Lelouch est soudainement pris par la folie des grandeurs et offre au grand public des fresques gigantesques qui regroupent tout le gratin du cinéma français. Il débute cette série de films ambitieux par Les uns et les autres (1981), un drame musical de plus de trois heures qui rencontre un très gros succès en salles avec plus de 3,2 millions de spectateurs séduits par cette proposition de cinéma totale. Désormais certain de détenir une formule imparable, Lelouch se lance ensuite dans le coûteux biopic Edith et Marcel (1983) qui va être une sacrée douche froide puisque le long-métrage de près de trois heures se vautre au box-office avec seulement 875 766 clients alors que le budget était astronomique.
Pour le cinéaste, qui est aussi son propre producteur à travers sa société des Films 13, il fallait rapidement redresser la barre. Toutefois, pas question de revenir à une œuvre plus intimiste ou commerciale, puisque Lelouch se lance dans un nouveau projet ambitieux et qui détonne totalement au sein du cinéma français de l’époque, à savoir tourner une œuvre fantastique, à la lisière de l’anticipation et du film apocalyptique, alors très en vogue à l’étranger. Il réunit une fois de plus une brochette de stars tout à fait impressionnante et orchestre avec Viva la vie un kaléidoscope de séquences dingues qui portent indubitablement sa marque de fabrique. Ainsi, que l’on aime ou non son cinéma, on ne peut dénier à Claude Lelouch le titre d’auteur à part entière tant son cinéma ne ressemble qu’à lui-même. Parfois pour le meilleur et parfois le pire !
Viva la vie, un film mystérieux de bout en bout
Avec Viva la vie, on serait plutôt dans le haut du panier de sa production puisque le long-métrage bénéficie d’une histoire mystérieuse tout à fait intrigante. Dans un grand moment de prétention dont il a le secret, le réalisateur s’invite même dans une scène pour prévenir les spectateurs de ne pas dévoiler les bases de son histoire, afin de ne pas gâcher la surprise aux autres spectateurs. Et de fait, nous essaierons de nous limiter à quelques considérations d’ordre général afin de ne pas trop déflorer les ressorts d’une intrigue tarabiscotée et fondée sur des enchâssements de rêves.
Cela démarre très fort avec une superbe séquence de panique dans le quartier futuriste de la Défense – qui venait tout juste d’émerger et qui a fasciné les cinéastes, d’Yves Boisset à Jean-Pierre Mocky – où l’on se croirait aux plus belles heures du cinéma apocalyptique des années 80. Rapidement pourtant, le réalisateur revient à un style qui lui ressemble davantage en évoquant les affaires de cœur de deux couples formés par Evelyne Bouix– Jean-Louis Trintignant et Charlotte Rampling – Michel Piccoli. Même si certains passages peuvent irriter par le maniérisme de la réalisation, l’intrigue fantastique se tisse petit à petit et finit par révéler ses tenants et aboutissants, qu’ils soient réels ou fantasmés.
Des séquences poétiques qui marquent durablement
© 1984 Les Films 13 – Top n°1 – Union Générale Cinématographique (UGC) / © 2022 Metropolitan Vidéo. Tous droits réservés.
Dans tous les cas, le cinéaste se fait le témoin de la peur du nucléaire lié à la reprise de la guerre froide en ce début des années 80. Ainsi, Claude Lelouch fantasme une fin du monde qu’il évoque à travers quelques rêves qui propulsent le film dans une autre dimension, celle des grandes œuvres visionnaires. On adore notamment toutes les séquences où la nuit s’impose de manière irréversible, ce qui est d’ailleurs figuré sur l’affiche. Porté par l’étonnante musique électronique de Didier Barbelivien – vraiment intéressante et fort différente de ses productions de l’époque pour Johnny Hallyday ou pour ses duos avec Felix Gray – ces séquences de Viva la vie saisissent par leur teneur poétique et permettent au cinéaste de dérouler ensuite une intrigue résolument fantaisiste, mais qui a le mérite de l’originalité.
