Premier film mettant en scène un hacker, WarGames est aussi un vibrant plaidoyer pour la paix dans le monde à l’heure où la guerre froide faisait rage. Le film demeure encore efficace de nos jours, malgré son aspect teen-movie qui en limite les enjeux.
Synopsis : David Lightman est un hacker capable de déjouer les systèmes de sécurité informatique les plus sophistiqués, de déchiffrer les codes secrets les plus complexes et de réussir les jeux vidéo les plus difficiles. Mais lorsqu’il fait intrusion dans le système informatique du département de la défense, les conséquences de ses actes prennent des proportions beaucoup plus globales… comme la Troisième Guerre mondiale !
Un contexte de forte tension sur le plan international
Critique : Durant l’année 1979, plusieurs incidents nucléaires ont failli avoir lieu aux Etats-Unis à cause de simulations mal maîtrisées. Ainsi, les ordinateurs qui étaient chargés d’échafauder d’hypothétiques scénarios d’attaque de la part de l’URSS ont confondu la réalité et la fiction, générant une confusion au plus haut du commandement. Même si ces éléments ont peu fuité dans les médias, les deux scénaristes Walter F. Parkes et Lawrence Lasker s’en sont largement inspirés pour écrire l’histoire de WarGames. Pour écrire le personnage du professeur Stephen Falken – incarné avec justesse par l’acteur shakespearien John Wood – ils ont été également beaucoup influencés par la personnalité hors norme du scientifique Stephen Hawking. Enfin, leur script s’est fondé sur des connaissances approfondies en informatique, de manière à rendre crédible une intrigue a priori hautement improbable.
C’est finalement la firme United Artists qui se porte acquéreur de ce scénario devenu d’une brûlante actualité depuis que le président Ronald Reagan a relancé la guerre froide au début des années 80. Effectivement, le président républicain a mis fin à plusieurs années de Détente et choisit plutôt la surenchère dans l’armement et dans les menaces verbales envers un axe du Mal qui serait incarné par l’URSS et son modèle communiste. Autant dire que la menace nucléaire est à nouveau d’actualité, comme en témoigne d’ailleurs le cinéma de l’époque, avec la floraison de post-nuke ou de films d’avertissement bien plus sérieux (Le jour d’après de Nicholas Meyer en 1983 ou encore Le dernier testament de Lynne Littman en 1984).
Un réalisateur peut en cacher un autre
Débuté en 1982, le tournage de WarGames démarre sous haute tension puisque le réalisateur Martin Brest (futur cinéaste du Flic de Berverly Hills en 1984) est assez rapidement remercié par le studio, officiellement pour différends artistiques. On appelle donc au pied levé le cinéaste John Badham qui sortait tout juste du tournage d’un autre film d’un genre approchant avec Tonnerre de feu (1983). Le réalisateur connu pour sa rapidité d’exécution apprise à l’école de la télévision reprend donc un tournage à la volée et impose de nouvelles options esthétiques, notamment au niveau des éclairages de William A. Fraker.
Pour le reste, John Badham se fond dans le moule de la production et livre une œuvre appliquée entièrement vouée à l’efficacité. Il se sert du charisme inné du jeune Matthew Broderick, dont c’est le tout premier film après une unique prestation télévisée, pour donner corps à cet adolescent qui deviendra le modèle de tant de geeks à travers le monde. Alors que les scénaristes lui mettent dans les pattes une jeune fille non dénuée de charmes (Ally Sheedy), le jeune homme s’intéresse davantage à ses ordinateurs et autres engins électroniques. Dès les premiers instants, il est présenté comme un hacker de génie qui va se retrouver par erreur à jouer avec l’ordinateur central de la Défense américaine.
Une tension réelle desservie par l’aspect teen-movie du film
L’excellente idée du script est d’avoir introduit la notion de jeu au cœur même d’une thématique beaucoup plus grave, à savoir la défense nucléaire mondiale. Toutefois, le scénario ne va pas nécessairement jusqu’au bout et préfère s’orienter assez rapidement vers une intrigue plus classique, à savoir celle de l’ordinateur qui pète les plombs et risque de faire basculer l’humanité dans la guerre nucléaire. Toutefois, le suspense est ici un peu éventé par le fait que l’on comprend rapidement qu’il s’agit d’une simulation de la part de l’ordinateur. Dès lors, les enjeux dramatiques apparaissent comme un peu léger, là où la première séquence avait brillamment créé une tension palpable durant une grande partie du film.
