Le couteau sous la gorge : la critique du film et le test blu-ray (1986)

Horreur Thriller, Giallo, Erotique | 1h17min
Note de la rédaction :
5/10
5
Le couteau sous la gorge, affiche de Léo Kouper

  • Réalisateur : Claude Mulot
  • Acteurs : Brigitte Lahaie, Francis Lemonnier, Florence Guérin, Alexandre Sterling, Pierre Londiche
  • Date de sortie: 18 Juin 1986
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Le couteau sous la gorge
  • Titres alternatifs : La nuit du danger (premier titre envisagé), Terreur Nocturne (reprise France), Knife Under the Throat (USA), Delitto alla moda (Italie), Kés a kézben (Hongrie), Una extraña perversion (Argentine)
  • Année de production : 1986
  • Scénariste(s) : Claude Mulot
  • Directeur de la photographie : Bruno Affret
  • Compositeur : Alain Guélis
  • Société(s) de production : Japhila Production
  • Distributeur (1ère sortie) : Elysée Films
  • Distributeur (reprise) : Elysée Films (sous le titre de Terreur nocturne)
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Punch Vidéo (1987, VHS), Fravidis (2005, DVD), LCJ Editions & Productions (2011, DVD), Le Chat qui fume (2020, Blu-ray)
  • Date de sortie vidéo : 8 septembre 1011 (LCJ Editions & Productions), Novembre 2020 (Le Chat qui fume)
  • Paris-périphérie : 7 245 entrées P.P
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Formats : 1. 88 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Illustrateur / Création graphique : Léo Kouper (affiche cinéma) / E. Faugère (affiche reprise) / Frédéric Domont (Blu-ray)
  • Crédits : Le Chat qui fume
Note des spectateurs :

Tentative indigente de giallo à la française plus portée sur le nu que le suspense, Le couteau sous la gorge n’a rien d’un film personnel pour Claude Mulot que l’on a vu bien plus inspiré dans le passé. Reste l’ambiance, Florence Guérin et Brigitte Lahaie, et la rareté d’un projet maudit voué à l’échec…

Synopsis : Mannequin pour une agence spécialisée dans la photo de charme, Catherine débarque un soir dans un commissariat de Paris, en proie à une peur panique. Elle prétend avoir subi un viol. Cependant, le commissaire l’éconduit gentiment, Catherine ayant une réputation de mythomane — victime de cauchemars récurrents, la jeune femme a fini peu à peu par confondre rêve et réalité. Aussi, quand un maniaque se met à décimer son entourage proche et à la harceler, personne ne la croit, pas même la police. Seul Nicolas, son voisin, est en mesure de lui apporter un peu de réconfort. Mais, à son tour, il est agressé…

Cover Vod le couteau sous la gorge

2011 © Japhila Production LCJ Editions & Productions (Cover VOD)

Critique : Le couteau sous la gorge de 1986 n’a rien à voir avec le polar de Jacques Séverac des années 50, dont il ne partage que le titre. La série B est réalisée par Claude Mulot, un ancien du porno qui a notamment réalisé l’excellent Sexe qui parle sous le pseudonyme de Frédéric Lansac (1975) et La femme-objet avec Marilyn Jess en 1980. On a pu redécouvrir ses premières œuvres ambitieuses en 2019 grâce à l’éditeur Le Chat qui Fume qui a littéralement établi l’artiste à une sphère qu’on ne lui connaissait pas (ses premières œuvres, La rose écorchée, Les Charnelles et La saignée, que du bon, avaient été ignorées).

Fin de carrière dans le giallo pour Claude Mulot

Reconverti provisoirement à la production “ordinaire”, Claude Mulot réalise une comédie mineure avec son pote Johnny Hallyday (Le jour se lève et les conneries commencent, en 1981), l’érotique soporifique Black Venus et ce fameux Couteau sous la gorge qui sort en salle en juin 86, quatre mois avant sa mort prématurée, des suites d’une noyade qui mettra un terme à une carrière inaboutie, frustrante, comme en témoigne avec beaucoup de justesse l’actrice Brigitte Lahaie dans les suppléments du blu-ray édité encore par Le Chat qui Fume, en novembre 2020.

Le couteau sous la gorge se redécouvre avec plus d’indulgence aujourd’hui, alors qu’on a appris à connaître Mulot et à respecter son œuvre. En 1986, à sa sortie qui s’est soldée par un silence médiatique total et 7 245 entrées en 2 petites semaines d’exploitation sur Paris-périphérie, l’écho est au mieux mauvais, au pire inexistant. L’indifférence insupportable que vit cet auteur ambitieux des années 70 démontre l’ignorance de la France envers sa propre culture de cinéma de genre et un manque certain d’empathie, alors que l’homme sillonne les galères des financements.