Certes, on est quelque peu déçus par la résolution finale qui nous paraît trop facile, tandis que les éternelles interrogations conjugales du cinéaste nous laissent froids, mais Viva la vie constitue toutefois une bonne surprise au sein de la filmographie de son auteur par son inspiration constante, la qualité de sa réalisation et l’ambition démesurée d’un tel projet, dopé par des moyens que l’on imagine gigantesques. Le réalisateur est encore bien aidé par tous les comédiens qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. On adore ainsi la présence envoutante de Charlotte Rampling, le jeu outré de Michel Piccoli, ainsi que la présence longtemps inexpliquée d’un Charles Aznavour fantomatique. Toutefois, il ne faut pas négliger l’apport d’Evelyne Bouix qui s’en sort plutôt bien dans un rôle pas si évident.
Une bande-annonce originale qui a intrigué les spectateurs
Doté d’une bande-annonce volontairement mystérieuse et d’un casting en or, Viva la vie débarque sur les écrans la semaine du 18 avril 1984 par les bons soins du distributeur UGC-Europe 1. Il s’agit de la plus grosse sortie de cette semaine où se pressent dans les salles des œuvres de moindre impact comme Retour vers l’enfer (Kotcheff), le polar bis Les fauves (Daniel) ou encore Osterman Weekend (Peckinpah). La fresque fantastique débarque logiquement à la première place du box-office parisien avec 90 289 adultes dans les salles.
Le métrage conserve sa première place à Paris en deuxième semaine avec des chiffres constants (82 345 entrées de plus). C’est finalement une reprise triomphale de L’homme qui en savait trop (Hitchcock, 1956) qui déloge le film de sa première place, même s’ils sont encore 92 905 adeptes du cinéma de Lelouch à faire le déplacement. Finalement, il faut attendre la quatrième septaine pour que le film dévisse à 54 257 pour un total de plus de 319 000 entrées. Désormais, la fresque subit la concurrence d’un autre grand film français, Fort Saganne (Corneau) et elle finira sa carrière parisienne à 450 656 tickets vendus.
Une belle carrière française
Sur l’ensemble du territoire français, Viva la vie ouvre en première place hebdomadaire avec 249 238 curieux dans les salles. Le bouche à oreille est efficace et le film arrive quasiment à 500 000 entrées en deux semaines d’exploitation. Il continue à être en pôle position sur la France en troisième septaine avec un total tutoyant les 750 000 entrées. Comme à Paris, le film subit la concurrence directe de Fort Saganne et ses entrées s’effritent au bout d’un mois, tout en restant à des niveaux très élevés (autour de 150 000 tickets par semaine). Fin mai 1984, le métrage franchit la barre fatidique du million et prolonge sa carrière jusqu’à la fin juillet avec un beau score de 1 453 707 entrées.
Il s’agit assurément d’un beau succès pour le cinéaste qui enchaînera aussitôt avec un autre film collectif, un certain Partir, revenir (1985). Edité d’abord en VHS, Viva la vie a ensuite eu droit à plusieurs éditions DVD au rabais, avant de nous revenir début 2022 en blu-ray chez Metropolitan Vidéo dans une copie restaurée d’excellente tenue, mais malheureusement sans le moindre bonus, hormis la bande-annonce d’époque.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 18 avril 1984
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© 1984 Les Films 13 – Top n°1 – Union Générale Cinématographique (UGC) / Affiche : Alain Lynch ; Dominique Guillotin. Tous droits réservés.
Biographies +
Serge Riaboukine, Charles Aznavour, Martin Lamotte, Jean-Louis Trintignant, Anouk Aimée, Michel Piccoli, Charlotte Rampling, Claude Lelouch, Laurent Malet, Jacques Nolot, Evelyne Bouix, Charles Gérard, Denis Lavant, Raymond Pellegrin, Tanya Lopert, Myriam Boyer