En fait, WarGames souffre à l’évidence d’un traitement hollywoodien destiné à séduire un large public d’adolescents accros aux nouvelles technologies d’alors. Le ton n’est donc finalement pas si grave et certaines réactions des militaires en charge de l’affaire font parfois sourire par leur extrême naïveté. Le cœur de cible adolescent est ici privilégié, ce qui dessert le propos alarmiste sur la situation mondiale. On peut également être circonspects devant la facilité avec laquelle les héros parviennent à retrouver le scientifique de génie pourtant disparu des écrans radar depuis des années. WarGames n’est donc pas toujours d’une rigueur absolue dans son écriture.
Un film culte pour les geeks du monde entier
Heureusement, les acteurs font agréablement le job et surtout John Badham parvient à créer un vrai suspense et une tension de chaque instant avec pourtant peu d’action et de rebondissements. On peut aussi regretter le peu d’intensité de la musique d’Arthur B. Rubinstein, encore fortement influencée par les années 70. Cependant, il faut saluer la belle rigueur en ce qui concerne les modes opératoires dans le domaine informatique et dans celui du jeu vidéo old school. C’est assurément ce qui a établi le culte voué au long-métrage par la communauté des geeks du monde entier depuis sa sortie en 1983.
Aux Etats-Unis, WarGames a ainsi connu un magnifique succès avec 79,5 M$ de recettes (233,3 M$ au cours ajusté de 2022) pour un budget initial de 12 M$ (35,2 M$ au cours ajusté de 2022). Le teen-movie s’est hissé à la 5ème place annuelle du box-office nord-américain, une sacrée performance pour une œuvre sans star au générique. Enfin, WarGames a obtenu trois nominations techniques aux Oscars et a même été visionné par le président Reagan lui-même, afin de vérifier sa véracité.
Le film de Noël 1983 pour les ados branchés
Boosté par son succès outre-Atlantique, le film de SF débarque en France pour la période de Noël 1983 dans un circuit de salles important qui lui permet de décrocher la première place du box-office parisien la semaine de sa sortie avec 148 266 informaticiens. La semaine suivante, il est devancé par le phénoménal Tchao Pantin (Berri) mais conserve encore 103 170 clients. Pour sa troisième semaine, il se maintient encore très bien avec 90 163 ados en vacances. Comme attendu, la chute intervient en quatrième semaine avec le retour des têtes blondes en classe. Le film chute à 43 402 tickets vendus. La semaine suivante confirme la tendance avec 22 107 cancres supplémentaires et WarGames va perdre de nombreuses salles, l’amenant à cumuler finalement 438 044 entrées dans la capitale.
Sur la France entière, le film débarque en deuxième position derrière la reprise triomphale de Blanche Neige et les sept nains avec 428 973 ados au compteur. La semaine suivante, durant les vacances, confirme la bonne santé du film avec 329 978 geeks de plus. Le film se paye le luxe de franchir le million en seulement trois semaines. Puis, s’il reste stable début janvier, la fin des vacances scolaires signe le temps de la retraite. Toutefois, le long-métrage continue à tourner en province jusqu’au mois de mars et finit donc sa carrière avec 1 689 565 spectateurs français dans sa besace.
Un jeu vidéo tardif et une suite en vidéo
L’histoire du film ne se termine pas là puisque son culte va se poursuivre à travers les différentes VHS qui sont éditées (Warner met également en place le film en format V2000). Au cours des années 90, le film fait l’objet d’un véritable culte dans la communauté des geeks et autres gamers au point que la MGM a édité en 1998 un jeu vidéo éponyme inspiré du long-métrage. Il s’agit d’un jeu PlayStation. Une suite vidéo tardive a même vu le jour avec Wargames : The Dead Code (Gillard, 2008) avec Matt Lander. Toutefois, ce pur produit vidéo sent bon l’exploitation et sa triste réputation ne plaide pas en sa faveur.
Sorti en France en blu-ray au début des années 2010, WarGames mériterait donc une édition vraiment digne de ce nom pour permettre au culte de se perpétuer.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 14 décembre 1983
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John Badham, Matthew Broderick, Michael Madsen, Stephen Lee, William H. Macy, Lucinda Crosby, Ally Sheedy, Dabney Coleman, John Wood