La balance est un polar qui bénéficie d’une interprétation de premier ordre, ce qui le sauve de la banalité auquel le condamnait sa réalisation, bien plate par ailleurs. Le César du Meilleur Film le plus contesté de l’histoire.
Synopsis : L’indicateur de la 13e Brigade Territoriale a été assassiné. L’inspecteur en chef Palouzi doit absolument savoir pour pouvoir recruter en sécurité une nouvelle “balance”, et enquêter sur les agissements du caïd Massina. Dédé, un ancien lieutenant du truand vivant avec une prostituée, semble être le bon choix.
Bob Swain en immersion au cœur de la Brigade Territoriale
Critique : En 1977, le cinéaste américain Bob Swain a signé son premier film de fiction avec La nuit de Saint-Germain-des-Prés, qui suivait les aventures de Nestor Burma, héros de littérature créé par Léo Malet. Malheureusement, malgré des critiques correctes, le film est un désastre au box-office avec seulement 43 174 entrées sur toute la France. Désespéré, Bob Swain entame alors une longue traversée du désert de quatre années où aucun de ses projets n’aboutit. Au début des années 80, il fait pourtant la rencontre d’un policier qui l’invite à suivre son quotidien au sein de la Brigade Territoriale. Après une longue année d’observation, Bob Swain parvient à écrire un script qui souhaite décrire au plus près le quotidien des flics modernes, bien loin des clichés encore développés dans le cinéma français d’alors.
Un succès européen
Malgré la bonne tenue de ce scénario, coécrit avec le policier Mathieu Fabiani, il ne trouve pas de producteur intéressé, excepté Alexandre Mnouchkine qui engage donc sa société Les Films d’Ariane dans l’aventure. Le producteur offre à Bob Swain la possibilité de choisir l’intégralité de son casting parmi la jeune génération montante, tout en demandant la caution d’un nom porteur. Cela sera donc Maurice Ronet, dans la peau d’un truand à l’ancienne justement. Après un tournage qui s’est parfaitement déroulé, malgré un budget serré, La balance a séduit au-delà des espoirs le grand public français.
Une volonté de moderniser le polar français
Il faut dire que La balance est un des premiers polars français à présenter un Paris multiculturel aux antipodes des images d’Épinal traditionnelles. Terre d’immigration, la capitale – et particulièrement le quartier de Belleville – est décrite sous son aspect le plus cosmopolite. De même, les policiers ne sont plus représentés en uniforme, mais habillés le plus simplement possible, avec jeans et baskets. L’aspect documentaire du long-métrage a sans doute tranché à l’époque avec les habitudes des spectateurs français.
Pourtant, à y regarder de plus près, rien de bien nouveau sous le soleil des caméras : on a ainsi le droit à une description somme toute classique du milieu (le grand méchant incarné par Maurice Ronet est même un prototype de gros bonnet à l’américaine), tandis que l’intrigue, par ailleurs très efficace, ne fait que recycler des ingrédients maintes fois vus, et parfois en mieux. Autre élément regrettable, la réalisation de Bob Swaim, loin de se distinguer, donne dans l’illustration pure et simple du script, sans jamais chercher à inventer. Très télévisuelle, elle ne sert qu’à mettre en valeur l’interprétation d’un groupe de jeunes comédiens sensationnels dont la plupart feront carrière.
Une réalisation moyenne sauvée par les comédiens
Finalement, l’attrait des spectateurs pour ce petit polar sympathique vient sans nul doute de la formidable contribution de tous les comédiens : de Nathalie Baye (qui passe grâce à ce film au statut de star) à Philippe Léotard en passant par Richard Berry qui vient de se distinguer dans Le grand pardon d’Arcady et vient de tourner Une chambre en ville de Jacques Demy, Christophe Malavoy, Florent Pagny ou Tchéky Karyo, tous sont d’une belle justesse de ton. Enfin, l’efficacité des dialogues a également contribué à affermir la bonne réputation de La balance (1982), œuvre fort agréable à suivre. On notera également une certaine sécheresse de la violence qui s’apparente davantage au cinéma américain développé au cours des années 70 et qui faisait de La balance un néo-polar dans l’air du temps. Cela est encore souligné par la bande originale très rock qui représente bien la mode du moment, avec la vogue du punk à l’étranger.
Bob Swaim déclarera à la sortie du film, en 1983,
Dans ce film, j’assume ma double culture. C’est Johnny Hallyday qui me l’a révélé et c’est ce qui m’a beaucoup touché. Il m’a dit que ce film était américain par l’action et français par la tendresse. Je crois que c’est vrai. Mais je n’en n’aurai pas pris conscience moi-même. (Film Français, N°1921)
Enfin, l’intrigue a tendance à plonger dans une certaine noirceur qui sera maintes fois reprise en ce début des années 80, dans des œuvres comme Rue barbare (Béhat, 1984) ou Tchao Pantin (Berri, 1983). Ainsi, les flics sont bien loin d’être des modèles, tandis que le couple formé par Nathalie Baye et Philippe Léotard suscite vraiment l’empathie du public par leur statut de victimes au centre d’un système destructeur.
Un triomphe public couronné par trois César
C’est sans nul doute ce qui explique le succès phénoménal rencontré par le long-métrage qui a déplacé plus de 4 millions de spectateurs durant une carrière longue de plusieurs mois. Celle-ci est notamment relancée par les César qui lui octroient trois statuettes dont celles méritées de meilleure actrice pour Nathalie Baye et celle du meilleur acteur pour Philippe Léotard. On reste davantage dubitatif devant le choix de l’Académie en ce qui concerne la statuette du meilleur film. Ce prix a d’ailleurs fait couler beaucoup d’ancre depuis et est souvent considéré comme la plus controversée artistiquement de l’Académie des César.
Lancé ensuite en grande pompe en VHS par l’éditeur AAA, La balance a ensuite été éditée en DVD au début des années 2000. On signalera toutefois la récente édition du film par Le Chat qui Fume qui propose une restauration du film moyennement convaincante, avec des séquences parfois trop sombres. Le métrage est présenté notamment en 4K UHD pour un rendu précis et bien défini, mais qui déçoit au niveau des contrastes et de la colorimétrie. Les bonus, eux, sont comme toujours, particulièrement soignés.