Les Charnelles, packaging DVD

Design : Frédéric Domont

Des conditions de production et de tournage difficiles

Le couteau sous la gorge n’offre pas à Mulot la possibilité de réaliser l’œuvre sombre à laquelle il aspire. Il doit composer avec le producteur Dominique Saimbourg qui provient de la mauvaise comédie franchouillarde comme On l’appelle catastrophe (1983) et Le fou du roi (1984), tous deux mettant en scène Michel Leeb en mode bouffon, et Y’a pas le feu… (1985), comédie pyromane du genre franchouillard. Son directeur de la photo a été jusqu’à présent assistant et au montage on retrouve Michel Valio, assistant passé aux commandes avec le film de Bernard Menez Les p’tites têtes, En cas de guerre mondiale, je file à l’étranger, et … Y’a pas le feu… Encore lui. Japhila Productions, aux commandes financières, est donc avant tout une société loufoque pour les vétérans de la comédie d’antan (en 85, ils produisaient Le facteur de Saint-Tropez, avec Paul Préboist). Si l’on ajoute à cela un distributeur salle dont la vocation première était de sortir des karatés dans les cinémas de quartier (Elysées Films en l’occurrence), on comprend que Claude Mulot a les poings et les mains liés. Le couteau sous la gorge est donc une tentative ratée de réaliser un giallo, de raviver le thriller transalpin sous les formes et la chair d’une France de charme, à une époque où le marché de la vidéo égratigne les salles.

René Chateau a son mot à dire

D’ailleurs on sent l’influence, jusque sur le visuel de l’affiche, signé par Léo – Emmanuelle – Kouper, du gourou de la VHS René Chateau. Celui-ci a acheté les droits vidéo du film et a, dès la production, imposé son égérie et compagne de l’époque, Brigitte Lahaie, qu’il baladait dans des films de genre urbains bien de chez nous comme L’Exécutrice (1985) où elle jouait une femme-flic ; et, un an plus tard, Les prédateurs de la nuit, grosse production bis, avec également Florence Guérin, mais aussi Telly Savalas, le fils de Mitchum, Stéphane Audran ou encore Helmut Berger. Du lourd.

Publicité Punch Vidéo L'éxécutrice

Copyrights : René Chateau – Hollywood Boulevard

Le couteau sous la gorge aligne les fautes de goût, stigmatisant le genre en le réduisant à des actrices dénudées, en toute gratuité (nu intégral, attention, ça ne plaisantait pas à l’époque), et à des nappes de synthé aussi plates que l’intrigue. Doit-on y voir là encore l’influence des producteurs et de l’éditeur vidéo ? La VHS qui sera proposée dans la version kung-fu et érotique du pauvre de René Chateau, Punch Vidéo, écartera sur son visuel face le côté thriller et horrifique (à l’exception de la typographie de l’affiche), pour afficher de façon assez putassière Florence Guérin en sous-vêtement, façon couverture de New-Look, Penthouse ou Playboy…

Lustig, Argento… les hommages horrifiques sont sincères

Se situant dans le milieu parisien du mannequinat de charme (ah les séances déshabillées au cimetière !), Le couteau sous la gorge accumule donc les poncifs, tout en voulant rendre un hommage à Maniac, édité par René Chateau lui-même en VHS. Les premières séquences louchent incroyablement dans la direction trouble du chef-d’œuvre de William Lustig. Intrigue paranoïaque, mythomanie et nymphomanie combinée, gros plans maladroits, réalisation géométrique plutôt mal cadrée qui aime suivre des lignes, psychose familiale de père en fils… Mulot n’a plus la main, même s’il lui reste des intentions et un caractère.

Si l’on peut reconnaître à l’auteur une démarche sincère et une volonté de suivre les traces d’Argento (l’intrigue et les décors évoquent Ténèbres, sorti trois ans plus tôt), avec des éclairages qui sortent du plan-plan télévisuel des productions françaises de l’époque, le traitement putassier ébranle tous ses efforts. Et pour é”branler”, le casting n’est pas sans reproche.

Un casting inégal

Le couteau sous la gorge avec Florence Guérin (VHS, Punch Vidéo)

Copyrights : René Chateau – Hollywood Boulevard

Brigitte Lahaie est de la partie. Au sommet de sa beauté de femme dans le film, l’ancienne star du porno avait alors certes décroché, mais sa réinsertion dans le cinéma des « civilités » se fait dans un contexte de films érotiques et de couvertures de magazines olé olé. Cela met forcément le spectateur sur une piste autre que celui d’un thriller intense. Elle sera assassinée lors de sa seule scène déshabillée. On n’y verra pas là le signe d’un hasard.

