Phénomène des années 80, dix fois nommé aux Oscars, Tootsie appartient à l’histoire du cinéma. Si le divertissement a vieilli, il conserve un aimable cachet de comédie de situation où la verve des acteurs et le débit des dialogues lui confèrent encore un charme qui saura parler aux nostalgiques et cinéphiles amateurs de classiques.
Synopsis : À New York, Michael Dorsey écume les castings pour enfin décrocher un rôle. Mais cet acteur intransigeant, connu pour son mauvais caractère, n’enchaîne que les refus. Un jour, alors qu’il accompagne son amie Sandy à une audition pour le célèbre soap General Hospital, il décide de changer d’identité et revient au studio sous les traits de la comédienne Dorothy Michaels. Grâce à son franc-parler et à son énergie débordante, elle obtient le rôle et devient bientôt la vedette de la série…
Tootsie : retour sur l’un des phénomènes des années 80
Critique : En 1983, la comédie de travestissement Tootsie est absolument partout. Il est difficile d’échapper à un phénomène aux 4 millions d’entrées France, fort d’un lancement dans la foulée des Oscars – où il a été nommé dix fois -, avec la force d’une locomotive qui a changé les enjeux hollywoodiens, avec une deuxième place annuelle, dans un environnement favorable au merveilleux, à la science-fiction et au fantastique.
Dans une France qui se débarrasse peu à peu de ses goûts pour le cinéma populaire franchouillard et ne cesse de clamer son amour pour les auteurs américains, Woody Allen en premier, Tootsie n’avait pourtant rien d’un succès facile. La mode est à Belmondo, Rambo et Rocky 3, aux films d’effets spéciaux (E.T.) et l’âge des acteurs du film de Sydney Pollack commence à sentir une décennie qui paraît passée depuis une éternité. Dustin Hoffman, qui porte ce gros projet depuis quatre longues années, a largement dépassé la quarantaine quand de nouvelles vedettes mignonnettes comme Tom Cruise dans Risky Business renversent les tendances aux États-Unis.
Un réalisateur à son paroxysme dans la direction d’acteurs
Curieusement, cette comédie d’un autre âge, celui des années 70 qui ont porté Pollack au pinacle (Jeremiah Johnson, Les trois jours du Condor…), ancrée dans un univers d’entre-soi culturel et artistique à l’instar de l’univers de Woody Allen pour qui Pollack acteur jouera dans les années 90, fait aussi écho à un autre film américain alors très récent sur le même thème du travestissement, avec des acteurs d’une génération encore antérieure. Victor Victoria de Blake Edwards obtient 7 nominations aux Oscars sur un scénario identique, le travestissement pour trouver un emploi.
Loin des comédies roublardes comme Madame Doubtfire avec Robin Williams dans les années 90, orientées vers la famille, Tootsie est un authentique spectacle intellectuel dans son rapport à la féminité, à la part de féminité de l’homme, et permet au tombeur Dustin Hoffman de jouer avec son corps et sa grâce de façon troublante. Ses ambitions de jeu et d’écriture (de nombreux scénaristes ont mis la main à la pâte, notamment ceux de la série M.A.S.H.) n’ôtent rien à sa drôlerie qui relève de la finesse et non du gag balourd.
En directeur d’acteurs solides (Jessica Lange et Teri Garr seront toutes deux nommées à l’Oscar chez les femmes, Lange bénéficiant même d’une double nomination cette année-là, avec Frances dans la catégorie de la Meilleure actrice), Pollack excelle. Toutefois, Pollack n’est ici qu’un technicien et le brio de la mise en scène n’est pas, de son propre dire, la préoccupation première, contrairement à des réalisateurs de cette époque (Coppola, Scorsese) chers aux cinéphiles contemporains. Homme de théâtre et de télévision, au rapport privilégié à l’acteur, Pollack fera mieux en 1986 avec Out of Africa, qui aura un accueil critique et public plus fort, et lui permettra de gagner l’Oscar du Meilleur film et du Meilleur réalisateur.
Bref, Tootsie est un must un peu désuet du cinéma américain, mais au charme assuré.
Sorties de la semaine du 2 mars 1983
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LES COFFRETS ULTRA COLLECTOR DE CARLOTTA
Le test blu-ray
Carlotta pare la comédie de Sydney Pollack d’une édition DVD simple, d’une édition blu-ray, mais surtout d’une place dans son imposante collection des coffrets Ultra Collector, limités à 3 000 exemplaires. Il s’agit du numéro 16. Le test ci-dessous correspond à cette édition, dans sa version définitive fournie par l’éditeur.
Les suppléments & packaging : 5 /5
Le packaging est identique aux autres titres de la collection qui comprend des classiques comme L’année du dragon, Christine, Donnie Darko, Body Double, La dame de Shanghai ou plus récemment Phase IV. L’écrin solidement cartonné a été illustré par Liza Shumskaya (kino_maniac), en exclusivité pour Carlotta, et renferme un ouvrage de 160 pages, Le récit du tournage avec Dustin Hoffman et Sydney Pollack. L’ouvrage est passionnant et revient sur le parcours du film : la concrétisation du projet par Dustin Hoffman, le cinéaste qu’il convoitait, les réécritures, l’approche de son personnage pour éviter les attaques féministes, les prises de bec avec le réalisateur, le rachat de la Columbia par Coca Cola, les choix de casting, la production, le rapport difficile aux journalistes (avec une référence très drôle à une jeune journaliste du Figaro) la post-production, la sortie… le tout agrémenté de très nombreuses photographies restaurées. L’ouvrage est formidable.
La partie audiovisuelle des bonus figure également sur le blu-ray simple, avec des exclusivités par rapport au simple DVD. Les bonus proposent un documentaire rétrospectif et hommage datant de 2007. Un bon complément par rapport à l’ouvrage, très complet, d’une durée de 69 min. Un autre making-of promotionnel, d’époque cette fois-ci, entièrement réalisé et monté comme un petit film, est proposé dans son intégralité (34min). C’est beaucoup plus riche que les featurettes promo qui ont plombé bien des bonus de DVD dans les années 2000 et 2010.
Quelques scènes scènes supplémentaires, somme toute anecdotiques, mais pour 10 minutes, et des essais vidéo de Dustin Hoffman pour le premier cinéaste envisagé (Hal Ashby), agrémentent cette édition exemplaire.
Image : 4.5 /5
Restauration 4K. L’image est épatante de précision et apporte son grain de cinéma précieux. Les espaces sont précis et se déploient dans les intérieurs avec ampleur. L’apport 4K offre une belle texture jusqu’à la peau et le maquillage des acteurs. L’édition enterre toutes celles qui avaient sévi précédemment en DVD et blu-ray.
Son : 4/5
Gratifié d’un DTS HD 5.0, Tootsie se découvre en version originale de façon inédite, même si on avoue être peu fan de la musique du film qui a pris quelques rides, depuis le menu du blu-ray jusqu’à la réalité du film qui insiste. Cette piste est une option à envisager pour son confort.
La piste Mono HD Master Audio est techniquement plus proche de la réalité de son époque, et figure en version originale et VF. En revanche, on peut éviter cette dernière, peut-être un peu plus diffuse. Si le doublage d’époque est de qualité, il est moins convaincant lorsque Hoffman doublé prend une voix de femme. Tootsie doit avant tout se vivre en VO, pour profiter de l’intelligence de jeu de Dustin Hoffman, à l’éloquence particulièrement jubilatoire.
Test vidéo : Frédéric Mignard