Véritable accident industriel, Supergirl est une kitscherie fort sympathique grâce au jeu survolté de Faye Dunaway et un second degré salvateur.
Synopsis : Un jeune homme est ensorcelé par la sorcière Selena pour qu’il tombe amoureux d’elle au premier regard. Malheureusement, la première femme sur qui il pose les yeux est Supergirl. Arrivée accidentellement sur Terre, cette cousine de Superman déclenche la fureur de la sorcière…
Un spin-off de la saga Superman
Critique : Heureux producteur du tout premier Superman (Donner, 1978), Alexander Salkind a continué à exploiter la franchise DC Comics au début des années 80. Avec l’aide de son fils Ilya Salkind, il développe non seulement le personnage de Superman, mais acquiert également les droits d’exploitation de la cousine de l’extra-terrestre, à savoir Supergirl. Le but était déjà de créer un univers partagé où certains personnages d’une franchise se retrouvent dans une autre afin de créer des ponts entre les films.
Il était ainsi initialement prévu que Christopher Reeve fasse une apparition dans Supergirl (Szwarc, 1984), mais celui-ci ne pourra finalement pas se rendre sur les lieux du tournage en Angleterre et il n’apparaît que sous la forme d’une photographie au mur de la chambre universitaire de l’héroïne. Par contre, les producteurs ont réussi à obtenir la participation de Marc McClure qui interprète le photographe Jimmy Olsen dans l’intégralité des épisodes de la célèbre franchise.
Des enjeux dramatiques très limités
Dans l’optique de développer une nouvelle franchise, les scénaristes et producteurs choisissent de raconter les origines du personnage à travers des séquences spatiales qui font écho à celles du premier Superman. On convoque pour cela plusieurs pointures comme Peter O’Toole, Mia Farrow ou encore Simon Ward qui sont chargés de donner du prestige à un film entièrement porté par une inconnue du grand public, à savoir la jeune Helen Slater. Ces séquences initiales indiquent rapidement l’option choisie par l’équipe artistique : les décors sont clinquants, pour ne pas dire outrageusement kitsch, de même que les costumes.
Parallèlement, la méchante sorcière terrestre incarnée avec gourmandise par Faye Dunaway est le pendant féminin du personnage de Lex Luthor (Gene Hackman dans le film de Richard Donner). En fait, l’intrigue semble calquée sur celle du film de 1978, mais dénuée du moindre enjeu véritablement sérieux. Ainsi, l’intégralité de l’histoire repose sur la jalousie éprouvée par une vieille sorcière en mode cougar envers la jeune héroïne, amoureuse d’un jardinier un peu benêt, mais beau gosse. Niveau enjeu dramatique, Supergirl n’est clairement pas au top.
Faye Dunaway, délicieusement excessive en sorcière cougar
Pour autant, nous ne serons pas aussi catégoriques que les critiques de l’époque qui furent assassines. Effectivement, le réalisateur Jeannot Szwarc a bien conscience qu’il n’est pas en train de tourner un chef-d’œuvre du cinéma et en profite pour glisser un humour camp plutôt sympathique. La seule présence de Faye Dunaway – inoubliable Joan Crawford dans Maman très chère – garantit un grand moment d’humour décalé. L’actrice ose pousser une fois de plus le curseur du cabotinage au maximum et ses interventions s’avèrent toujours réjouissantes pour peu que l’on aime l’humour bitchy.
Si l’on ajoute à cela un certain nombre de gags efficaces et un ton volontairement léger, on peut apprécier Supergirl en tant que sucrerie inoffensive destinée uniquement à divertir par une bonne dose de second degré. N’oublions pas que le cœur de cible d’un tel film était clairement le public enfantin puisque l’on estimait à cette époque que les adultes ne s’intéresseraient jamais aux aventures de héros en collants.