A ses côtés, au premier rôle, on trouve aussi la Mia Sara française de l’époque, Florence Guerin (Le déclic), une icône du dessapé qui proposait en 1986 en Italie l’une de ses plus grandes réussites, La bonne de Sampieri.

Enfin, parmi les acteurs principaux, Alexandre Sterling, petite révélation de La boum, manifeste un jeu particulièrement fragile. Son passage de la comédie Z pour ados (Vous habitez chez vos parents, L’été de nos quinze ans, Les parents ne sont pas simples cette année) au film adulte est tout simplement loupé. Cela sera d’ailleurs son ultime film de cinéma, puisqu’il passera à la chanson de variété. Dans un rôle important, Sterling manque de puissance et d’épaisseur physique, de charisme vraisemblablement, et s’avère être une faute de casting impardonnable ; il joue notamment l’amant de Brigitte Lahaie, dont le personnage de femme de pouvoir dominatrice ne cadre pas avec le côté minet du jeune comédien.

Nouveau titre, affiche diamétralement opposée et interdiction aux mineurs fantasques

Plusieurs décennies après ce ratage annoncé, Le couteau sous la gorge n’en demeure pas moins regardable. Il en ressort un charme certain, celui d’une époque révolue où à peu près n’importe qui pouvait faire son cinéma, à condition de faire de bonnes rencontres ou d’avoir quelques sous sur son compte en banque. Ce n’est ni aseptisé, ni préfabriqué, juste improvisé par des conditions financières qui ont mis à bout le talent et le savoir-faire d’un cinéaste qui vraiment méritait mieux.

Japhilia Production et le distributeur Elysée Films retenteront de sortir le film en salle quelques mois plus tard sous le titre fourbe de Terreur nocturne, avec une superbe affiche dessinée de Faugère effaçant l’aspect urbain du polar, pour se concentrer sur un côté horrifique d’outre-tombe…

Critique de Frédéric Mignard  

Les sorties de la semaine du 18 juin 1986

Terreur nocturne (Le couteau sous la gorge), affiche alternative du film de Claude Mulot

© E. Faugère – Les archives de CinéDweller


Punch Vidéo

Copyrights : René Chateau – Hollywood Boulevard

Box-office :

Sorti le 18 juin 1986 dans 17 salles parisiennes, Le couteau sous la gorge, alors interdit aux moins de 13 ans, est annihilé dès sa première journée : 726 spectateurs pour son premier jour et une moyenne misérable de 46 têtes par copie. Divisé par environ 4 séances pour ce mercredi… on tombe à une dizaine d’entrées par salle.

Face au Mulot, à l’exception du scandale cannois de Bellocchio, Le diable au corps (l’actrice Maruschka Detmers y pratiquait une vraie fellation sur un comédien), exposé dans 33 cinémas, et le film érotique des Films Jacques Leitienne, Les fantasmes de Miss Jones (6 salles), ce 18 juin était entièrement consacré à des ressorties, dont Tootsie dans 28 cinémas. La raison était simple, il s’agissait des dernières épreuves de bac, et les adolescents étaient entièrement tournés vers les examens.

Un film mort-né

En fin de semaine, Le couteau sous la gorge n’a tranché la jugulaire que de 5 709 spectateurs, avec des scores dérisoires dans tous les cinémas le programmant, y compris sur les Champs-Elysées, au George V, où il n’attirait que 441 curieux. Aux Halles, le Forum Cinémas faisait salle vide avec une semaine à 191 billets achetés ; sur les Grands Boulevards la Maxéville devait se contenter d’un score inhabituel de 476 bisseux. La Fauvette, les Parnassiens, le Convention Saint-Charles et le Bastille devaient également contempler de piètres résultats. En banlieue, 9 sites le programmaient. Le cas des 3 Orangeries de Draveil est éloquent. Le film y a cumulé 91 spectateurs en 7 jours.

Le film était mort-né.

En province, sur les 6 des 15 plus grandes villes qui l’accueillaient, Le couteau sous la gorge achève sa course à 1 682 spectateurs en première semaine.

En 2e semaine, alors que la Fête du cinéma est placée au jeudi 26 juin, les exploitants ont tranché. La série B a disparu des écrans pour ne plus apparaître que sur 2 salles sur Paris-Périphérie : 1 332 spectateurs dans le cinéma de quartier de René Chateau, Le Gaîté Boulevard, et 204 aux 4 Perray, soit  1 536 sous-doués qui passaient le bac une semaine plus tôt. Le film est à l’agonie à 7 245 spectateurs.

