La saignée : la critique du film et le test blu-ray (1971)

Drame, Policier | 1h25min
Note de la rédaction :
7/10
7
Jaquette 2D du polar français La Saignée, édition Le Chat qui fume

Note des spectateurs :

Œuvre forte, à la fois désespérée et furieusement romantique, La saignée constitue une belle surprise qui devrait plaire au-delà du cercle des fans de genre par sa teneur puissamment mélancolique. A découvrir.

Synopsis : Témoin d’un meurtre perpétré par un parrain de la pègre, Thomas Chanard est contraint de quitter New York pour retourner à Cayeux-sur-Mer, sa ville natale. Il est suivi à son insu par deux hommes : un policier chargé de le reconduire aux États-Unis afin de témoigner, et un tueur à gages engagé par la mafia pour l’abattre. Le retour du « fils prodigue » ravive également des conflits au sein de la bourgeoisie locale. Pour Thomas, les ennuis sont loin d’être terminés…

Un polar à l’américaine

Critique : Auteur ambitieux d’un film d’horreur gothique intéressant (La rose écorchée, 1969), le réalisateur Claude Mulot est à l’orée d’une carrière prometteuse en ce début des années 70. Malgré l’échec public de son premier long-métrage en France, l’exploitation internationale fut davantage encourageante. De quoi remobiliser l’équipe du film précédent sous l’égide du même producteur, Edgar Oppenheimer, afin de tourner cette fois-ci un polar à l’américaine.

La Saignée de Claude Mulot, dans sa copie HD aux éditions du Chat qui Fume

© 2019 Le Chat qui fume. © Jacques Assuérus. Tous droits réservés.

Si l’influence première de Claude Mulot est bien le cinéma américain comme on peut le voir lors des quinze premières minutes du film se déroulant à New York, il ne se départit pas de ses origines européennes pour autant. Après les séquences américaines inaugurales, il localise son film au cœur de la France profonde, notamment vers Bayeux-sur-mer. Dès lors, le réalisateur décrit un microcosme provincial étouffant que n’aurait pas renié un certain Claude Chabrol.

Entre western spaghetti et nouvelle vague

Toutefois, cette critique de la bourgeoisie pompidolienne est emballée avec un savoir-faire plus proche du cinéma de genre. Ainsi, les évolutions à cheval au bord de la plage font songer au western spaghetti, de même que le chemin de croix vécu par le personnage principal. Ajoutez à cela une musique d’Eddie Vartan qui sonne comme les compositions ritales de l’époque et La saignée est indubitablement marquée par sa coproduction italienne.

Cette impression est encore renforcée par l’emploi assez fréquent du zoom, coquetterie stylistique typique de l’époque, ainsi que par la présence de l’acteur Gabriele Tinti, spécialiste des coproductions franco-italiennes.

 

Un long-métrage qui conspue l’autorité

Toutefois, là où l’affiche nous vend un film choc, La saignée est avant tout l’œuvre d’un homme inquiet qui s’interroge sur son époque, et notamment sur la fin des illusions post-mai 68. Ainsi, son personnage principal, amoureux fou de la liberté, est pourchassé à la fois par des tueurs mafieux, mais aussi par la police (qui incarne l’autorité). Le jeune homme ne peut donc trouver sa place nulle part dans une société qui le rejette systématiquement.

Grâce à une musique lyrique et une dramatisation constante des enjeux, Claude Mulot parvient à hisser La saignée au niveau d’une tragédie moderne. Finalement, toutes les tentatives des personnages pour s’extraire de leur milieu sont vouées à l’échec.

Magnifiquement campé par un Bruno Pradal qui sortait tout juste du succès de Mourir d’aimer (Cayatte, 1971), le héros est définitivement attachant. On aime également la plupart des acteurs qui l’entourent. Cela n’empêche pas le film d’être parfois maladroit et de souffrir de son budget rachitique, mais il mérite amplement d’être réévalué et redécouvert. Il constitue sans aucun doute le meilleur opus de son auteur. Son échec commercial cinglant apparaît aujourd’hui comme une injustice majeure.

