Triomphe du début des années 80, Le marginal est un divertissant polar de série, malheureusement desservi par un scénario inégal et particulièrement réactionnaire.
Synopsis : Muté à Paris, le commissaire Jordan continue sa lutte contre le caïd de la drogue Meccaci.
Belmondo dans un polar urbain bien de son époque
Critique : Après avoir tourné un nombre considérable de films policiers avec Alain Delon, Jacques Deray est cette fois-ci embauché par Jean-Paul Belmondo pour emballer ce polar noir surfant sur la vague des flics frondeurs initiée par Clint Eastwood et Charles Bronson. Il s’agit de leur troisième film ensemble, après Par un beau matin d’été et Borsalino. Si le début du film se situe à Marseille, l’action est rapidement transportée dans le Paris interlope des prostituées et des drogués.
Thriller urbain au goût de violence crue, Le marginal est donc un essai plutôt réussi de moderniser le personnage incarné par Belmondo depuis de nombreuses années déjà. Fortement individualiste, fonceur et casse-cou, le flic qu’il incarne est un parfait modèle d’anarchisme réactionnaire. Ici, l’Etat est forcément gangrené par la corruption, tandis que la ville est laissée en proie à la violence et au vice. Cette tendance est remarquable par la présence systématiquement menaçante d’étrangers et autres clandestins, mais également par l’insistance des auteurs à ridiculiser les homosexuels. Ainsi, la descente dans la boîte cuir est un modèle de cliché homophobe, renforcé encore par des dialogues plus que suggestifs. Autant dire que les gays et leurs amis grinceront assurément des dents à la vision de cette œuvre d’un autre temps.
Un marginal réactionnaire certes, mais très efficace
Malgré l’orientation plus que douteuse du propos (ne pas oublier qu’ici la vraie justice ne peut qu’être sommaire et expéditive), le spectateur parvient à s’extraire du discours ambiant pour profiter d’un spectacle d’une belle efficacité.
Mené de main de maître par un Jacques Deray en pleine forme, le polar fait mouche, soutenu par les impressionnantes cascades d’un Bébel pourtant vieillissant. Les abondantes séquences de poursuite et de fusillades font même oublier les trop nombreuses digressions d’un scénario pas toujours très structuré. Enfin, cerise sur le gâteau : Ennio Morricone nous gratifie d’un thème musical absolument imparable qui donne un peu plus de cachet à ce polar de série finalement très divertissant.
Une sortie phénomène…
Pour la sortie du film, René Chateau et Gaumont mettent les petits plats dans les grands, comme nous l’indique Laurent Bourdon dans son livre Définitivement Belmondo (Larousse, 2017, p 272) :
Quinze mille affiches et affichettes seront collées sur les murs de l’Hexagone et dans le métro parisien. […] En tout, trois millions de francs seront consacrés à la promotion du Marginal qui, selon l’habitude prise par René Chateau depuis plusieurs années, ne sera pas montré aux journalistes […] En revanche, les trois cent exploitants qui projetteront le film sont chouchoutés. Chacun d’eux reçoit une mallette contenant mugs, tirelires, assiettes, crayons et briquets à l’effigie de la star.
… pour un résultat phénoménal
Une sacrée opération promotionnelle qui rencontre le succès. Avec plus de 4,5 millions d’entrées en France en 1983, Le marginal peut aujourd’hui être considéré comme le dernier coup d’éclat de la star au box-office, avant une chute progressive, mais irrémédiable. Il s’agit en l’occurrence de son quatrième plus gros succès personnel et le film se place tout de même sur la troisième marche du podium annuel, confirmant le pouvoir d’attraction d’une star décidément très appréciée du public.
Devant le triomphe commercial du film, René Chateau va même jusqu’à éditer la cassette VHS seulement neuf semaines après la sortie du long-métrage contrevenant ainsi à la loi qui impose une chronologie bien plus étalée. Le marginal est donc une sacrée bonne affaire commerciale pour tous ses créateurs, et ceci malgré des critiques acerbes.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 26 octobre 1983
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© 1983 StudioCanal – Mondial TE FI / Affiche : © Renato Casaro. Tous droits réservés.