René Chateau vendra la cassette vidéo un an plus tard à 590 francs, l’équivalent de 90 euros actuels. Un prix pas si élevé  que cela, puisque les nouveautés dépassaient alors les 1 000 francs. La démocratisation du support était toutefois en marche.

Une édition DVD à la jaquette angoissante de laideur dans son montage d’époque apparaissait en 2005 chez Fravidis. Sans aucun bonus.

Jaquette dvd 2005 de Le couteau sous la gorge de Claude Mulot

2005 © Fravidis, Japhila Production – Les archives de Cinédweller

Le blu-ray

Dans la lignée de ses éditions blu-ray habituelles, Le Chat qui fume propose une édition vidéo limitée dans son packaging. Le prix a baissé, puisque la politique de l’éditeur désormais écarte les combos avec DVD pour se concentrer sur la version HD. Conscient qu’il ne s’agit pas du titre le plus essentiel de sa fournée de novembre 2020, le félin diabolique a réduit les bonus. Le verdict est pourtant très positif…

Compléments & packaging : 4 / 5

Le packaging est simple, mais beau. On notera le choix d’un visuel face plutôt audacieux. L’éditeur ne s’attend pas à vendre son stock dans les magasins mainstream de France et pour la première fois le nom des actrices Brigitte Lahaie et Florence Guérin n’est pas mis en avant. Elles ne figurent même pas sur le cliché très seventies qui sert de visuel principal et choisi pour illustrer un thriller urbain devenu quasi pastoral.

Les deux bonus sont importants. Les retrouvailles avec Florence Guérin sont chargées d’émotion. Les 24 minutes avec cette icône des années 80 (Le déclic, Les prédateurs de la nuit, La bonne…), longtemps partie jouer en Italie, nous rappellent à quel point elle nous manque. L’artiste revient en détail sur sa carrière débutée très jeune, après le collège ; elle convoque les noms de Zulawski et Polanski dans ses souvenirs, des années de joie qu’elle commente avec une certaine nostalgie. Vient la question sur son drame personnel, une tragédie de la route qui a emporté son enfant de 5 ans, Nicolas, et qui lui a valu des années d’opérations et de rééducation… C’était en 1998. Elle a depuis changé officiellement de nom et s’appelle Florence Nicolas, en hommage à son fils.

L’autre interview (9mn), déjà connue car figurant sur les bonus de La rose écorchée, est celle de Brigitte Lahaie qui ne partage pas le même enthousiasme que Florence Guérin sur le réalisateur décédé Claude Mulot. Lahaie évoque un contentieux avec le cinéaste, tout en lui reconnaissait des qualités d’artiste. Toujours fine analyste du comportement masculin, elle interprète le rapport de Mulot aux femmes. Le regard des deux comédiennes sur « Frédéric Lansac » est tellement différent qu’on laissera à chacun le choix de son opinion. Dans tous les cas, cette seconde interview est encore une fois pointue et passionnante. Au total, ces 30 minutes d’entretien s’ouvrent et se referment comme une formidable parenthèse dans la vie des cinéphiles replongés dans une époque que l’on a l’impression de revivre.

Dernier supplément, la présence du film Black Venus que Mulot avait réalisé en 1983 et qui figurait déjà en bonus DVD sur Les charnelles. Le film est proposé cette fois-ci en HD selon la jaquette. A vrai dire, nous ne sommes pas forcément convaincus par le rendu, mais il s’agit là d’un bonus et non du plat principal. L’éditeur le propose à la fois en VO et en VF.

L’image : 3.5 / 5

Le long-métrage a bien fait l’objet d’une restauration et propose un rendu tout à fait correct. Toutefois, on demeure assez loin des standards habituels de l’éditeur. Si les impuretés ont été gommées, l’image manque souvent de précision et la plupart des arrière-plans semblent flous. Ce manque de piqué se retrouve également le long des arêtes tranchantes des immeubles ou encore sur les visages dont la carnation n’est pas exploitée au mieux. Enfin, la colorimétrie est un peu frustre. Rien de déshonorant, mais on ne tutoie pas l’excellence ici.

Le son : 3.5 / 5

Une unique piste en DTS HD Master-Audio 2.0 fait le job. Les voix des acteurs ont été mises en avant, tandis que la musique synthétique domine les plans plus silencieux, avec un équilibre bien balancé. On notera la présence d’un léger souffle sur certains plans muets, ainsi que de quelques craquements de temps à autre. Là encore, rien de bien méchant puisque le confort d’écoute est préservé.

Acheter sur le site de l’éditeur

Le couteau sous la gorge, jaquette blu-ray Le chat qui fume

Visuel blu-ray 2020 : Frédéric Domont – © Le Chat qui fume

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