Edition Digipack de la Saignée de Claude Mulot aux éditions du Chat qui Fume

© 2019 Le Chat qui fume. © Jacques Assuérus. Conception jaquette : Frédéric Domont. Tous droits réservés.

Le test du combo DVD / Blu-ray :

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La saignée, jaquette du blu-ray

© 2019 Le Chat qui fume. © Jacques Assuérus. Conception jaquette : Frédéric Domont. Tous droits réservés.

Compléments & packaging : 5/5

Comme les autres produits de l’éditeur, La saignée bénéficie d’un packaging soigné avec un fourreau luxueux et un boitier qui s’ouvre en trois volets comprenant deux DVD et un blu-ray.

Au niveau des suppléments vidéo, c’est du tout bon. On y retrouve deux entretiens déjà présents en intégralité sur La rose écorchée (interview d’Edgar Oppenheimer et de Jacques Assuérus). Certes, les acquéreurs des deux œuvres pourront trouver cela redondant, mais ce sont deux entretiens formidables et d’une grande émotion.

Une suite d’entretiens passionnants

Ils sont accompagnés de nombreux bonus inédits. On adore écouter parler Didier-Philippe Gérard (connu des amateurs de film X sous le pseudonyme de Michel Barny) qui fut assistant et ami de Claude Mulot. L’homme nous renseigne durant 36min sur le projet, le tournage, mais aussi sur les méthodes de travail de Mulot et sur leur amitié entretenue au cours des années. Il revient également avec émotion sur la mort du cinéaste et l’implication de Johnny Hallyday lors de cette tragédie. L’ensemble est très émouvant, une fois de plus.

L’entretien avec les frères Baumann (21min) est également passionnant et constitue la suite de celui présent sur La rose écorchée. Les deux hommes parlent de leurs relations sur le tournage, puis évoquent la suite de leur carrière dans la musique. On jubile également durant l’entretien (14min) avec l’acteur Gérard Croce qui dit du bien de la plupart de ses partenaires, mais aussi des producteurs qui lui ont donné sa chance au cinéma.

La présentation du film à l’Etrange Festival (12min) permet de retrouver Didier-Philippe Gérard, avec quelques éléments redondants, mais le module demeure très sympathique.

On notera également la présence de documents d’époque, notamment un petit making of de 6min sur le tournage du film, ainsi qu’un court entretien (3min) avec Claude Mulot et Bruno Pradal avant la première projection du film en 1971.

Enfin, les fans de la musique d’Eddie Vartan pourront profiter d’une piste audio isolée. Les fans de VHS peuvent aussi disposer du film en mode magnétoscope, histoire de comparer l’image avec celle du blu-ray. Ce qui est également visible par un module sur la restauration (7min).

On termine ce tour fantastique par deux bandes annonces du film (française et anglaise).

L’image du blu-ray : 4/5

Gros travail de restauration effectué par l’éditeur, à partir d’un master qui était bien abîmé. Le résultat est parfaitement providentiel, même si cela n’empêche pas quelques passages plus problématiques que d’autres. L’ensemble est en tout cas d’excellente tenue, avec des couleurs ravivées, une profondeur de champ retrouvée et un piqué tout à fait satisfaisant. Du très beau boulot qui rend justice au talent de Claude Mulot.

Le son du blu-ray : 3,5/5

Deux pistes (VF d’origine et anglaise pour vendre le produit à l’international) sont proposées en DTS HD Master Audio. Nous avons testé celle d’origine qui propose un vrai confort d’écoute. Les dialogues sont parfaitement audibles et la musique s’inscrit harmonieusement dans le champ sonore. Quelques petites saturations interviennent, mais cela vient sans doute de l’enregistrement d’origine.

Critique du film et test blu-ray : Virgile Dumez

La saignée, l'affiche

© 1971 Produzioni Europee Associate (PEA) – Transatlantic Production / Illustration : Jouineau Bourduge. Photographie : Jacques Assuérus. Tous droits réservés.


Bandeau le chat qui fume

Copyrights : 2019 Le Chat qui fume

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