Quelques rares scènes spectaculaires
Dans ce grand déballage de kitscherie, Supergirl propose tout de même quelques séquences spectaculaires, bien que rares, comme la destruction d’un centre-ville par un bulldozer possédé, ainsi qu’un combat entre Supergirl et un monstre géant. Toutefois, celui qui peut être considéré comme le boss de fin pâtit du même caractère vaporeux qui faisait déjà des ravages à la fin de Krull (Yates, 1983). Rétrospectivement, on a un peu de mal à comprendre la raison d’être de plans flous sur un monstre que l’on imagine pourtant très réussi.
Réalisé avec un certain sens de l’efficacité par Jeannot Szwarc (par ailleurs cinéaste des Dents de la mer 2ème partie), Supergirl bénéficie également d’une musique symphonique tonitruante de Jerry Goldsmith. Si l’on excepte le thème principal qui copie de manière trop évidente celui écrit par John Williams pour Superman, la bande originale est plutôt valeureuse et donne une certaine puissance aux images et aux effets spéciaux. On sera davantage réservé quant à la prestation de Helen Slater qui, malgré un entraînement intensif pour se muscler, n’a pas vraiment les épaules du rôle. Elle paraît en tout cas nettement en retrait par rapport à la grande Faye Dunaway qui écrase tous ses partenaires par son abattage.
Première tentative de mettre en avant un personnage féminin dans le genre super-héroïque, Supergirl n’est bien entendu pas un grand moment de cinéma, mais le métrage est loin d’être le pire de la saga. Ainsi, le pathétique Superman 4 (Furie, 1987) sera un naufrage artistique bien plus accablant, lié notamment à des conditions de production catastrophiques au sein de la firme Cannon.
Une sortie désastreuse aux Etats-Unis
Doté d’un gros budget de 35 millions de dollars (l’équivalent en 2021 de 90 millions de billets vert), Supergirl a été une sévère déception au box-office américain. Alors que Superman 3 (Lester, 1983) avait déjà connu une contre-performance, le spin-off est lâché par la Warner qui confie la distribution à la société Tri-Star. Il est alors décidé d’amputer le film de vingt minutes afin de le rendre plus efficace. Cela a abouti à un cuisant échec avec un gain de 14,2 millions sur le sol nord-américain. A l’international, le long-métrage est sorti dans sa version intégrale de plus de deux heures, mais l’échec nord-américain a été confirmé en France puisque Supergirl n’est entré qu’en septième position à Paris lors de sa semaine d’investiture (46 987 spectateurs) et il a fini sa carrière sur les écrans de P.P. au bout de quatre la laborieuses semaines, à l’issue desquels le blockbuster achèvera sa course parisienne à 86 142 adolescents. D’ailleurs, ce ne fut pas une major qui proposera le film en salle en France, mais le distributeur 100% français AMLF (devenu aujourd’hui Pathé) qui s’était essayé à le déployer dans l’Hexagone.
Sorti la même semaine que le rouleau compresseur de Christian Fechner Marche à l’ombre (Blanc, 1984), Supergirl ne faisait assurément pas le poids puisqu’il se destinait essentiellement à un public de jeunes filles. La date de sortie était positionnée afin de permettre au film de cartonner durant les vacances scolaires de la Toussaint, avec l’espoir de rester encore solide pendant les fêtes de Noël, mais Supergirl a été un tel échec qu’il n’a pas survécu au mois de novembre. En fin de parcours, l’héroïne était renvoyée au placard avec seulement 255 200 groupies dans son escarcelle. Autant dire une misère au vu du coût d’une telle production.
Depuis cette époque désormais lointaine, l’univers des super-héros est devenu dominant, à tel point qu’une série Supergirl a été créée avec succès entre 2015 et 2020, s’étalant sur six saisons et un total de 126 épisodes. Pour ceux qui ont connu la sortie du film des années 80, la super-héroïne restera toujours associée à un monument de kitsch sympathique.
Attention, une version Director’s cut du film de 138 minutes existe ; elle figure sur le double DVD collector zone 1 d’Anchor Bay, proposé en édition limitée au début des années 2000. Elle est exploitée par Warner à l’occasion d’un blu-ray deux disques, mais en SD, dans le cadre de la collection Warner Archive Collection, en 2018.
Critique de Virgile Dumez